Le Dr Mohamed Yousfi, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de Boufarik, appelle les pouvoirs publics à renforcer les structures hospitalières surtout en moyens humains pour faire face à la flambée du covid-19 qui touche actuellement l’Algérie. Il pousse un coup de gueule pour dénoncer le manque de moyens et le non-respect par les citoyens des mesures barrières.
Comment expliquez-vous la reprise des contaminations au covid-19 en Algérie ?
Depuis une semaine, on avertit sur cette augmentation constante enregistrée depuis fin mars et qui s’accélère depuis pratiquement une semaine, avec une explosion des cas.
Chez nous (EPH Boufarik) on est passé d’une trentaine de malades à plus de 80 malades. Nous recevons des malades de Blida mais aussi de la wilaya d’Alger, et ce avec moyens humains très limités.
Est-il normal qu’un service d’urgence (services des maladies infectieuses de l’EPH Boufarik) qui est parmi les plus sollicités durant le covid fonctionne avec trois personnes (un médecin, un infectiologue et un infirmier) et ce depuis seize mois ?
Notre situation en moyens humains est critique. Notre personnel est très fatigué et tous les services sont saturés. Le tout avec le même personnel qui est aujourd’hui à plat. Nous avons déjà interpellé le ministère de la Santé et encore plus aujourd’hui.
Un médecin généraliste a eu un malaise jeudi aux services d’urgences en raison de l’afflux de malades, avec 110 patients en quelques heures dont 20 hospitalisations.
Je rappelle que nous avons rouvert le service de chirurgie pour le consacrer de nouveau au covid. Il s’ajoute ainsi aux deux services de médecine interne et celui des maladies infectieuses. Nous demandons qu’on soit renforcés avant que le personnel s’écroule.
On continue d’enregistrer des décès parmi les personnels soignants ?
Moins qu’avant et la différence avec l’année passée, c’est qu’aujourd’hui il y a le vaccin. Et là je lance un appel à tous les citoyens et particulièrement les professionnels de la santé afin d’utiliser cette protection (le vaccin). Ce que nous n’avions pas avant, alors que nous étions exposés 24/24h à la maladie.
Il y a encore une réticence de la part de certains professionnels de la santé quant à se faire vacciner…
Je confirme. La réticence existe partout. Ce qui est malheureux, car ce sont les professionnels de la santé qui sont les plus exposés au virus ; on attend d’eux aussi qu’ils donnent l’exemple.
Citoyens et autorités sanitaires ont cru à une disparition du virus : la preuve, on a réduit le nombre de lits dédiés au covid. Comment réagissez-vous ?
Depuis seize mois on n’arrête pas de dire aux citoyens qu’il ne faut pas relâcher sur les mesures barrières, et qu’il faut se faire vacciner lorsque le vaccin est disponible.
Alors pour nos concitoyens qui croient que l’épidémie est terminée, je pense que c’est une grave erreur. L’abandon des gestes barrières est tel qu’on reçoit aujourd’hui des familles entières suite à leur participation à des mariages.
Alors je leur dis : s’il vous plaît, épargnez-vous votre vie et celle de vos parents mais aussi la vie des professionnels de la santé. Ce qu’on a remarqué aussi c’est qu’il y a une absence de contrôle du respect de mesures barrières, une mission qui est du rôle des pouvoirs publics.
Par ailleurs, quand l’épidémie est en train de circuler de manière importante, on transforme tous les services pour la prise en charge du covid en ne laissant que l’activité des urgences médico-chirurgicales.