Politique

Enseignants du Primaire : marche le 2 mars et boycott des examens du 2e trimestre

Les enseignants du primaire ont entamé depuis le mois d’octobre dernier une série de protestations. Ils soulèvent un certain nombre de revendications. Entretien avec Bachir Kiouas, coordinateur des enseignants du primaire d’Alger-Ouest.

Vous avez entamé depuis le 6 octobre 2019 une série d’actions de protestation en optant pour des grèves cycliques. Pouvez-vous nous préciser quelles sont exactement vos revendications ?

Bachir Kiouas, coordinateur des enseignants du primaire d’Alger Ouest. Dans nos revendications, il y a d’abord le volet pédagogique qui concerne directement la réforme éducative. Nous demandons la réforme des programmes pédagogiques et les répartitions annuelles (volume horaire, poids du cartable, manuels à revoir…).

Il y a aussi le volet socioprofessionnel qui concerne le pouvoir d’achat de l’enseignant, mais aussi les tâches non pédagogiques que nous assumons en tant qu’enseignants (gardiennage, accompagnement des enfants à la cantine…).

Il y a en troisième lieu ce qu’on peut appeler le volet des « grands dossiers » notamment la retraite anticipée, la médecine du travail. Ce sont en quelque sorte des revendications intersectorielles qui ne concernent pas uniquement le secteur de l’éducation.

Avez-vous eu des réponses de la part du ministère de l’Éducation ?

Il faut tout d’abord signaler que notre grève a débuté depuis 5 mois. Nous avons commencé par des grèves cycliques d’une journée puis deux et parfois trois jours par semaine, et ce depuis le 6 octobre. Il y a eu des moments où les responsables du ministère ont voulu ouvrir les portes du dialogue sans pour autant prendre de mesures sérieuses pour résoudre les problèmes soulevés.

Il s’agit plutôt de quelques promesses qu’on a pu obtenir de leur part le mois de décembre dernier, comme pour le fait que le ministère de l’Éducation via ses inspecteurs pédagogiques conçoivent des fiches modèle et les remette sur la plateforme numérique au plus tard ce mois de février.

La conception des fiches pédagogiques est une tâche qui doit incomber aux inspecteurs pédagogiques et non aux enseignants. Cela laissera plus de temps à ces derniers pour se consacrer à d’autres tâches pédagogiques (contrôle continu, autoformation, documentation….). L’enseignant du primaire prépare plus de 8 fiches par jour. Ce qui doit être fait par les inspecteurs pédagogiques.

C’était une promesse du mois de décembre. Jusque-là rien n’est encore fait. Donc, encore une fois c’est une promesse non tenue et cela ne fait qu’accentuer le degré de non confiance entre nous et le ministère.

Il y a aussi l’application de l’article 266/14 qui a quand même une assise juridique puisqu’il s’agit d’un décret présidentiel qui date de septembre 2014. Il est appliqué dans plusieurs secteurs de la fonction publique. Il est relatif à la revalorisation de l’échelle de la fonction publique de la catégorie « 11 » à la catégorie « 12 » pour les enseignants du primaire. Il n’est toujours pas appliqué. Les licenciés dans tous les secteurs de la fonction publique sont à la catégorie « 12 » sauf les enseignants du primaire qui sont encore à la 11.

Quelles sont vos prochaines actions ?

Il y a tout d’abord la marche du 2 mars. Celle-ci intervient après une première tentative de marche (le 17 février, Ndlr) mais qui fut avortée (les services de sécurité ont empêché les enseignants de marcher et embarqué près d’une centaine d’enseignants, Ndlr). C’est pourquoi nous avons programmé une autre marche pour le 2 mars prochain, et à partir du 8 mars (date fixée par le ministère pour organiser les examens du 2e trimestre) nous avons décidé de les boycotter. Ce boycott a un ultimatum, à savoir l’ouverture du dialogue.

Jusque-là les portes du dialogue sont fermées et les responsables du ministère disent que nous ne sommes pas une coordination légale. Mais pour nous, c’est une fuite en avant. D’une part, on reconnait la légitimité de nos revendications, et d’autre part, on nous dit qu’on n’est pas légaux vis-à-vis de la loi sur les associations et les syndicats, etc.

Nous disons clairement que lorsque nous nous sommes révoltés le 6 octobre 2019 ce ne fut pas pour fonder un syndicat mais pour arracher des revendications que nous jugeons bien sûr légitimes. Nous sommes conscients que dans l’échelle des revendications il y a des degrés : il y a des revendications prioritaires qui peuvent être réglées dans l’immédiat, d’autres dans le court terme et dans le long terme. Mais jusqu’ici il n’y a rien dans ce sens notamment en ce qui concerne les revendications urgentes.

Donc, vous ne comptez toujours pas vous organiser en syndicat. Ce n’est pas une priorité pour vous…

Pas une priorité, de un. Et de deux, c’est une question qui fait l’objet d’un débat et c’est en plein gestation notamment au sein des enseignants grévistes, et même des enseignants non-grévistes. Nous avons associé tout le monde à cette question. Une partie des enseignants est d’ailleurs favorable à la constitution d’un syndicat des enseignants du primaire. La question sera tranchée d’ici un mois maximum.

Que dites-vous aux parents d’élèves ?

En tant qu’enseignants du primaire, nous lançons un appel à tous les travailleurs du secteur (enseignants des trois paliers), les parents d’élèves et tous les travailleurs qui se soucient de l’avenir des élèves. Nous leur disons qu’ils sont les bienvenus chez nous. Qu’ils viennent nous donner des propositions, qu’ils viennent s’organiser avec nous car les revendications pour lesquelles nous nous battons ont pour objectif de hisser le niveau de l’école, de l’enseignant et de la scolarité. Il s’agit de l’avenir de l’école algérienne.

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