Cela fait plus de 15 jours que la crise perdure à l’Assemblée populaire nationale. Que s’y passe-t-il au juste ?
Mohcine Belabbes, président du RCD : il faudra d’abord préciser qu’à l’Assemblée nationale, à la rentrée, il y a surtout l’étude du projet de Loi de finances qui commence normalement début octobre. Et le débat commence au niveau de la commission des finances.
Ce qui n’a pas eu lieu, cette année, et le projet n’a même pas été déposé au niveau de cette commission parce que le président de cette dernière, à l’instar des députés de la majorité, a déserté les bancs de l’Assemblée. C’est illégal et, d’après mes informations, le président de l’APN compte remettre ce projet durant cette semaine et on va voir comment vont réagir les membres de la commission.
Qu’est-ce qui s’est passé au niveau de l’Assemblée nationale ? Il y a une décision du président de l’APN de mettre fin aux fonctions du SG de cette institution et de le remplacer par un autre responsable. Ce changement qui entre pourtant dans le cadre des prérogatives du président de l’APN a été vu d’un mauvais œil par les députés de la majorité qui ont, alors, décidé de geler leur activité pour exiger la démission de M. Bouhadja.
Étant donné que les députés de la majorité ne prennent jamais d’initiative à eux seuls, il doit y avoir des instructions qui leurs sont venues de l’extérieur de l’Assemblée nationale. Qui a instruit les députés en question ? Ces députés appartiennent aux deux partis majoritaires, le FLN et le RND dont les responsables sont officiellement le chef de l’État et le Premier ministre et qui sont en charge de l’Exécutif.
Dans tous les pays du monde, quand il y a un problème au niveau du Parlement, l’Exécutif instruit ses députés pour justement régler le problème mais jamais pour en créer un et surtout jamais pour bloquer le fonctionnement de l’Assemblée. C’est une crise qui dure depuis deux mois et qui est appelée à durer encore au moins une à deux semaines.
Question : la crise que connait aujourd’hui l’APN, est-ce que c’est la vraie crise que traverse le pays ? Je ne le pense pas. En réalité, cela fait longtemps que l’Algérie est entrée en crise et ça s’est accéléré depuis le mois de mai dernier où l’on a vu un certain nombre d’événements importants qui ont d’ailleurs occupé la scène médiatique. Je fais allusion à l’affaire de la saisie de 701 kg de cocaïne au niveau du port d’Oran, le limogeage du patron de la DGSN et par la suite une série d’autres limogeages dans la haute hiérarchie militaire et ça a continué avec cette crise de l’Assemblée nationale. Ce qui nous laisse croire qu’il y a une lutte féroce entre des acteurs qui appartiennent tous au régime actuel.
Pourquoi justement cette lutte féroce ?
Tout simplement parce que l’après-Bouteflika se prépare. Je pense que même si Bouteflika se présente pour la prochaine présidentielle, son état de santé ne lui permettra pas de terminer son mandat. Et s’il décide de ne pas se présenter, il y a certainement un scénario qui est en train d’être concocté en haut lieu. Et au sein des forces en présence à l’intérieur du système, chacun essaie d’affaiblir l’autre dans la perspective de la prise de décision sur l’après-Bouteflika.
Pouvez-vous être un peu plus explicite sur cette histoire de scénario ? Le système prépare-t-il un autre candidat pour succéder à Bouteflika ? Avez-vous une idée sur son identité ?
C’est très difficile d’avoir des informations précises sur les visées des clans qui sont en compétition au sein du régime algérien. Car ils nous ont habitués, à chaque élection présidentielle, à faire sortir de leur manche des candidats auxquels on n’a pas pensé.
Il faut se rappeler de la désignation de Chadli Bendjedid en 1979 comme successeur de Houari Boumediene. Personne ne s’attendait à un tel choix, à commencer par Chadli lui-même. C’est pareil en 1991 quand ils ont fait appel à Mohamed Boudiaf ou en juillet 1992 quand Ali Kafi a pris la tête du HCE. C’est le cas aussi pour Liamine Zeroual, au lendemain de la dissolution du HCE mais aussi de Abdelaziz Bouteflika en 1999 après la démission surprise de son prédécesseur. C’est encore plus difficile dans la conjoncture actuelle parce que les rangs du système se sont vidés de compétences et de personnalités qui avaient un poids de par leur parcours historiques ou les responsabilités qu’ils avaient occupées un certain moment de la vie politique nationale. On a l’impression que le régime actuel navigue à vue. Il est en train de chercher un candidat pour l’après-Bouteflika mais je ne pense pas qu’ils l’ont trouvé et ils ne le trouveront pas tout de suite au risque de se retrouver, si l’actuel chef de l’État ne se représente pas, avec un candidat sans aucune envergure. Un candidat par défaut, en somme.
Pour revenir à la crise qui secoue l’APN, quelle est la position du RCD ?
La position du RCD est claire. C’est la plus lisible et la plus visible. Et c’est la seule qui a été exprimée publiquement dans les temps. Nous avons toujours prôné le respect des lois de la République. C’est-à-dire de la Constitution et de la réglementation même si on a affaire à des lois auxquelles on n’a pas participé à leur élaboration.
On a boycotté la dernière constitution comme celle de 1996 mais les lois sont là et il faut les respecter. Malheureusement, nous assistons à un viol, récurrent d’ailleurs, de ces lois par ceux-là même qui les ont promulguées.
Nous disons qu’à partir du moment où il y a un certain nombre d’accusations, graves et publiques, portées contre le président de l’APN et d’autres contre le SG de cette institution, les députés disposent d’un instrument s’ils veulent travailler dans la légalité. C’est la commission d’enquête parlementaire. Il s’agit d’écouter tous les acteurs : le président de l’APN, les présidents des groupes parlementaires des partis de la majorité et les présidents des commissions. Car si les accusations portées contre M. Bouhadja s’avéreraient vraies, le pousser à la démission c’est l’extraire à la “justice” de l’Assemblée nationale. Il faut d’abord l’entendre et c’est à cette commission de soumettre ses conclusions à la plénière de l’Assemblée qui prendra les décisions par la suite.
Et si l’Assemblée reprend ses activités, allez-vous faire une proposition dans ce sens, c’est-à-dire demander l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire ?
La question est, présentement, en débat au niveau de notre parti. Nous avons toujours pensé que c’est important d’utiliser tous les instruments légaux qui sont mis à la disposition des députés pour faire fonctionner l’Assemblée nationale. Malheureusement, le pouvoir algérien a toujours fait en sorte à ce que le nombre de députés du RCD soit limité. Les fraudes électorales sont faites aussi pour empêcher un parti comme le RCD, connu pour être un parti qui ose, de faire son travail au niveau de l’Assemblée nationale et d’agir.
Nous avons, dès l’entame des travaux de cette nouvelle législature, déposé au niveau du bureau de l’APN une demande de commission d’enquête autour de la gestion du Club des Pins. Mais les 9 députés du RCD ne sont pas suffisants pour engager cette procédure et les députés des autres formations politiques ne s’engagent pas dans ce genre d’initiatives parce que eux aussi ils hésitent et souvent ils cherchent à composer avec la majorité. Maintenant, cette proposition est publique et s’il y a des députés qui veulent faire leur travail, ils peuvent s’en saisir.
Comment voyez-vous l’issue de cette crise ? M. Bouhadja finira-t-il par rendre le tablier ou bien la crise s’inscrira-t-elle dans la durée au risque de voir le président Bouteflika intervenir en prononçant la dissolution de l’APN ?
Je ne crois pas qu’il y a une volonté chez les décideurs de dissoudre l’APN et la raison est simple. C’est que l’actuel chef de l’État, depuis qu’il a pris le pouvoir en 1999, a toujours dit que nous sommes un pays stable et, pour lui, la stabilité c’est d’organiser les élections dans les délais constitutionnels. Il a toujours refusé d’organiser un quelconque scrutin en dehors des délais officiels. Lors des élections locales de 2002, nous avions demandé à l’époque, dans le sillage des événements sanglants de 2001, un report de 06 mois. Il avait refusé sous prétexte que la stabilité c’est d’abord le respect des délais.
La deuxième raison est que si dissolution de l’Assemblée il y a, il donnera raison à l’opposition qui demande une transition démocratique parce qu’il y a une crise importante. Donc je ne pense pas qu’il sera tenté d’aller vers une dissolution.
La troisième raison est que la méthode suivie pour créer cette crise ressemble beaucoup à celle des révolutions arabes en 2011, avec le fameux mot d’ordre ‘’dégage’’ brandi à la face des Ben Ali, Moubarek, Keddafi, El Assad, etc. On est dans cette situation aujourd’hui en Algérie. On est en train de dire à M. Bouhadja, et ça c’est le fait des députés de la majorité, dégage. Et dans l’illégalité en plus. Donc c’est eux qui sont en train d’importer les révolutions arabes, dans les institutions et non pas dans la rue. Maintenant, c’est vrai que M. Ouyahia s’est empressé de dire qu’il n’y aura pas de dissolution mais c’était surtout pour rassurer les députés de la majorité notamment ceux de son parti qui avaient peur d’une dissolution.
Le président de l’APN finira-t-il par céder ?
Ma conviction est que le problème est dans la manière suivie pour demander la démission de M. Bouhadja. Connaissant le fonctionnement des hommes du système, à chaque fois qu’on le leur a demandé, ils se sont retirés d’eux-mêmes. Mais dans le cas de M. Bouhadja, ils l’ont accusé et s’il accède à leur demande il atteste de la véracité des accusations formulées à son encontre. Donc, c’est la démarche qui pose problème.
Il y a aussi la divulgation d’un enregistrement téléphonique entre lui et un responsable identifié. Et cela a compliqué un peu plus la crise. D’ailleurs, tout est parti de cet enregistrement et c’est à partir de là que les médias ont commencé à parler de la démission de M. Bouhadja. Lui, il est en train de dire que si jamais la Présidence lui demande de partir, il va le faire. C’est une manière de dire aux députés de l’Assemblée nationale qu’il sait comment fonctionne le système algérien. Jamais un président de l’APN n’a été élu par ses pairs, il a d’abord été choisi par les décideurs avant que le choix ne soit adopté dans une élection formelle au niveau de l’APN. Je sais aussi que M. Bouhadja n’a pas été candidat aux dernières législatives. Ils ont attendu 10 jours avant l’expiration du délai du dépôt des listes pour le contacter en lui demandant de leur fournir son dossier. Il leur a dit qu’il n’est pas candidat mais ils ont insisté. Donc, il n’était pas demandeur. Et c’était pareil aussi pour la présidence de l’APN. C’était clair dès le départ que le pouvoir avait besoin d’un président de l’Assemblée issu de l’Est du pays, car de tout temps il y a une répartition des postes de responsabilités entre les différentes régions du pays quoique c’est toujours à l’intérieur du système.
Au vrai, cette situation renseigne sur l’état de santé du président. Je suis de ceux qui pensent que si l’état de santé du chef de l’État ne s’était pas détérioré plus que d’habitude, il aurait d’une manière ou d’une autre agi pour écourter la crise.
Vous avez parlé, dans votre point de presse du vendredi 12 octobre, d’un danger qui peut survenir dans les prochaines semaines. Il est de quelle nature ce danger ?
Depuis quelques années déjà, il y a, au niveau de la société algérienne, des mouvements de contestation importants et nouveaux auxquels on n’est pas habitué. Je peux citer les protestations cycliques dans le Sud du pays. Les jeunes posent des problèmes réels mais ils ne sont pas écoutés. Je vois les réactions des internautes issus de ces régions qui sont exaspérés par la situation sociale dans laquelle ils vivent mais aussi par l’attitude des responsables qui ne les prennent pas au sérieux.
Il y a aussi ces accusations qui sont portées contre de hauts responsables de la hiérarchie militaire. Le message envoyé pour l’opinion nationale et étrangère c’est que tous les hauts responsables militaires sont pourris. Il se trouve que ce sont eux qui, jusque-là, ont constitué l’ossature des centres de décisions au niveau des structures sécuritaires du pays.
Il y a aussi ces enregistrements illégaux et qui sont rendus publics. C’est une nouveauté. Jamais en Algérie, par le passé, une communication téléphonique entre deux responsables n’a été enregistrée puis diffusée bien que les Renseignements font des enregistrements mais ne les diffusent jamais.
Il y a aussi cet autre enregistrement fait par un responsable d’un organe de presse d’une communication téléphonique qu’il a eue avec un responsable des Services de renseignement. Cet enregistrement sera analysé par les Services de renseignement étrangers et c’est normal. Il laisse voir le niveau de compétence des responsables des Services algériens et comment ils se soumettent à la menace d’un simple responsable d’un organe de presse.
Au-delà de ces enregistrements, il y a aussi la justice qui n’a pas agi. D’habitude pour moins que ça, elle se saisit de l’affaire. Là, elle est restée à l’écart.
On a aussi l’actuelle crise au niveau de l’APN ainsi que l’inaction du gouvernement depuis des mois. Tout est en panne dans le pays. Et la situation va échapper au contrôle. Jusqu’aujourd’hui, ce sont les citoyens qui, parce qu’ils sont responsables et ne veulent pas envenimer la situation, ont adopté une position attentiste. Mais cette position ne va pas durer éternellement. Il viendra un moment où ils vont se dire qu’il s’agit de notre pays et de l’avenir de nos enfants, on ne peut pas rester inactifs. Et là, ça peut devenir justement incontrôlable.
Cette crise montre que le pouvoir traverse une période difficile et qu’il est divisé. Mais l’opposition ne tire pas profit de cette situation. Pourquoi ? Un problème de leadership ?
Il faut reconnaître que durant les 20 années de règne de l’actuel chef de l’État, tout a été fait pour casser la classe politique en général et l’opposition en particulier. Beaucoup d’argent a été dépensé dans ce sens sans parler de la mobilisation de grands moyens de répression.
Donc, ils ont tout fait pour affaiblir toute la classe politique sans exception. Maintenant, celui qui fait la décision politique en Algérie, ce ne sont pas les partis politiques, y compris ceux de la majorité, mais des centres de décision en dehors des partis mais qui contrôlent une bonne partie des formations politiques, des organisations de masse, le patronat, une bonne partie des médias lourds.
C’est très difficile pour l’opposition d’agir dans une situation comme celle-là même si des tentatives existent. On peut citer l’initiative de l’opposition en 2014 et qui a duré quand même trois années. C’est la première fois qu’une initiative, dans laquelle s’inscrivent plusieurs forces politiques d’obédiences diverses, dure dans le temps. Certes, cette initiative n’est plus d’actualité mais il y a une réflexion pour d’autres actions. C’est une expérience et nous continuons d’analyser les raisons qui ont fait que cette initiative n’est pas allée au-delà de trois ans même si au niveau du RCD nous avons anticipé cette crise. Nous avons dit à l’époque que si nous continuons à nous réunir sans agir sur le terrain pour associer le citoyen, l’initiative ne pourra pas atteindre son but. Et nous leur avons dit aussi que si jamais le chef de l’État profite de la période d’essoufflement des acteurs qui ont lancé cette initiative pour faire passer son projet de Constitution, ça va être très difficile de relancer l’initiative. Et c’est ce qu’il a fait.
Mais cela ne veut pas que c’est fini pour l’opposition. Mais au RCD, on a une démarche. Il s’agit, dans un premier temps, de renforcer parce qu’un parti ce n’est pas seulement un sigle, un leader, du commentaire politique mais c’est surtout des structures organiques, des cadres visibles et agissant sur le terrain, des activités et des thématiques autour desquelles il faut lancer des débats dans la société. Par la suite effectivement, il faudra trouver le moyen de construire des convergences entre des partis qui ont la même vision d’avenir et qui se soucient du devenir national.
Cette réflexion autour de nouvelles initiatives et d’une reconstruction de l’opposition, c’est en prévision des présidentielles d’avril 2019 ou après ? S’agit-il d’une action conjoncturelle ou s’inscrira-t-elle dans la durée ?
Ça ne peut pas être conjoncturel. Au RCD, en tout cas, on a jamais agi sur le court terme. Il faut certes essayer de faire des choses pour peser sur le court terme mais l’essentiel c’est le moyen et le long termes. C’est pour cela que vous avez un parti politique qui investit d’abord dans les jeunes, parce que c’est l’avenir, qui investit sur les femmes et la formation mais aussi dans l’élaboration des politiques.
Pour nous, l’action politique ce n’est pas seulement la participation aux élections mais plutôt comment se préparer à une échéance électorale en élaborant un projet, en mettant en œuvre une vision d’avenir et en présentant des cadres compétents capables de porter justement ce projet. Les partis politiques, notamment ceux de la majorité, ne sont malheureusement pas dans cette configuration. Ils n’ont pas les cadres compétents.
Vous avez menacé de ne pas prendre part aux élections présidentielles d’avril 2019 si les conditions ne sont pas réunies. Qu’allez-vous faire pour contraindre le pouvoir à réunir justement ces conditions ?
D’abord, on n’a pas menacé mais on a boycotté la plupart des élections présidentielles. Parce que nous considérons qu’une élection présidentielle c’est d’abord donner la possibilité au citoyen de choisir son président de la République. Et pour garantir ce choix, les élections doivent être libres et transparentes. Il faut que les médias soient équitables et s’ouvrent à tous les candidats. On doit assurer un contrôle sérieux sur l’utilisation des moyens de l’État et assainir le fichier électoral. J’ajoute que l’élection ne peut pas être libre tant qu’il n’y pas une instance indépendante de gestion des élections. C’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés au RCD et c’est une conviction que nous avons réussi à faire partager à l’ensemble des partis d’opposition.
On peut dire aussi qu’il ne peut pas y avoir une élection libre sans des programmes de candidats. Malheureusement, on a souvent assisté à des élections sans programmes et sans projets. Comment alors le citoyen va choisir ? En réalité, il n’y a jamais eu d’élections en Algérie mais une pièce de théâtre qui se joue le jour où se tient l’élection en question. Mais c’est surtout pour faire valider le candidat, le chef de l’État choisi en dehors du scrutin lui-même. Donc, ça a toujours fonctionné comme ça. Et on n’est pas les seuls à le dire puisque les hommes du système eux-mêmes, dès qu’ils quittent leur fonctions officielles, reconnaissent qu’il n’y pas d’élections en Algérie. Et l’actuel chef de l’État a été encore loin puisque c’est lui qui a déclaré en 2012, alors qu’il est toujours en fonction, que toutes les élections en Algérie depuis 62 sont des élections à la Naegelen.
Autrement dit, les élections de 1999, de 2004 et de 2009 qui l’ont porté à cette responsabilité, ont été truquées. On sait très bien que c’est le cas aussi pour les présidentielles de 2014 et ça sera la même chose pour celles de 2019.
Mais qu’y a-t-il lieu de faire pour obliger le système à organiser des élections démocratiques ?
Le RCD a fait tout ce que peut faire un parti politique. Les instruments auxquels recourent les partis un peu partout dans le monde, on les a tous utilisés. Il y a d’abord le discours, le projet, les propositions, il y les activités organisées, etc. Pour ce qui est des conditions de l’exercice et de la compétition politique, nous avons essayé en 2012 d’agir dans ce sens avec un certain nombre de forces politiques. Nous avons dit que tant que les conditions de l’exercice de la compétition politique n’existent pas, il y aura des forces obscures et extra-constitutionnelles qui vont continuer à gérer le pays. Nous sommes dans cette situation.
Mais imposer ces conditions ça ne peut pas être de la responsabilité des partis politiques seulement. Dans tous les pays du monde c’est de la responsabilité aussi, voire d’abord, du citoyen. Nous, on a démontré qu’on est prêt à agir avec d’autres forces politiques pour changer la situation, à faire en sorte à ce que le citoyen soit associé. Et c’est ce que nous faisons dans le cadre de nos activités. Certes, ça prend du temps mais ce n’est pas parce que ça prend du temps qu’il ne faut pas le faire. D’où notre décision d’investir beaucoup dans les jeunes.
À suivre votre raisonnement, les présidentielles de 2019 ne seront donc pas transparentes ?
C’est clair. Dans tous les pays du monde, une élection présidentielle se prépare deux ans au moins à l’avance. Des débats sur les programmes et les propositions sont organisés dans les plateaux de télés entre les candidats ou les potentiels candidats. Nous ne sommes pas dans cette configuration et à six mois des présidentielles, aucun projet n’est soumis à débat par les hommes du système ou par ceux qui se disent vouloir se présenter contre eux. Et à partir du moment où il n’y pas un débat sur des projets, il ne peut pas y avoir d’élection, en réalité.
Vous avez appelé à une égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme. Vous avez annoncé aussi l’organisation prochainement d’une conférence sur la réforme de l’islam. Pensez-vous que c’est le moment d’engager ce genre de débats ?
C’est parce qu’on n’ose pas en Algérie que nous accusons un tel retard. Si on se retrouve dans des crises récurrentes depuis 1962 c’est parce qu’à chaque fois il y a une certaine opinion dans la rue qui vous dit que non, ce n’est pas le moment. Et c’est justement parce qu’on dit toujours que ce n’est pas le moment qu’on s’est retrouvé dans des crises permanentes.
Au RCD, on dit qu’il faut débattre de tout. Nous sommes en 2018, il ne faut s’interdire aucun débat. En réalité, sur la question de l’héritage, il n’y a rien de nouveau par rapport à ce qu’on disait en 1989 quand nous avons fondé notre parti. Nous sommes une formation qui prône l’abrogation du Code de la famille. Nous sommes un parti laïc qui revendique des lois civiques pour tous.
Donc, il n’y a rien de nouveau dans notre dernière déclaration. Et nous allons continuer à débattre de toutes les questions car c’est avec le débat qu’on pourra faire avancer en réalité les choses. Et c’est le refus du débat qui est la raison principale des crises que nous vivons.