Le Pr Rachid Belhadj est le président du Syndicat national des chercheurs hospitalo-universitaires (SNECHU). Dans cet entretien, il aborde les principales revendications des syndicats qui ont appelé à une grève pour ce mercredi 7 avril, et aborde la désillusion de « l’armée des blouses blanches », une année après le début de la pandémie de Covid-19.
Vous avez observé une grève d’une journée ce mercredi. Quelles sont vos revendications ?
Il convient de préciser que nous assurons le service minimum. Nous avons instruit l’ensemble des services qui prennent en charge les enfants et les femmes enceintes.
De plus, la grève dure une journée. Ce qui nous a poussés à faire grève- pour laquelle un préavis avait été déposé- c’est qu’en tant que syndicats nous avons toujours prôné le dialogue, et ce depuis des années.
Les derniers mouvements de grèves organisés par les hospitalo-universitaires ou nos autres collègues, remontent à il y a 8 ans. Preuve que nous avons toujours milité pour le dialogue.
Malheureusement, nous avons participé à des négociations et avons fait des propositions écrites sur plusieurs questions. On s’est même félicité d’avoir participé à l’élaboration de la loi sanitaire de 2018 ; malheureusement, nous sommes en 2021 et beaucoup de textes d’application n’ont pas encore vu le jour.
Et puis est venue la pandémie de la Covid en 2020 qui a mis à nu les insuffisances dans notre système de santé et ébranlé notre secteur.
Nous y avons fait face, il ne faut pas l’oublier. D’abord à travers le personnel de la santé, du chauffeur d’ambulance jusqu’au professeur chef de service, en passant par les résidents, les internes, les infirmiers, etc.
On l’a payé cher. Beaucoup de nos collègues ont y sont perdu la vie. Au tout début de la pandémie, les Algériens et le pouvoir ont pris conscience de la nécessité de revoir notre système de santé, et de considérer que la sécurité sanitaire est une priorité nationale.
Qui dit priorité sanitaire dit nouvelle politique sanitaire qui doit englober tous les aspects des grandes réformes de la santé. Et la suite a été de fragmenter le ministère de la Santé en trois secteurs.
L’élan de solidarité de notre peuple nous a aussi enthousiasmés. Plusieurs autres secteurs nous ont aidés et ont participé à faire face à cette pandémie de Covid.
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Les revendications portent aussi sur la prime Covid qui n’a pas été versée dans son intégralité…
Des engagements ont été pris par les pouvoirs publics dont l’instauration de la « prime Covid » qui a été décidée par le président de la République.
Il y a eu aussi des engagements en matière d’assurance et de couverture sanitaire. En tant que syndicats, nous avons demandé que cette prime soit pérennisée jusqu’à l’élaboration d’un nouveau système de santé.
Nous avons notamment proposé que le secteur de la santé ait sa propre « Fonction publique hospitalière » pour revoir l’ensemble des régimes indemnitaires.
Nous étions déjà bloqués sur la question de la refonte des statuts par la Fonction publique qui, à chaque fois, nous disait qu’il n’y avait pas d’argent.
Et aussi, que nous ne pouvions pas revoir nos statuts sans réviser ceux des autres secteurs. Malheureusement, treize mois depuis le déclenchement de la pandémie de la Covid, une culture de l’oubli commence à s’installer.
Au début, nous étions cette « armée de blouses blanches », et maintenant on sent qu’on commence à oublier nos sacrifices et aussi la nécessité de revoir le système de santé et le fait que la santé constitue une priorité nationale.
Chaque syndicat avait fait des propositions par corps et par fonctions, etc. En tant que syndicat, nous avons, à maintes reprises, interpellé le ministre de la Santé qui nous a reçus à deux reprises, et ce à notre demande.
On lui a soulevé cette question de l’indemnité Covid qui connaît un retard de sept mois. Et la réponse a été presque sèche : le ministre a saisi son collègue des Finances qui ne lui a pas répondu.
Ce qui nous gêne en tant que syndicats et universitaires du secteur qui prônent le dialogue social, on nous pousse à chaque fois à aller vers la grève pour obtenir du gouvernement d’honorer un engagement. C’est ce qui a été fait. Dès qu’on a déposé le préavis de grève, la tutelle a répondu en autorisant le secteur de la santé à verser ladite prime.
Nous jugeons quand même que cette attitude est anormale. Comment peut-on gérer, réformer le secteur de la santé et considérer que la santé est un élément important pour la sécurité sanitaire des Algériens, mais qu’on n’arrive pas à gérer une prime qui a un fondement juridique et elle a été décidée par le premier magistrat du pays.
Je le redis : si nous avons fait grève aujourd’hui ce n’est pas seulement pour demander la prime. Nous demandons notre dignité, la protection du corps et les gestionnaires du secteur de la santé.
Nous devons réfléchir ensemble à l’amélioration du secteur de la santé. Nous ne pouvons plus, nous professionnels de la santé, faire face devant les citoyens comme étant les responsables de la qualité de la prise en charge de nos concitoyens.
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Allez-vous à durcir votre mouvement de contestation ?
Nous sommes conscients que nous vivons une situation sanitaire et politique très particulière, nous ne voulons que du bien pour notre pays et notre population.
Durcir (le mouvement) dans cette situation ce n’est pas le cas. Nous avons demandé à nos tutelles de tracer une feuille de route et de faire un audit, mais de façon sérieuse, sur ce qu’on est en train de proposer.
C’est à nous syndicats de proposer une réforme de la santé, nous sommes des professionnels du terrain et par conséquent nous sommes à même de proposer des solutions.
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Quelle est l’urgence, que faut-il faire pour la santé ?
On se doit de dire la vérité : la solution miracle n’existe pas. C’est en disant des vérités et non pas des slogans qu’on peut avancer. Il faut aussi que les autres secteurs nous aident, notamment la Fonction publique et les finances, etc. Tout le monde doit comprendre que la santé doit faire partie de la sécurité sanitaire de tous les Algériens.
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