En Algérie, il n’est pas rare de voir des bananiers pousser dans les jardins de particuliers. Cela a donné l’idée à des agriculteurs de cultiver de la banane sous serre.
Aux côtés du produit importé qui domine largement le marché, la banane locale tente de se faire une place alors que le prix de ce fruit exotique en Algérie connaît des fluctuations importantes atteignant les 1000 dinars le kilo. Une production anecdotique mais tirée par la flambée actuelle des prix.
Mostafa Mazouzi, un pionnier en la matière
En la matière, s’il y a bien un entrepreneur incontournable, c’est Mazouzi Mustapha. Cet ingénieur agronome a toujours rêvé de cultiver de la banane.
C’est en 1986 qu’il tente une première expérience, mais l’opportunité s’offre à lui avec la loi 87-19 de restructuration des domaines agricoles d’Etat. Il obtient une concession : « J’ai demandé de la terre, ils m’en ont donné ici à Sidi Fredj » confiait-il à Ennahar en mars dernier.
Il investit dans des serres multichapelles de 8 travées chacune et arrive à mettre sur le marché local les premières bananes répondant aux standards internationaux.
Il plante jusqu’à 2 400 bananiers par hectare dans ce type de serre de 6 mètres de hauteur. Le résultat est impressionnant : des allées de bananiers chargés de lourds régimes. Une fois récoltés, les régimes sont entreposés dans la zone de maturation où ils sont suspendus à des structures métalliques.
Pour la commercialisation, les bananes bénéficient d’un packaging impeccable ; les cartons portent l’inscription « Les Bananes de Sidi Fredj » avec la mention « Produit en Algérie ».
Culture de la banane sur 1 200 km de côtes
Mustapha Mazouzi est un passionné et reçoit régulièrement la presse. Il suggère que la plantation de bananiers soit encouragée sur les 14 wilayas du littoral algérien.
A raison de 50 hectares par wilaya et avec 500 quintaux par hectare, selon lui, il serait possible de produire de quoi répondre à la demande locale et d’économiser 200 millions de dollars que l’Algérie dépense pour importer de la banane.
Pourquoi les seules wilayas du littoral ? Car la température ne doit pas être inférieure à 14°C, expliquet-il. « La banane est une culture tropicale. Avec la serre, on peut reconstituer un tel climat car on maîtrise l’humidité et la température. » Il poursuit : « On dispose de la terre et de l’eau. »
Un retour sur investissement en seulement deux ans
Poursuivant son plaidoyer, Mustafa Mazouzi explique que la culture de la banane permet un retour sur investissement en seulement 2 ans.
Dans sa serre, la récolte démarre alors que les régimes sont encore verts. Bonnet de laine sur la tête, deux ouvriers originaires des pays du Sahel détachent les régimes qu’ils déposent sur un brancard pour les amener vers la zone de maturation.
L’entrepreneur poursuit : « la culture de la banane procure des emplois. Il faut 5 ouvriers par hectare pour les opérations de maturation, de vente d’intrants agricoles, de pépinière. C’est une activité créatrice de richesse. »
Une production encouragée par les services agricoles
Aux agriculteurs algériens qui souhaitent se lancer dans la culture de la banane, Mustafa Mazouzi se dit prêt à leur fournir de jeunes plants.
Il souhaite plus d’aides de la part des pouvoirs publics. Des aides, le ministre de l’agriculture en a promis dès 2018. A l’époque, lors de la visite de l’exploitation d’un investisseur de Tipasa, Abdelkader Bouazghi confiait à l’agence officielle APS : « Nos services sont prêts à accompagner et soutenir les agriculteurs, en vue de développer cette filière. »
Banane, un engouement national
En Algérie, l’engouement pour la culture de la banane est réel. Des plantations se développent à Aïn Témouchent, Oran, Mostaganem, Bejaïa, Jijel. Même situation à El Oued où un agriculteur a planté des bananiers entre ses palmiers.
A Jijel, dès 2020 on comptait deux exploitations de 5 hectares. Dans cette wilaya, Zoheir Fatsi confiait à l’APS en novembre 2020, avoir loué des terres et investi 10 millions de DA dans des serres.
Bénéficiant d’un prêt de l’ex-Ansej, ce jeune investisseur indiquait être fier de sa première récolte. Les régimes de bananes ont atteint 40 kg et il espère arriver à 70kg. La vente de 300 plants de bananiers le conforte dans l’idée de créer une pépinière. Comme le palmier, le bananier a en effet la faculté de produire des repousses. Même s’il est préférable de les produire par vitroculture, ces repousses sont viables. De son côté, Yacine Zadam, secrétaire général de la chambre d’agriculture locale, confie que ce type de production est à encourager.
Le bananier, un arbre gourmand en eau
Reste un problème de taille dans un pays confronté à la sécheresse. Le bananier a besoin de 2 200 mm de pluie par an. A Sidi Fredj, la moyenne annuelle des pluies est de 800 mm.
La différence doit être comblée en puisant dans les nappes d’eau qui sont déjà surexploitées. Les forages en Mitidja et sur tout le littoral ont largement entamé ces réserves à tel point que l’eau douce est aujourd’hui contaminée par l’intrusion de l’eau de mer.
Alors où trouver de l’eau ? Celle produite par le dessalement de l’eau de mer est trop coûteuse pour l’irrigation. De son côté Mostefa Mazouzi rêve d’une hypothétique autosuffisance en bananes et même d’export.