Raouf Salim Bernaoui, escrimeur est ancien ministre de la Jeunesse et des sports, et ex-président de la Fédération algérienne d’escrime. Dans cet entretien, il revient sur la débâcle  des athlètes algériens aux JO de Tokyo 2020, les primes accordées aux athlètes, le refus d’un judoka algérien d’affronter un judoka israélien….

Les sportifs algériens peinent à s’illustrer aux Jeux olympiques de Tokyo, qui resteront peut-être comme l’une des pires participations algériennes à un tournoi olympique. Comment l’expliquez-vous ?

Les résultats sont logiques. Il y avait  globalement six athlètes qui étaient potentiellement médaillables. Pour les autres, la mission principale était de se qualifier.

Par ailleurs, le nombre de qualifiés algériens aux JO de Tokyo, soit 44 athlètes, ne représente absolument pas la grandeur et la culture sportive que nous avons dans le pays.

A Tokyo, nous sommes à moins de vingt athlètes, par rapport aux Jeux de Rio de Janeiro. Mais la baisse de forme de nos athlètes est due en grande partie au confinement.

La préparation des athlètes a donc été  fortement perturbée par la pandémie selon vous ?

Au-delà de la pandémie, la préparation a été perturbée par la bureaucratie. La pandémie a été très mal gérée. Les grandes nations sportives se sont arrêtées entre 15 et 20 jours.

Chez nous, la décision d’arrêter les entraînements pendant neuf mois, est criminelle. Scientifiquement, tous les entraîneurs disent qu’au-delà de trois jours d’arrêt d’entraînement, c’est la chute libre de la forme de l’athlète de haut niveau.

La décision d’arrêter les entraînements pendant neuf mois n’était pas judicieuse. Elle est ni scientifique, ni réfléchie. Pourquoi on a arrêté neuf mois, je ne comprends pas.

Amar Benikhlef, l’entraîneur de l’équipe nationale de judo, a critiqué les conditions de préparation et de prise en charge des athlètes, et a fustigé  la fédération et les autorités. Pensez-vous que le budget, et que les moyens alloués aux athlètes algériens pour la préparation de ces jeux, étaient suffisants ?

Il est temps de commencer à installer un système d’entraînement et de fabrication de champions.  Nous avons un potentiel humain très important, mais ce n’est pas avec ces méthodes d’entraînement, ni avec ces moyens, et encore moins avec cette méthode de travail, que l’on pourra espérer avoir des médailles olympiques. Les moyens sont là, mais ils sont très mal gérés.

Est-ce que les athlètes algériens s’entraînent suffisamment ?

Le volume d’entraînement n’est pas assez important. On voit que certains athlètes, lorsque qu’ils gagnent en maturité, ils cherchent à faire des stages à l’étranger, pour justement rehausser leur volume d’entraînement

Les primes accordées aux athlètes sont-elles suffisantes ?

Les primes sont, à mon avis, respectables et conséquentes. Quand je vois ce que touchent les athlètes des autres nations, je pense que ce que donne l’État algérien est très respectable.

Pour une médaille olympique, il y a ce que donne le ministère de la Jeunesse et des sports, comme prime, et il y a aussi ce que donnent les sponsors.

La nageuse Amel Melih, porte-drapeau de l’Algérie aux JO de Tokyo a été éliminée au premier tour de la compétition. Sur ses réseaux sociaux, elle a déploré l’absence de son entraîneur, son frère, Selim, aux JO de Tokyo. Trouvez-vous normal qu’un athlète soit livré à lui-même durant une telle compétition, alors que l’on parle de présence d’extras parmi la délégation algérienne, et cela au détriment des techniciens et des entraîneurs ?

Avec les mêmes personnes, nous aurons toujours les mêmes pratiques. Je partage la douleur d’Amel Melih.

Lorsque j’ai participé aux JO d’Atlanta en 1996, j’ai été privé de mon entraineur. Cela reste un souvenir que je ne pourrai jamais oublié. Je comprends donc la déception d’Amel Melih. La faute est aux dirigeants. Et malheureusement, il y a des dirigeants qui sont en poste depuis plus de 40 ans…

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La crise du Comité olympique algérien a-t-elle pesé sur la préparation des athlètes et les résultats obtenus à Tokyo ?

Je pense qu’il n’y a pas de crise au niveau du Comité olympique algérien, mais de l’incompétence. Cette incompétence est visible lorsque l’on voit un responsable qui ne sait pas remplir une feuille d’engagement, qu’il ne fallait même pas remplir….

On ne peut conduire une délégation, pour un événement planétaire, comme les J-O, avec un niveau pareil. Il est temps d’arrêter de prendre en otage les athlètes, et de commencer à travailler pour l’intérêt général, et celui des athlètes.

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Le judoka algérien Fethi Nourine a déclaré forfait aux JO de Tokyo pour ne pas affronter un judoka israélien. Certains disent qu’il aurait dû l’affronter pour le battre, quel est votre avis ?

La position de l’Algérie est connue. Fethi a utilisé cet événement planétaire pour médiatiser la cause palestinienne. Son geste va marquer l’histoire qui retiendra le nom de Fethi Nourine. Cela montre la noblesse du peuple algérien. Nous n’allons jamais abandonner nos frères palestiniens, ou nos frères opprimés partout dans le monde.