Le Koweït a apporté lundi son soutien et sa participation au Sommet de la Ligue arabe d’Alger. C’est le ministre koweïtien des Affaires étrangères, Ahmed Nasser Al-Mohammed Al-Ahmed Al-Djaber Al-Sabah qui l’a annoncé lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien Ramtane Lamamra, à Koweït.
Le Sommet arabe d’Alger devait être celui d’un nouveau départ pour les relations interarabes alors que le monde arabe est plus que jamais miné par les divisions et les conflits armés.
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S’il devait se tenir initialement en mars prochain sans qu’aucune date ne soit avancée officiellement par l’Algérie, ce sommet aura lieu probablement en automne prochain.
Le président Abdelmadjid Tebboune va fixer une date et la soumettre pour discussions lors de la prochaine réunion des ministres arabes des Affaires étrangères prévue en mars prochain.
Ce cafouillage autour d’un rendez-vous somme toute régulier puisque le monde arabe en a connu des dizaines, illustre les tiraillements qui traversent les États de la région et leur organisation phare, la Ligue arabe. Beaucoup se demandent même s’il reste encore quelque chose de cette entité, considérée comme la plus vieille organisation internationale.
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Bien que l’Algérie ait nié qu’il y ait report du sommet puisqu’aucune date n’avait été initialement retenue officiellement, il n’en reste pas moins que cet épisode cache mal de profondes dissensions sur l’ordre du jour de la rencontre et les positions vis-à-vis de plusieurs dossiers de l’heure.
L’Algérie a voulu faire de ce sommet celui de la relance de l’action arabe commune avec le retour au plan de paix arabe de 2002. Elle a aussi exprimé son vœu d’amorcer un processus de réconciliation interarabe en réintégrant la Syrie au sein de la Ligue arabe. A-t-elle placé la barre très haut au vu de l’état actuel des dissensions entre les membres de cette organisation ?
Si les monarchies du Golfe ont pu dépasser leur crise avec le Qatar, les autres dossiers s’avèrent plus complexes.
Le monde arabe a connu en une décennie deux événements majeurs qui l’ont grandement chamboulé : le printemps arabe de 2011 et la vague de normalisation avec Israël entamée en 2020.
Le premier a plongé au moins trois pays dans la guerre civile et plusieurs autres dans une instabilité chronique. Les conflits en Syrie, au Yémen et en Libye ont induit une intervention directe ou indirecte de certains États (Arabie saoudite et Émirats arabes unis notamment), avec l’implication tout aussi directe ou l’interférence de puissances étrangères (Russie, Turquie et Iran en Syrie, Iran au Yémen et Turquie et Émirats arabes unis en Libye).
L’Algérie a tenu à préserver sa neutralité vis-à-vis de ces trois dossiers, soutenant la légalité en Syrie et refusant la présence des forces étrangères et des mercenaires en Libye.
Concernant le Yémen, elle a régulièrement condamné les attaques des Houthis contre les territoires saoudien et émirati mais sans soutenir formellement l’action de la collection internationale conduite par l’Arabie saoudite.
Force est de constater que ces conflits sont toujours en cours sans sérieuse perspective de règlement. Les positions des uns et des autres aussi n’ont pas changé. Les dernières réponses du secrétaire général de la Ligue arabe laissent penser que le chemin est encore long pour parvenir à un rapprochement des vues.
Sur la réintégration de la Syrie par exemple, Ahmed Abou Al Ghait a indiqué qu’elle n’a pas été évoquée lors de la réunion des chefs de la diplomatie arabes qui vient de se tenir au Koweït et qu’elle nécessitait de larges consultations préalables.
Un avant et un après accords d’Abraham
Les dissensions au sein du monde arabe ont été aggravées par les accords d’Abraham de 2020 qui ont vu quatre États prendre unilatéralement l’initiative de normaliser leurs relations avec Israël (Maroc, EUA, Bahreïn et Soudan).
Avec l’Égypte et la Jordanie, six pays arabes entretiennent désormais des relations officielles avec Israël et d’autres devraient suivre, à en croire l’administration américaine qui a supervisé les accords.
Au moment où les ministres arabes tenaient leurs palabres au Koweït, le président israélien effectuait une visite historique à Abou Dhabi. La question palestinienne est reléguée dans le rang des priorités des pays arabes et il est difficile en l’état actuel des choses d’attendre quelque effet d’un éventuel déterrement du plan de paix de 2002.
Il s’agit même d’un non-sens puisque le plan prévoit la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967 en échange de la reconnaissance d’Israël. Une reconnaissance que de nombreux pays arabes ont déjà concédée sans contrepartie pour la cause palestinienne.
Ces derniers mois ont aussi vu l’accentuation des divergences sur la question du Sahara occidental entre l’Algérie avec les monarchies du Golfe et l’Égypte, traditionnels soutiens du Maroc.
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En octobre dernier, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à l’ONU a fait réagir l’Algérie par des propos inédits sur la question. Au cours de la visite du président Tebboune en Égypte, la semaine dernière, l’ambassadeur égyptien à Rabat s’est empressé de lever les équivoques en réitérant le soutien de son pays à la « marocanité du Sahara ».
Avec le Maroc, c’est carrément la rupture des relations depuis août dernier et les tensions entre les deux pays constituent un écueil supplémentaire devant le plein succès d’un sommet arabe, qui se tient de surcroît à Alger, quand bien même la question du Sahara occidental ne sera pas à l’ordre du jour.
L’Algérie dispose toutefois de soutiens et de fidèles alliés dans le monde arabe, à l’image du Koweït dont le chef de la diplomatie vient de déclarer que son pays sera « le premier à se rendre au Sommet d’Alger et le dernier à le quitter ».
Il n’y a rien d’étonnant à cette déclaration, les relations entre les deux pays ont toujours été bonnes, mais le monde arabe a profondément changé. Avant l’Algérie pouvait compter sur les soutiens de l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Hafed Al Assad, le Yémen du Sud, la Libye de Mouammar Kadhafi, ce qui n’est plus le cas maintenant.
La Ligue arabe, la seule organisation régionale à ne pas avoir réformé son fonctionnement, est une dominée par les monarchies du Golfe qui ne se soucient plus, comme avant, des questions arabes.