M. Amar Saâdani vient de s’exprimer publiquement en faveur de la marocanité du Sahara occidental. Comment réagissez-vous en tant qu’ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères et en tant qu’acteur de la scène politique ?
Abdelaziz Rahabi : Ceci n’est pas surprenant car il a cherché déjà par le passé, alors qu’il n’exerçait plus de responsabilité publique, à rompre le consensus national autour de certaines questions de politique étrangère. Il doit peut-être penser que n’étant plus en fonction, il n’était plus tenu par le respect de la diplomatie de son pays. Par ailleurs, cela renseigne parfaitement sur la nature du pouvoir de Bouteflika marqué par la déliquescence de l’État et l’absence de discernement chez ses plus hauts responsables, juste tenus par un devoir d’allégeance. À ce titre, nous subirons pour une bonne période les dommages collatéraux de cette gestion par voie d’allégeance.
Pourquoi, d’après vous, de telles déclarations en ce moment précis ? Quel serait l’objectif recherché ?
En politique étrangère, rien ne relève du hasard et Saâdani doit bien savoir qu’aucun État au monde ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Le moment choisi coïncide avec des échéances internes incertaines, une fragilité de l’institution présidentielle, traditionnellement socle du pouvoir en Algérie, et une implication publique du commandement de l’armée dans la recherche de la sortie de crise. L’ancien président de l’APN pourrait être tenté de penser en flattant par ailleurs l’armée, pouvoir provoquer un débat public sur la question de la position de l’Algérie sur le Sahara occidental.
Est-il possible que ce soit l’avis aussi d’une partie du pouvoir ? Voyez-vous M. Saâdani, ou même un autre, capable d’afficher, de sa seule initiative, une telle position contraire à celle de la diplomatie algérienne ?
Je ne pense pas que cela soit provoqué par le pouvoir, car ce n’est pas nouveau comme démarche chez certains qui pensent encore que l’intégration maghrébine est une priorité de nos voisins qui, plus pragmatiques que nous, ont engagé il y a déjà 25 ans une intégration verticale, c’est à dire avec l’Europe. Il n’y a que les élites politiques algériennes pour penser que nos voisins sont intéressés par l’UMA en dehors de la dimension du marché algérien. La question sahraouie est antérieure à la création de l’UMA qui devait être perçue comme un acte de confiance entre les Maghrébins et à ce titre favoriser le règlement des problèmes entre les Marocains et les Sahraouis.
Comment expliquer le peu de réactions officielles et de la classe politique ?
Il y a une tradition bien établie chez nous comme dans beaucoup de pays qui veut que les questions diplomatiques et de défense nationale doivent jouir d’un consensus national et à ce titre ne font presque jamais l’objet de débat. Cette attitude est cohérente et en accord avec la doctrine algérienne en matière de politique étrangère dans la mesure où nos positions n’ont pas changé depuis 1975, par exemple si nous devions considérer notre position sur la question de l’autodétermination du peuple sahraoui.
De telles déclarations auront-elles des répercussions sur l’évolution du dossier ?
Elles alimenteront certainement une campagne contre l’Algérie au Maroc, feront gagner des amitiés à leur auteur au Maroc et ne changeront rien à la position officielle de l’Algérie. Ces déclarations devront surtout servir à notre pays à mieux choisir ses dirigeants dans l’avenir pour nous éviter la répétition de ces situations pathétiques d’anciens dirigeants offshore et qui s’invitent au débat national pour faire des déclarations dont la gravité dépasse de très loin celle des détenus d’opinion du hirak.