« Enfant des deux rives ». C’est ainsi que Karim Amellal, écrivain et ambassadeur délégué interministériel à la Méditerranée dans le gouvernement français, se définit.
Dans cet entretien accordé à TSA à l’occasion de sa visite en Algérie (du 13 au 18 décembre), ce fils d’immigré d’origine algérienne parle de son combat contre les discriminations et l’islamisme radical, de l’immigration et des Algériens de France, des relations algéro-françaises ainsi que du présent et de l’avenir de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Vous êtes ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée dans le gouvernement français. Dans quel cadre s’inscrit votre visite en Algérie ?
D’abord, je tiens à dire que je suis ravi d’être ici parce que, et je l’assume pleinement, je suis français d’origine algérienne, mon père est algérien, ma mère est française, donc je suis un enfant des deux rives. Cela a du sens dans la mission que je remplis aujourd’hui, qui est d’être un ambassadeur pour la Méditerranée.
Nous avons beaucoup plus d’intérêts, de sujets et de défis en commun que de choses qui nous séparent, d’abord entre les deux rives, c’est-à-dire l’Afrique du Nord et l’Europe, et en particulier entre la France et l’Algérie. Certes, les relations ne sont pas faciles pour des raisons historiques évidentes. Je crois que l’on est à un moment où, comme le président Macron le souhaite, il faut que l’on avance, que l’on tourne la page.
C’est dans ce but que je viens en Algérie, c’est-à-dire tisser des liens, nourrir la coopération par des projets concrets. Nous en soutenons beaucoup. Moi, je crois à cette Méditerranée positive, concrète, qui entraîne les gens, les jeunes en particulier, et qui dépasse les difficultés qui peuvent se poser.
25 ans après le lancement du processus de Barcelone, la coopération entre les pays des deux rives de la Méditerranée tend de plus en plus à se réduire aux seules questions sécuritaire et migratoire. Partagez-vous ce constat ?
D’abord, il faut regarder la réalité en face. Le processus de Barcelone, ce n’est pas 25 ans pour rien. Des choses ont été faites, il y a un partenariat qui s’est construit, ce qu’on appelle du côté européen « le voisinage Sud ». Il y a eu des investissements importants qui ont été alloués à différents projets d’infrastructures en particulier, c’est vrai, au Maroc et en Tunisie. Ce serait méconnaître une partie de la réalité que de dire qu’il ne s’est rien passé du tout.
Il y a eu l’Union pour la Méditerranée, le seul forum politique qui réunit toutes les parties prenantes. On critique beaucoup l’UPM parce que l’on voudrait que ce soit plus concret, mais on ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé et qu’il faut tirer un trait sur le processus de Barcelone. C’est vrai qu’il faut faire plus, c’est notamment pour cela que je suis en Algérie.
En France, on essaye d’alimenter ce processus. Nous avons fêté les 25 ans du processus de Barcelone, malheureusement à distance à cause de la pandémie, et nous avons affirmé notre souhait que les choses aillent de l’avant, qu’il y ait des projets qui soient financés, que ce dessein-là d’un dialogue des deux rives soit davantage concrétisé.
Je crois que c’est là que nous avons des marges de progrès à faire. En revanche, et c’est le plus important, sur la question centrale du consensus, nous sommes tous d’accord, rive nord et rive sud, pour dire que nous devons nourrir ce dialogue et aller vers davantage de solidarité et de coopération.
Enfin, c’est vrai que, bien souvent, dans l’opinion courante, les sujets méditerranéens sont des sujets graves, la lutte contre le terrorisme, la question des migrations. Mais la Méditerranée ne se réduit pas à cela. Personnellement, je suis tourné vers l’avenir et je n’ai pas envie que cette mer que nous aimons tous et dont je suis issu, se résume à des sujets qui nous séparent, à des murs, à des fractures.
On a aussi l’impression que la question des visas a pris une grande importance dans les rapports entre pays des deux rives. Est-il vrai qu’elle est utilisée comme moyen de pression dans le dossier des réadmissions ?
C’est un sujet récurrent et qui cause des frictions, pas seulement d’ailleurs entre la France et l’Algérie, mais entre l’Union européenne et un certain nombre de pays, notamment ceux d’Afrique du Nord et du Maghreb. Je comprends bien l’enjeu qui est double, d’un côté, les Algériens et les Maghrébins qui ont intérêt à plus de mobilité, et puis d’un autre côté, il y a des sujets de réadmission pour diverses raisons.
Je n’entrerai pas dans les détails parce que c’est en dehors de mon périmètre, mais je crois qu’il y a un dialogue qui s’est noué avec des échanges de vues. Ce dialogue parait être normal et constructif, avec des positions qui sont divergentes parfois et qui se recoupent sur des points de compromis. Je crois que nous avons tous intérêt à avancer sur cette base-là.
Lutte contre le terrorisme, migrations, visas… Pendant ce temps, l’économie et l’aide au développement sont laissés à la traine. Est-ce vrai ?
Bien sûr que la lutte contre le terrorisme est importante. On est en Algérie, et je crois que l’Algérie, parce que je l’ai vécu, est la première concernée par la lutte contre le terrorisme. Ce sont des défis qui nous unissent. On en sait quelque chose nous aussi en France, vu les événements tragiques qui se sont déroulés.
La question des migrations est importante, évidemment il ne faut pas l’écarter d’un revers de main et, naturellement, les questions économiques qui sont centrales. Je crois que la Méditerranée doit exister justement à travers davantage de coopération notamment dans le domaine économique.
Les 25 ans du processus de Barcelone, l’UPM, ce qu’on appelle la politique de voisinage sud de l’Union européenne, ce ne sont pas des choses qui n’ont pas de contenu. Encore une fois, ce sont énormément de projets de coopération, des dizaines de milliards d’investissements, des projets d’infrastructures qui existent, sans parler bien sûr des relations bilatérales qui nous unissent.
La création, en France, du poste d’ambassadeur et délégué à la Méditerranée, que vous occupez, augure-t-elle d’une relance de l’Union pour la Méditerranée ? Qu’est-ce qui, selon vous, a empêché cette initiative, lancée par l’ancien président français Nicolas Sarkozy, d’atteindre tous ses objectifs jusque-là ?
C’est une initiative qui a été prise par l’ancien président Nicolas Sarkozy avec nos partenaires européens. Aujourd’hui, c’est l’un des instruments de la politique européenne de voisinage, qui joue un rôle important, c’est le seul forum politique régional qui réunit toutes les parties prenantes. Et il y a des choses qui se passent à l’UPM. Le secrétaire général actuel, Nasser Kamel, a beaucoup fait d’ailleurs pour prioriser des sujets auxquels nous tenons beaucoup, comme l’environnement, la croissance verte, etc.
Il y a beaucoup de projets qui se concrétisent à travers des financements européens dans ce domaine-là entre les deux rives. Pour autant, il est certain que l’UPM ne fonctionne pas aussi bien que ce qu’on souhaiterait. Ces difficultés sont en grande partie liées à son mode de gouvernance qui est très complexe. On ne peut pas avoir un forum régional qui réunit tout le monde et qui doit trouver des consensus sur la base du dialogue, et dans le même temps, exiger que cette organisation avance à toute vitesse sans prendre le temps de résoudre certaines divergences.
On a quelque chose qui existe, qui permet d’avancer et de faire des choses concrètes, mais nous souhaitons que l’UPM joue un rôle encore plus concret et nous nous y employons.
Il y a un cycle important qui se joue actuellement au niveau de l’Union européenne, à la fois au niveau du financement mais également en termes de révision de la politique de « voisinage sud », avec un volet Balkans. La commission européenne devrait publier une communication au début de l’année prochaine pour expliquer ses objectifs de coopération en matière de voisinage sud.
Je crois que, vu l’importance des montants financiers qui sont en jeu et la priorité accordée par certains Etats, la France évidemment, mais l’Allemagne aussi, à la Méditerranée et aux pays de la rive sud, c’est un moment très important. Et l’UPM dans ce contexte-là, nous le souhaitons, doit jouer un rôle encore plus concret, encore plus opérationnel.
« La France n’a aucun problème ni avec l’Islam ni avec les musulmans »
L’immigration est un segment important de la relation entre les pays des deux rives de la Méditerranée. Une bonne partie de cette immigration est d’origine musulmane et on constate que les tensions sont récurrentes avec cette communauté, notamment en France. Pourquoi, selon vous ?
Je crois que c’est un sujet complexe. D’abord, et le président de la République (Emmanuel Macron) a eu l’occasion de le rappeler très récemment, la France n’a aucun problème ni avec l’islam ni avec les musulmans. C’est important parce que je sais bien qu’il y a beaucoup de mauvaises interprétations, mais également de mauvais procès.
D’autre part, il est juste de dire qu’il y a, et pas qu’en France, un problème, non pas encore une fois avec l’islam, mais avec de mauvaises interprétations de l’islam, ce qu’on appelle l’extrémisme religieux, le fanatisme. Je crois fondamentalement que ce sont des lectures erronées de l’islam qui est une magnifique religion, une culture, une civilisation. Il n’y a aucun doute en France sur ce qu’est l’islam.
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En revanche, il y a un problème, et dans de nombreux de pays, avec l’islam radical dont les manifestations peuvent être extrêmement violentes et conduire au terrorisme que nous avons connu, que l’Algérie a connu. Je crois que c’est par rapport à cela qu’il faut être intraitable, c’est-à-dire essayer de détecter, de comprendre et de lutter de la manière la plus efficace et la plus juste possible contre ces dérives qui, au passage, ne touchent pas que l’islam. Elles ont touché par le passé d’autres religions.
Je crois aussi qu’il faut, et c’est à cela que servent les sciences sociales, comprendre ce phénomène, analyser d’où il vient, sur quel terreau, en particulier social et économique, il se développe et dans quelle gangue idéologique il prend son essor. Ce n’est pas nier le phénomène que d’essayer de le comprendre, de l’expliquer, pour mieux le combattre.
La loi qui est examinée en ce moment et qui vise à conforter les principes républicains, a pour but de lutter contre ce problème-là, qu’on a appelé en France le séparatisme religieux. Ce n’est pas contre l’islam ni contre les musulmans, mais contre des personnes qui, au nom d’une interprétation erronée, fallacieuse et terriblement nocive de l’islam, se détachent et se séparent de la République, c’est-à-dire du vivre-ensemble, de la communauté nationale, de nos valeurs collectives.
En France, nous avons un certain nombre de principes républicains qui organisent notre vie collective. Parmi ces principes, il y a celui de la laïcité. Ce n’est pas un principe contre l’islam et les autres religions, c’est un principe d’équilibre qui garantit le droit et la liberté de chacun de croire et de pratiquer sa religion dans le respect d’un certain nombre de règles, l’ordre public en particulier.
C’est en même temps la neutralité de l’Etat et de ses représentants et ce serait une terrible erreur de croire que la laïcité est un principe qui vise l’islam et les musulmans. Je crois que c’est le contraire en réalité.
Ce sont précisément des principes de vie collective et d’organisation qui permettent à chacun, y compris aux musulmans de vivre pleinement leur croyance et de pratiquer leur religion en respectant les autres, ce qu’ils font dans leur immense majorité.
« Avoir été mal compris sur ce terrain-là, c’est quelque chose qui l’a blessé »
Ma visite ici n’a pas de but pédagogique. Mais je confirme que le président a été mal compris. Je peux vous assurer qu’il n’a rien contre la religion, en particulier la religion musulmane. Avoir été mal compris sur ce terrain-là, c’est quelque chose qui l’a blessé.
Si je peux contribuer à rétablir les faits, à expliquer, si c’est nécessaire, que les responsables politiques français n’ont rien contre l’islam et les musulmans, je le ferai autant que de besoin.
« Emmanuel Macron a les meilleures intentions vis-à-vis de l’Algérie et du peuple algérien »
Vous dites que le président a été mal compris sur cette question de l’islam. Ça a été aussi le cas quand il a parlé de la situation politique en Algérie ?
Notre ambassadeur François Gouyette a remarquablement dit les choses et je m’inscris dans son sillage. Je crois que ces propos-là aussi ont été mal compris par beaucoup de gens.
Comme l’a indiqué l’ambassadeur Gouyette, c’est une déclaration qui me parait être normale dans les circonstances actuelles et qui ne doit pas donner lieu à de mauvaises interprétations, en particulier sur cette question de transition, a fortiori dans le contexte que nous connaissons qui est un contexte évidemment de transition, passage d’une étape à une autre, d’un état à un autre.
Comme beaucoup d’autre pays, l’Algérie se situe dans cette transition-là, qui doit s’interpréter d’ailleurs sur tous les plans. Sur le plan économique c’est un système en transition, sur le plan de la crise sanitaire aussi. Je crois que c’est ce qu’il a voulu dire sans intention malveillante surtout.
Là vraiment, je me permets de le dire, le président Emmanuel Macron a les meilleures intentions vis-à-vis de l’Algérie et du peuple algérien. Nous n’avons absolument aucune volonté de nous ingérer de quelque manière que ce soit dans les affaires de l’Algérie, qui est un pays que nous aimons et que nous respectons.
Quand vous dites que l’unique problème c’est la mauvaise interprétation de l’islam, n’y a-t-il pas en parallèle un problème de discrimination de la communauté d’origine émigrée et musulmane ? Vous êtes le mieux placé pour en parler, étant vous-même d’origine émigrée et venu à l’écriture et à la politique par un essai contre la discrimination au titre évocateur de « Discriminez-moi »…
Oui, j’ai écrit un livre en 2005, lors des émeutes urbaines, intitulé « Discriminez-moi, Enquête sur nos inégalités ». C’était mon premier livre, un livre de jeunesse à bien des égards, qui dresse un constat sans concession de nos inégalités, en France. Cela fait partie des combats que je continue à mener contre les discriminations et pour l’égalité des chances, pour tous.
J’entends bien et je connais le sentiment de certaines personnes de confession musulmane qui se sentent mises à distance. Je crois qu’il faut l’entendre et je pense que le président Macron l’a dit, notamment lorsqu’il parle de la lutte nécessaire, impitoyable, contre les discriminations et de la considération à apporter à tous les citoyens, particulièrement à ceux qui se sentent blessés ou qui se sentent mal.
Je suis issu de cette histoire-là, donc je suis extrêmement sensible, comme beaucoup, à ces sujets. Et je sais qu’il y a, chez beaucoup de mes amis, de certains membres de mon entourage, un sentiment d’abandon, une certaine distance, une incompréhension.
Nous devons réparer cela, et le président s’y emploie. Il faut recréer, retisser du lien notamment avec les membres de la communauté musulmane. On a besoin d’apaisement, de mots, mais aussi d’action, en particulier en matière de lutte contre les discriminations, qu’elles soient fondées sur la confession religieuse, l’origine, l’âge…
Nous avons un large éventail de critères en France pour identifier les situations de discrimination, et la discrimination fondée sur la confession religieuse fait partie de ce contre quoi nous devons lutter. Il faut aussi œuvrer, et c’est très lié, pour l’égalité des chances.
Je crois fondamentalement que chaque personne qui nait en France doit avoir une chance de réussir et la République a le devoir de lui donner cette chance-là, par le système scolaire, l’emploi, la formation. C’est la promesse de la République, et nous devons tout faire pour la réaliser.
« J’ai la conviction que l’immigration est une richesse pour la France »
Avez-vous subi cette discrimination directement ?
Quand je suis parti d’Algérie pour revenir en France avec ma famille, comme beaucoup d’autres familles à ce moment-là, nous nous sommes retrouvés dans ce que l’on appelle des « quartiers sensibles », les quartiers populaires, dans la banlieue nord de Paris. Il fallait tout reconstruire, surtout pour mes parents.
J’habitais dans une cité et, avec d’autres, lorsqu’on se déplaçait, en particulier à Paris, il nous arrivait d’être contrôlés par la police. C’était, je crois, un « contrôle au faciès ». Il faut faire attention à la façon dont on nomme les choses.
Est-ce que c’est lié au style vestimentaire, à la manière de parler, au fait d’être noir, arabe ou d’être perçu comme tel ? Et ça ne veut pas dire que les policiers sont racistes. Ça veut dire que parfois il y a effectivement un fossé entre ces deux parties de la population, et ça veut dire aussi, et je crois que le président l’a rappelé, qu’il y a un problème sur le contrôle au faciès qu’il faut essayer de régler parce que c’est une forme de discrimination. C’est un problème qui contribue à nourrir le sentiment d’abandon.
« Les immigrations constituent une richesse pour la France »
Cela ne vous a tout de même pas empêché de réussir. Votre ascension, vous la prenez comme la preuve qu’il y a du bon dans le modèle français d’intégration ou simplement comme l’arbre qui cache la forêt ?
Je dois dire que toutes les immigrations constituent une richesse pour la France. Parce que nous sommes des millions à être des enfants de France et d’ailleurs, des enfants de la République. La République m’a donné, comme à beaucoup d’autres, une chance et je ne suis certainement pas le plus éminent, le plus emblématique.
De cela, on ne parle pas assez, et à cause certainement de l’extrême-droite, on présente parfois l’immigration comme une plaie, un fardeau. J’ai la conviction que l’immigration est une richesse pour la France. Il faut la valoriser et la considérer.
Il y a toute une réflexion aujourd’hui sur la façon dont on honore les personnes issues de l’immigration. Ce ne sont pas uniquement ceux qui ont combattu pour la France, mais aussi des gens qui ont travaillé, qui ont fait des efforts énormes pour s’intégrer.
Ce sont ces immigrés du quotidien qui se sont battus, dans l’anonymat, pour une vie meilleure pour eux et pour leurs enfants. C’est aussi eux qu’il faut honorer et considérer.
En France, on est en train d’avancer sur ce terrain parce qu’il y a une prise de conscience et un changement de perception sur le fait que l’immigration n’est pas un fardeau, mais une chance. Beaucoup de gens se sont aperçu, par exemple, pendant la crise sanitaire qu’il y avait énormément de médecins étrangers, algériens en particulier, dans les hôpitaux.
Maintenant, si je suis l’arbre qui cache la forêt ? Non, je ne crois pas. Il y a 20 ans, j’aurais peut-être pu le penser car, à Sciences Po par exemple, nous n’étions pas très nombreux à être, comme on dit, issus de l’immigration. Mais il y a une génération qui est passée par là, et quand on regarde bien, beaucoup de choses ont avancé.
D’abord, sur le plan sociologique, l’intégration fonctionne bien. Chaque génération d’enfants d’immigrés réussit mieux que la précédente. Il n’y a pas que dans le sport ou le show-business que des gens issus de l’immigration ont réussi, mais dans tous les domaines. Il y a des professeurs d’université, des médecins, des chercheurs, des ambassadeurs !
Il ne faut pas oublier aussi que c’est d’abord, plus qu’un sujet lié à l’origine, le plus souvent une question sociale. Les enfants d’ouvriers, d’employés, sont très largement sous-représentés dans les lieux de pouvoir. Renforcer l’égalité des chances, c’est cela : permettre à chacun, quel que soit son milieu, son statut, son origine, de réussir, d’avoir une vie meilleure.
La communauté algérienne en France est l’une des plus fortes communautés étrangères dans ce pays, sinon la plus importante. Comment peut-elle aider au développement de la relation entre son pays d’origine et son pays d’accueil ?
S’agissant des relations entre la France et l’Algérie, je n’aime pas parler de réconciliation. Nous ne sommes pas fâchés pour que l’on puisse parler de « réconciliation ». Ce sont des relations d’amitié, des relations qui sont en miroir et dont les liens sont extraordinairement denses grâce à ces populations dont vous parlez.
Ça, c’est la colonne vertébrale des relations entre la France et l’Algérie. Il peut y avoir des difficultés sur le plan politique, il y en a eu, mais l’ADN de la relation franco-algérienne c’est ces millions de familles qui sont liées, dont je fais partie, et je suis avec beaucoup d’autres, un échantillon de ces liens humains.
Les Français d’origine algérienne, cela recouvre des appartenances multiples. Il y a les mariages mixtes, les pieds noirs, les harkis, les coopérants qui ont travaillé en Algérie après l’indépendance, ce sont des mémoires et des fragments d’identité qui composent la relation entre la France et l’Algérie.
Sur ce sujet-là, on peut parler de « réconciliation », en tissant des liens entre toutes ces parties. C’est un sujet franco-français d’abord, mais aussi un sujet important pour la relation entre nos deux pays. C’est-à-dire qu’il faut recoller des morceaux de France et, d’autre part, avancer avec nos partenaires algériens sur la question mémorielle. C’est-à-dire regarder l’histoire en face comme ça a été fait à plusieurs reprises, et aller plus loin.
C’est tout l’enjeu du rapport qui a été commandé à Benjamin Stora par le président Macron et qui sera rendu public dans les semaines qui viennent.
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