Quel est l’impact du Covid-19 sur le secteur des assurances ?
Nous sommes toujours en cours d’évaluation, les derniers chiffres indiquent une perte de presque 10 milliards de Da en dommages et 1 milliard Da pour les assurances de personnes, quant aux créances impayées elles ont augmenté de presque 2,7 milliards de Da avec un stock qui avoisine les 57 milliards de Da.
Le plus inquiétant n’est pas la baisse du chiffre d’affaires mais le gonflement de la bulle des créances impayées et douteuses qui ne cesse d’enfler et qui risque de représenter 50 % du CA de l’année en cours.
Tout ce cocktail rajouté à la crise économique endémique, l’absence des réformes structurelles profondes et irréversibles, l’absence de l’apport en CA en nouvelles immatriculations automobiles, l’instauration à la charge des Assureurs de la collecte de la taxe de pollution contre toute logique, la continuation des pratiques commerciales telles que le dumping avec ses effets pervers sur l’équilibre financier réel des branches et des compagnies, cela devient explosif et intenable.
En l’absence d’une régulation forte et indépendante et de réformes profondes, sérieuses, structurelles et irréversibles la situation risque de remettre en cause non seulement la viabilité des compagnies mais aller jusqu’à menacer l’équilibre systémique.
La permission de vente à crédit des contrats d’assurances dites Corporate est une aberration qui n’existe nulle part ailleurs et qui a des effets dévastateurs sur le secteur, nous militons depuis toujours pour revenir à des normes universelles connues et reconnues NO PAY NO COVER, vous n’avez pas payé votre prime, la couverture n’est pas acquise.
Ces pratiques sont devenues des outils de concurrence déloyale et de chantage entre les mains de certains assurés pour bénéficier de contrats d’assurances et laisser des ardoises à n’en pas finir.
L’UAR a saisi le ministère de tutelle depuis le mois de juin avec un document détaillé et très riche sur les effets de la crise sanitaire au Covid-19 intitulé « atténuation des effets de la crise sanitaire sur le secteur des assurances », et à ma connaissance nous sommes toujours en attente d’une suite.
Le gouvernement a décidé d’aider les entreprises impactées par la pandémie, mais les mesures tardent à venir et les grandes entreprises semblent exclues. Quelles sont les conséquences sur les entreprises ?
Les conséquences de cette crise sont nombreuses et lourdes et à notre avis beaucoup de PME PMI ne vont pas s’en sortir indemne.
Le gouvernement avait annoncé à plusieurs reprises des décisions d’aide aux entreprises notamment les reports de paiement des charges fiscales et parafiscales, et au tout début la banque d’Algérie avait même intervenu en annonçant certaines mesures techniques afin d’améliorer la liquidité et les ratios des banques de la place afin de leur donner plus de capacité pour l’octroi du crédit. Malheureusement l’activité crédit aux niveaux des banques est quasiment gelé depuis 18 mois et même les reports d’échéance ne sont pas acquis.
Les dossiers exigés par certaines banques de la place sont tellement lourds et bureaucratiques que nous avons la conviction que cela est, juste pour repousser le moment de prendre une décision et éviter de s’engager et d’aider les entreprises.
Des banques primaires n’ont plus octroyé de nouveaux crédits aux entreprises depuis une année par peur de tomber dans l’interdit sans que cet interdit soit clairement défini ni soumis à interprétation. Cela a eu des conséquences énormes sur le blocage de la machine économique, la création de l’emploi, la croissance du PIB, la création de la valeur ajoutée et le retard dans les projets.
Bien sûr qu’il y a un discours optimiste et enthousiaste de la part des autorités centrales mais la réalité du terrain n’est ni flexible ni efficace ni faite pour assister et sauver les entreprises. Il y a un vrai décalage.
Que faut-il faire pour aider les entreprises et relancer l’économie ?
Ce qu’il faut faire est connu et les derniers conseils des ministres donnent des orientations claires mais malheureusement la suite n’est pas aussi claire ni aussi rapide.
La compréhension de la communauté des affaires nationales des décisions du président lors de l’avant dernier conseil des ministres était qu’il serait procédé à la suspension immédiate du paiement des charges fiscales et parafiscales pour les artisans, les PME PMI.
Une instruction présidentielle à destination des banques a été donnée afin d’accompagner les entreprises notamment en matière de crédit d’exploitation afin de dépasser cette mauvaise passe.
la réalité est pourtant toute autre, la direction générale des impôts parle des pénalités et non du principal, une question se pose, une entreprise en grande difficulté à cause des effets du Covid qui n’à pas déjà le principal pour cause de crise de trésorerie, de CA et de créances, comment peut elle penser aux pénalités alors que son existence est menacée ?
Et même pour bénéficier de cela une myriade de demandes et de paperasse est exigée sans garantie d’aboutissement.
Idem pour le secteur bancaire qui est en quasi gel d’octroi de crédit et les délais sont à rallonge pour éviter de prendre des décisions à cause de la peur des poursuites.
Humainement nous comprenons la peur des gestionnaires bancaires d’être inculpés suite à l’octroi de crédit et leur perte de confiance, néanmoins cette situation de quasi gel de l’économie nationale et de l’investissement et spécialement du secteur privé national risque d’avoir des effets incommensurables sur la viabilité de notre économie et cela peut avoir des conséquences très lourdes sur la courbe du chômage.
À l’état actuelle tout le monde cherche une couverture ou un parapluie car ils ne se sentent ni en confiance ni en sécurité juridique s’ils prennent des initiatives pour aller de l’avant. Cela a produit un décalage énorme entre le discours, les orientations et l’amère réalité.
Aujourd’hui la machine économique est prise en otage entre plusieurs crises structurelles et de choix de modèle et le quasi gel ou glaciation de la décision administrative et bancaire.
La communauté administration banque a besoin d’être rassurée et mise en confiance par les plus hautes autorités afin de reprendre l’initiative et accompagner l’économie nationale et sauver les entreprises et les emplois.
S’il y a des chauffards sur l’autoroute qui ne respectent pas la loi et causent des dégâts énormes, ils faut sanctionner ses chauffards et revoir les lois pour les rendre plus strictes et sévères, mais on ne peut pas fermer l’autoroute. Cette radicalité observée dans le choix et la prise de décision politico-économique quand il y a un souci dans un secteur, fait plus de dégât, retarde le développement et crée de la méfiance et de la peur à tous les niveaux.
Il faut rétablir la confiance le plus tôt possible afin de relancer la machine et sauver une partie des emplois déjà menacés.
Quelles sont les conséquences sociales de l’impact économique du coronavirus ?
Les conséquences sociales sont toujours en cours d’évaluation, mais logiquement après une perte massive d’emplois et la dégradation du pouvoir d’achat, la vie des citoyens peut devenir encore plus difficile.
Cette crise a trop duré et personne ne sait quand elle se terminera et cela rend pratiquement impossible toute prévision ni projection.
Ce que nous espérons c’est que notre pays, notre économie et nos entreprises s’en sortiront avec le moins possible de dégâts ce qui serait déjà une victoire vu la complexité de cette crise sanitaire, son caractère mondial et ses effets importants sur le monde.
Le gouvernement entend élargir l’assiette fiscale et intégrer le secteur informel. Ce projet va-t-il aboutir ou risque-t-il de buter sur la puissance des lobbies et les retards de l’économie algérienne ?
Tout le monde reconnaît qu’il y a un déséquilibre et une certaine charge fiscale sur les entreprises honnêtes et transparentes.
D’après certaines données 10 % des sociétés payent 90 % des impôts des sociétés et 90 % des sociétés sont inscrites aux systèmes de forfait et ne contribuent que de moins de 10 % en recettes fiscales.
Le déséquilibre est flagrant. Une bonne partie de l’assiette fiscale échappe aux radars.
La solution est une volonté politique claire de tenir le cap pour une modernisation totale de l’administration, la simplification des procédures, une numérisation totale des administrations et les interconnectant obligatoirement, l’affichage des droits et devoirs du citoyen et les niveaux de plainte en cas d’abus de l’administration, donner aux citoyens la possibilité de dépôt de plainte avec traitement diligent contre toute administration ou institution qui n’applique pas la loi.
C’est en numérisant, en interconnectant, en croisant des bases de données transparentes et claires que nous arriverons à identifier tout les foyers d’impôts potentiels et d’élargir notre assiette fiscale.
Tout cela doit être accompagné par une réforme totale de notre système d’impôts vers plus de simplification, plus de clarté et une égalité des citoyens devant l’impôt.
La modernisation est un impératif pour la réussite.
Le gouvernement doit pouvoir demander le conseil et l’accompagnement de compétences nationales en dehors de l’administration afin de rendre sa démarche transparente, efficace, durable, objective.
C’est à ce prix que nous pensons que la réussite sera au rendez-vous.
Vous avez lancé il y a quelques mois un projet de création d’une organisation patronale. Avez-vous avancé ?
Effectivement, nous avions bien avancé et nous avions prévu notre assemblée générale pour le 30 mars, malheureusement l’instauration du confinement à la mi-mars a remis en cause cette date.
Nous avons convenu par mesure de sécurité de temporiser dans l’espoir de conditions meilleures.
Ce que nous pouvons dire c’est que nous maintenons un contact permanent avec tous les chefs d’entreprise au niveau du territoire et même avec la diaspora algérienne et qui attendent avec impatience le lancement de ce nouvel espace qui pourra être le porte-voix du monde de l’entreprise et qui va défendre l’entreprise algérienne et la liberté d’entreprendre.
Malheureusement nous assistons à un silence assourdissant sur les problèmes de l’entreprise algérienne qui risque de la mettre dans une situation inextricable.
Notre projet est toujours d’actualité et nous pensons le concrétiser dès la rentrée sociale car la place à besoin d’acteurs sérieux, honnêtes, propres et qui travaillent pour le bien de l’Algérie et des Algériens.
Les chefs d’entreprise ont besoin d’une représentation saine et non polluée par le passé et qui mettra l’intérêt de la nation et des entreprises au cœur de sa démarche.
De ce lieu, nous lançons un appel aux chefs d’entreprise afin de s’organiser, de se reconnaître dans ce nouvel espace, de venir défendre non seulement leurs entreprises, leurs filières mais aussi l’économie nationale.
Nous devons contribuer concrètement dans l’édification d’une ALGÉRIE nouvelle prospère et inscrite dans des valeurs universelles d’entrepreneuriat et d’économie de marché.