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Entreprises publiques : comment l’État subventionne un secteur moribond à coups de milliard de dollars

Une information donnée récemment par le Gouverneur de la Banque d’Algérie est passée un peu inaperçue dans le débat économique national. Selon Mohamed Loukal, « la situation financière nette de l’État envers le système bancaire a connu un bouleversement entre décembre 2014 et décembre 2016. L’État est, au cours de cette période, passé d’une situation de créancier net des banques avec 1.992 milliards  de DA à celle de débiteur net avec une dette de 2,73 milliards  de DA envers les banques ».

Explication du Gouverneur de la Banque d’Algérie : ce renversement de situation est dû notamment au « rachat en 2015 et 2016 des créances bancaires non performantes, dues sur des entreprises publiques, par le Trésor (767 milliards de DA) à travers l’émission d’obligations ».

C’est donc, de nouveau, un montant colossal de l’équivalent de plus de 7 milliards de dollars qui a été mobilisé par l’État au cours des deux dernières années dans le but d’éponger les déficits accumulés par les entreprises publiques. Pour avoir une idée de son importance : ce montant représente pratiquement le chiffre d’affaires annuel de l’industrie algérienne.

Le financement obligatoire des entreprises publiques

L’origine des créances non performantes des banques publiques évoquée récemment par le Gouverneur de la Banque centrale remonte à plusieurs décennies et se poursuit donc jusqu’à la période présente. Elle est liée à l’engagement imposé aux banques par leur actionnaire unique, à savoir l’État, de financer les entreprises publiques « déstructurées financièrement », c’est-à-dire incapable de rembourser leurs dettes. C’est dans le but de compenser cette obligation que le Trésor public « rachète » régulièrement ces créances aux banques de la place.

Le dernier -et pour l’instant le seul-  rapport de la Banque d’Algérie sur « la stabilité financière du secteur bancaire algérien » publié en 2014 nous apprenait ainsi déjà que dans le cadre de l’assainissement financier des banques publiques, l’État propriétaire a remboursé par anticipation entre 2008 et 2011, une grande partie des obligations correspondant aux créances non performantes que les banques  détenaient sur des entreprises publiques déstructurées ou dissoutes. La dette publique, au titre de ce type de créances, avait ainsi été ramenée de près de 8 milliards de dollars à fin 2007 à environ 2,5 milliards à fin 2009.

L’ennui c’est que, simultanément, les banques publiques ont continué à accumuler des créances non performantes sur des entreprises publiques réputées « viables mais déstructurées », pour des montants proche de 4,5 milliards de dollars que le Trésor public a de nouveau pris en charge via l’émission d’obligation d’État.

Au bout du compte, l’encours des rachats de créances non performantes par le Trésor s’élevait encore à près de 7 milliards de dollars à fin 2011. Le rapport de la Banque d’Algérie et les déclaration récentes de Mohamed Loukal confirment donc bien l’ampleur et l’actualité intacte du mouvement incessant de gonflement et de dégonflement des créances impayées sur le secteur public dont l’impact sur le bilan des banques est effacé périodiquement par l’intervention du Trésor .

Le Gouvernement Tebboune « oublie » les déficits des entreprises publiques

Dans ce contexte, le gouvernement Tebboune, qui n’a pas hésité à réunir le 24 juillet dernier un Conseil interministériel auquel ont été convoqués le Gouverneur de la Banque d’Algérie et le DG des Douanes pour régler un problème d’exportation de produits alimentaires prétendument « subventionnés » qui représente un montant annuel dérisoire de 5 millions de dollars, a apparemment « oublié »  de s’intéresser aux 7 milliards de dollars décaissés par le Trésor pour éponger les déficits des entreprises publiques rien qu’en 2015 et 2016.

Notons que ce n’est pas le cas de l’ensemble des leaders politiques de la majorité présidentielle. M. Ahmed Ouyahia qui n’est pourtant pas suspect de « libéralisme » ni  d’hostilité particulière à l’égard du secteur public, s’est exprimé clairement sur ce sujet en préconisant,  le 12 juin dernier, “la privatisation des entreprises publiques dont la situation financière se détériore en raison des problèmes liés au plan de charge et à la gestion”, en citant à ce titre des hôtels et minoteries qui “doivent être rachetés par des acquéreurs locaux”.

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