Quelle sont vos impressions sur le 37e vendredi de mobilisation citoyenne ?
Sofiane Djilali président de Jil Jadid : la marche de ce vendredi 1er novembre a été exceptionnelle. Je pense que c’est la plus grande marche qu’ont effectuée les Algériens. Encore une fois, les Algériens se sont mobilisés pour dire qu’il faut absolument changer de système, qu’on ne veut plus rester avec le même pouvoir et qu’il fallait entrer dans une nouvelle ère. C’est une façon aussi de refuser catégoriquement les élections. Des élections qui risquent de réengendrer le même système avec les mêmes hommes.
Que pensez-vous des cinq candidats officiellement retenus ce samedi pour la présidentielle du 12 décembre ?
On est face à deux volontés contradictoires. La volonté du peuple qui veut un changement rapide et complet et la volonté d’un pouvoir qui veut contrôler ce changement. Et dans les deux cas, il y a eu déjà une révolution. L’essentiel de l’ancien régime est déjà effondré, il y a bien sûr une force d’inertie et une volonté de ne pas laisser les choses aboutir complètement pour tenter de gagner du temps. Aujourd’hui, les représentants de la partie qui veut aller vers des élections dans ces conditions-là auront pour tâche éventuellement de reporter dans le temps les bouleversements que nous vivons aujourd’hui. Mais la guerre est déjà gagnée, le système ne pourra jamais revenir à l’avant 22 février. Petit à petit, les Algériens vont prendre conscience des changements phénoménaux qui se sont déroulés durant ces neuf derniers mois.
Beaucoup reprochent à ces candidats d’avoir, à un moment ou à un autre, fait partie de l’ancien régime contre lequel se soulève le peuple…
Finalement, il n’y a que les figures qui étaient connues par le passé qui ont pu s’imposer dans cette tentative de faire perdurer le système. Malgré cela, je pense que l’Algérie est entrée dans une nouvelle phase où l’on finit de déconstruire un ancien système et où un nouveau système va être construit, et c’est extrêmement important que les nouvelles générations soient présentes maintenant et qu’elles aient leur mot à dire.
L’éventualité d’une annulation du prochain scrutin est-elle envisageable ?
Mon sentiment est que le pouvoir a pris la décision irrévocable d’aller jusqu’au bout, et c’est là où il y a une inquiétude. En même temps, il n’est absolument pas sûr que le peuple accepte cette élection. On ira de plus en plus vers une montée des tensions. La responsabilité de cette situation revient complètement au pouvoir actuel qui n’a pas été à la hauteur. Autant il a eu des gestes qu’on peut qualifier de positifs en particulier l’emprisonnement d’une noria de figures honnies par le peuple, mais il n’y a pas eu la compétence politique d’aller vers une solution voulue et acceptée de tous. Il reste un goût qui est amer. Est-ce que cette élection sera une réussite ou pas, je pense que ce sont les Algériens qui vont le décider.
Selon vous, de quoi la grève ouverte des magistrats est-elle symptomatique ?
Elle signifie que le système lui-même s’est dégradé à l’intérieur. Qu’il a perdu sa cohérence et qu’il est en grande difficulté. C’est tout à fait normal que le pouvoir central essaye de manager mais les juges comme d’autres corps de la société refusent de perdurer dans cette voie. Cela signifie essentiellement la perte de cohérence du système.