Économie

Entretien. Le PDG d’Air Algérie Hamza Benhamouda nous dit tout

Dans cet entretien exclusif à TSA, le PDG d’Air Algérie, Hamza Benhamouda, détaille sa vision et son projet pour la compagnie aérienne nationale. Il fait le bilan de l’offre Osra, répond aux critiques sur les prix des billets, parle du renouvellement de la flotte…

Vous avez été nommé le 7 février dernier comme PDG d’Air Algérie. Comment avez-vous trouvé la compagnie ?

Comme je m’y attendais… De nombreux défis à relever et un réel potentiel !

Le chemin est encore long pour satisfaire notre ambition et nos exigences pour la compagnie nationale, mais le chantier a démarré.

Nous sommes immédiatement rentrés dans le vif du sujet, avec, en ligne de mire, des objectifs précis que nous devons atteindre.

Ceci, grâce à mon expérience, à ma connaissance de la compagnie et de son environnement, que je dois aux 15 années passées dans l’entreprise, de 2004 à 2018 à différents postes, et à mes dernières fonctions à la tête de l’Agence nationale de l’aviation civile.

Pour le reste, et comme vous pouvez l’imaginer, la pandémie de la Covid-19 a gravement affecté le transport aérien dans le monde. Pour Air Algérie, ce n’est qu’à partir du 2e semestre 2022 que le trafic régulier a pu, graduellement, retrouver ses marques.

Bien que l’exercice 2023 ait enregistré des réalisations appréciables, il ne peut pas, à lui seul, compenser les exercices précédents et permettre d’être totalement serein pour l’exercice actuel et ceux à venir.

Pour exemple, 2024 a été abordée avec une flotte amoindrie dans la mesure où beaucoup d’aéronefs ont dû être immobilisés pour des opérations de maintenance ou des pannes importantes.

Cette situation a été aggravée par la tension qui caractérise le marché mondial de la maintenance et de la pièce de rechange aéronautiques.

L’organisation de la compagnie en général et nos représentations à l’étranger ont fait l’objet de mesures de restructuration qui, sur le terrain, ont vraisemblablement manqué de cohérence et d’accompagnement car elles ont eu des conséquences contraires à ce qui était attendu.

Cela dit, l’encadrement et le personnel se mobilisent pour permettre à l’entreprise de garder le cap et de porter haut le pavillon national marchand qui fait face, quoi qu’on dise, à la concurrence de nombreuses compagnies étrangères, dont la plupart, il ne faut pas l’oublier, sont membres des trois grandes alliances internationales qui dominent le transport aérien mondial. Personnellement, je souhaite faire de cette concurrence un élément moteur de notre développement.

Quels sont vos projets et quels sont les grands axes de votre stratégie sur le moyen et le long terme ? Que voulez-vous faire d’Air Algérie ?

Air Algérie continuera bien évidemment à assumer ses missions de transporteur du pavillon national. Un métier très exigeant, rigoureux et qui mobilise, au quotidien, d’importantes ressources humaines et matérielles pour assurer plus de 200 vols par jour sur quatre continents.

Nos projets à court et moyen terme s’articulent autour de grandes orientations qui doivent nous hisser vers des niveaux de qualité de service et de sécurité aérienne les plus exigeants de l’aviation civile internationale, tout en veillant à s’inscrire dans une démarche de développement durable.

Renforcer nos parts de marché, développer le réseau et parfaire la satisfaction client, en impliquant tous les personnels, en optimisant l’organisation et le fonctionnement et en y consacrant les moyens nécessaires.

Cela peut paraître simple, mais il s’agit en réalité de chantiers titanesques qui impliqueront l’ensemble des cadres et personnels que nous nous devons d’embarquer pour relever ce défi.

Ma stratégie consiste ainsi à améliorer la gouvernance, à nourrir la culture d’entreprise et à déployer les moyens nécessaires. Je peux vous donner quelques exemples non exhaustifs quand je parle de moyens nécessaires : accentuer et développer la formation, notamment dans les domaines de la relation et satisfaction clients, de la maîtrise des systèmes d’informations et d’exploitation.

Réorienter la politique commerciale de manière à placer la satisfaction client au centre de nos préoccupations.

Par la qualité de service, j’entends tous les services, que ce soit en agence, à l’aéroport ou à bord des aéronefs, dont la propreté, doit être l’objet d’une attention particulière et permanente. En un mot, l’expérience client doit être satisfaisante de bout en bout !

À plus long terme, nous visons le renouvellement et le renforcement de la flotte, accompagnés d’une expansion ordonnée du réseau.

Vous me demandez ce que je veux faire d’Air Algérie ? Je n’ai ni la prétention ni les prérogatives de faire d’Air Algérie « ce que je veux ». En revanche, je peux vous faire part de mon objectif : une compagnie moderne, performante et citoyenne. Une référence pour le continent Africain.

Vous avez augmenté le nombre de vols vers le sud du pays alors que les lignes intérieures ne sont pas rentables. Ne faut-il pas créer une filiale dédiée au réseau domestique ?

Le déploiement du réseau domestique obéit à des obligations de service public qui sont fixées par les autorités. Dans ce contexte, ce n’est pas la rentabilité économique qui dicte nos choix.

Nous sommes liés aux départements ministériels concernés par un cahier de charges qui définit les sujétions de service public. En contrepartie, nous avons le soutien nécessaire des pouvoirs publics pour assurer cette noble mission de transporter les Algériens où qu’ils se trouvent dans notre vaste territoire.

Il ne vous échappe pas qu’en raison de ses besoins spécifiques, liés au désenclavement et au développement économique et touristique, le sud du pays fait l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics, à leur tête, Monsieur le président de la République.

Quant à la création d’une filiale dédiée, ceci peut vous paraitre comme étant la solution miracle. Cependant, et même s’il n’y a aucun tabou pour atteindre les objectifs, la création d’une nouvelle filiale n’est pas d’actualité et il faut être très prudent car, une telle décision pourrait engendrer encore davantage de difficultés.

Quel est votre plan pour accélérer la numérisation des services d’Air Algérie ?

Il faut savoir que la numérisation des services remonte déjà à 2008, puisque ce processus a été entamé à cette date avec l’introduction du billet électronique.

Le site marchand de la compagnie a été mis en ligne en 2009 (paiement avec carte étrangère seulement en raison de restrictions de l’autorité monétaire).

Les processus métiers essentiels (programmation, ventes…) de l’entreprise sont numérisés. Pour les clients, en plus de la réservation et l’achat des billets, il est possible de modifier en ligne leur dates de voyage pour un itinéraire donné, de choisir son siège, d’acheter des excédents de bagages, de réserver des chaises pour les personnes à mobilité réduite et de gérer le compte de fidélité et les avantages offerts.

Pour la suite, notre plan pour accélérer la numérisation est de rendre notre site Internet plus performant et encore plus facile d’utilisation, de développer une nouvelle version pour les smartphones, de continuer à y ajouter d’autres services (tels que : le maintien d’une option de réservation, l’assurance voyage ou encore le Wifi à bord pour les avions en cours d’acquisition), et de lancer un appel à projet aux startups pour profiter de tout ce que peut nous apporter l’IA pour les services qu’on pourra développer dans l’intérêt de nos clients et de notre personnel.

Quel bilan chiffré faites-vous de la promo Osra d’Air Algérie ? Y a-t-il encore des places ?

Au lancement de ce tarif en avril, toutes les capacités disponibles, en termes de sièges (1.160.000 sur le réseau France), ont été offertes à la vente sur l’ensemble des vols programmés pour la haute saison, sans restriction aucune.

Il demeure aujourd’hui un stock très important de sièges non réservés (571 600 sièges sur le même réseau) à des périodes ou dates qui ne conviennent peut-être pas aux souhaits des clients.

Pour résumer, ce tarif très compétitif et abordable est encore disponible mais à des dates pas très demandées. Pour les autres périodes de la saison estivale, tous les sièges disponibles ont été vendus. Ceux qui souhaitent bénéficier de ce tarif aujourd’hui, doivent opter pour des dates de voyages où la disponibilité existe.

Y aura-t-il de nouvelles promotions cet été ?

Ce n’est pas exclu, mais cela ne dépend pas uniquement d’Air Algérie, et je peux vous annoncer que nous avons fait le nécessaire, auprès des autorités compétentes dans les pays concernés, en demandant l’autorisation pour réaliser des vols supplémentaires. Nous espérons des réponses favorables dans les jours à venir.

Pour ceux qui ne sont pas éligibles à Osra, les prix des billets flambent pour l’été, à partir de 800 € pour un aller-retour Alger-Paris, selon un député de l’émigration. Pourquoi de tels prix ?

Le tarif que vous citez correspond au niveau le plus élevé pour la ligne en question, en aller-retour, valable une année, remboursable et modifiable sans frais, ni conditions. Il vous est loisible de vérifier cela sur notre site marchand.

Même si Air Algérie est en moyenne moins chère que ses concurrents, elle est souvent et injustement critiquée sur ce point, y compris par votre média.

Il me semble ainsi opportun de rappeler que de nos jours, les tarifs aériens ne sont pas statiques. En d’autres termes : sur une destination donnée, le prix d’un billet acheté au mois de janvier diffère grandement de celui acheté en juillet-août. Cela est vrai pour toutes les compagnies aériennes du monde.

Je voudrais dire un mot sur le tarif Osra. Pour satisfaire les attentes de notre clientèle, qu’elle soit résidente ou non, nous avons consenti un effort considérable pour offrir, par exemple, le Paris-Alger-Paris à 265 € TTC, soit seulement 194 € hors taxes.

Sur la ligne de Marseille, le tarif baisse à 163 € hors taxes. De tels tarifs, en pleine saison, sont inédits et démontrent bien l’engagement de la compagnie à satisfaire ses clients.

Vous avez installé une commission pour la révision des prix des billets. A-t-elle terminé son travail ?

Cette commission, dont les travaux sont toujours en cours, n’est pas chargée de « réviser les prix », mais plutôt d’étudier les mécanismes d’élaboration des grilles tarifaires afin de les optimiser au bénéfice du client, sans pour autant léser les équilibres financiers des opérations commerciales.

Air Algérie a affrété des avions. Combien au total et pour quelle capacité ?

Nous avons procédé à l’affrètement de trois gros-porteurs disposant de 269 sièges chacun et d’un monocouloir de 150 sièges. Sur la période d’affrètement prévue, cela représente une offre minimum de 471.000 sièges.

Où en est le processus d’acquisition par Air Algérie de 15 nouveaux avions de chez Boeing et Airbus ? Combien faut-il d’avions pour Air Algérie ?

Le processus d’acquisition suit son cours et les premiers aéronefs devraient être réceptionnés en 2025. L’investissement dans de nouveaux appareils est bien évidemment étroitement lié au développement de notre marché, mais aussi au besoin impératif de remplacer les appareils vieillissants qui génèrent des coûts d’exploitation et de maintenance élevés.

Rien qu’en termes de remplacement, l’on parle d’une vingtaine d’avions supplémentaires dans les cinq ans à venir.

Dans un avenir plus lointain, et afin de répondre aux ambitions de la compagnie et de prendre toute notre place en Afrique, c’est bien plus d’avions qu’il faudra acquérir… Mais il est encore tôt pour vous donner davantage de précisions.

Boeing, notamment les avions de type 737 MAX qu’Air Algérie a commandés, ont connu plusieurs défaillances ces derniers mois. Allez-vous changer d’avis ou avez-vous reçu des garanties sur la qualité ?

D’abord une petite précision, Air Algérie n’exploite pas que des aéronefs du constructeur Boeing et cela depuis plusieurs années déjà. Notre flotte comprend des Boeing, des Airbus, des ATR…

Les principaux problèmes du 737 MAX ont concerné des défauts de conception et de certification du système MCAS (système destiné à corriger automatiquement les caractéristiques de manœuvrabilité de l’avion) et les lacunes dans la formation des pilotes.

Ces questions ont été maintenant résolues. La presse rapporte beaucoup d’incidents qui sont plus des problèmes de maintenance qu’autre chose.

Boeing est aujourd’hui surveillé de près par le régulateur américain (FAA). L’histoire de l’aviation est jalonnée par les “maladies de jeunesse” de certains avions qui arrivent sur le marché.

Nous sommes bien évidemment confiants quant à la fiabilité de ces avions et n’avons aucune raison sérieuse pour le moment de changer d’avis.

Air Algérie a gelé certaines lignes à l’international. Pourquoi ?

Des lignes ont été effectivement suspendues en raison des problèmes rencontrés au niveau de la disponibilité de la flotte comme indiqué plus haut.

Nous avons donc procédé à des arbitrages en veillant à préserver les destinations à fort potentiel commercial et celles qui servent traditionnellement la clientèle résidente et non résidente.

Cependant, la majorité des destinations suspendues va être reprogrammée à l’occasion de la saison estivale.

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