Les entreprises publiques algériennes continuent de constituer un tonneau des Danaïdes pour les finances publiques.
Pendant ce temps, les pouvoirs publics maintiennent le flou quant à ce qu’ils comptent en faire. Aucune orientation claire ne se dégage des programmes des gouvernements qui se succèdent. Et cela fait des décennies que ça dure.
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Les conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes sur le secteur public marchand (SPM) ne constituent ni une surprise ni une nouveauté.
Le peu de rentabilité des entreprises publiques dans leur majorité est une vérité qu’aucune partie n’ignore ni n’occulte, y compris les plus hautes autorités du pays.
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Le rapport a néanmoins le mérite de mettre des chiffres précis et incontestables sur une hémorragie qui saigne l’économie nationale, à défaut de contribuer à la croissance économique du pays.
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Selon la Cour des comptes, hormis quelques grands groupes qui se comptent sur les doigts d’une seule main (Sonatrach, Saidal, Madar, Cosider et Serport notamment), les milliers d’entreprises, grandes et petites, qui constituent le tissu industriel public, sont déficitaires et phagocytent chaque année des milliards de dinars en effacement de dettes, prêts et autres aides dans le cadre de « l’assainissement des entreprises publiques ».
Un assainissement qui toutefois doit se renouveler chaque année jusqu’à coûter une part importante du PIB du pays. En un peu plus de 16 ans (2003-2019), les aides directes des pouvoirs publics (annulation des créances, rachat de dettes ou gel de découvert) se sont élevées à 1 900 milliards de dinars (13,5 milliards de dollars).
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Pendant la même période, les entreprises publiques ont bénéficié de prêts bancaires cumulés s’élevant à près de 1 400 milliards de dinars. Au total, ce sont 3 300 milliards de dinars, soit 23 milliards de dollars qui ont été mobilisés pour maintenir sous perfusion un secteur qui ne démarre pas.
En janvier 2021, le professeur Mohamed Cherif Belmihoub, alors ministre de la Prospective, avait révélé un chiffre effarant : 250 milliards de dollars ont été alloués en 25 ans au secteur public marchand algérien.
L’exception Saïdal
Le ministre avait décrété que le budget de l’Etat ne pouvait plus « supporter les défaillances de certaines entreprises publiques ». Comme ses prédécesseurs, il a plaidé pour une véritable réforme du secteur, à commencer par le management et le mode de gestion des entreprises. M. Belmihoub est l’un des plus grands professeurs algériens de management.
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Sauf qu’en Algérie, une telle réforme dépasse de loin les attributions d’un ministre. La question est éminemment politique et appelle, d’abord un large débat, ensuite une volonté politique et une stratégie dans le cadre d’une orientation claire.
Or, c’est ce qui a manqué ces quatre dernières décennies. Depuis la première grande crise économique de 1986, on a parlé tantôt de restructuration, tantôt de privatisation ou encore de relance des entreprises publiques.
Après le Hirak de 2019 et l’emprisonnement de dizaines d’hommes d’affaires proches de l’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika, la vieille formule des nationalisations est même exceptionnellement déterrée avec le reversement dans le giron de l’Etat de plusieurs groupes appartenant à des industriels condamnés par la justice.
La gestion du dossier des entreprises publiques a été toujours marquée par le sceau de l’irrésolution. Les intentions affichées régulièrement l’ont été au gré des fluctuations des prix du pétrole, donc des recettes des exportations des hydrocarbures.
A défaut d’orientation, les pouvoirs publics ont une constante sur la question : tant que la bourse publique le permet, il est hasardeux de mettre en péril la stabilité du front social par des privatisations aux conséquences inconnues sur l’emploi.
Dégager de l’argent public pour sauver une entreprise publique et lui permettre de prendre son essor n’est pas foncièrement une mauvaise idée.
C’est cette formule qui a permis d’éviter la liquidation au groupe pharmaceutique Saidal, cité aujourd’hui dans le cercle très fermé des entreprises publiques rentables et performantes. C’est lorsque l’opération se répète chaque année sans résultat qu’il y a problème.
Concurrence déloyale
En Algérie, les entreprises publiques ne constituent pas un frein au développement économique parce qu’elles représentent seulement un gouffre sans fin pour les finances publiques, comme le montre le rapport de la Cour des comptes.
Elles constituent aussi un obstacle de taille au développement des entreprises privées. Souvent les administrations publiques préfèrent octroyer de juteux marchés aux entreprises publiques, même si ces dernières ne sont pas performantes.
Des chefs d’entreprises comme Hassen Khelifati, PDG d’Alliance assurances, ne cessent de dénoncer les pratiques déloyales de l’administration envers le secteur privé, avec des exemples précis et accablants d’un favoritisme flagrant au profit des entreprises du secteur public.
Ainsi au lieu de constituer un puissant levier en faveur de la croissance économique, les entreprises publiques représentent un frein au développement de l’économie, de par les subventions directes et indirectes qu’elles reçoivent de la part de l’Etat.