La direction générale des Douanes a apporté, ce jeudi 6 décembre, des précisions au sujet de l’équipement de la SPA EvCon Industry, filiale de Cevital, retenus au port sec Atlantic de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdes.
« Cette affaire a été traitée, en toute transparence, conformément à la législation et la réglementation en vigueur et dans le respect des dispositions de l’article 4-bis du Code des Douanes qui stipule que les lois et règlements douaniers s’appliquent sans égard à la qualité des personnes », réplique d’emblée la Douane dans une déclaration à TSA, au moment où le groupe agroalimentaire dénonce des velléités de blocage de ses projets.
Tout a commencé le 22 juillet dernier lorsque la SPA EvCon Industry a engagé au niveau des Douanes de Boumerdes une déclaration portant sur une machine d’une valeur de 2.915.000 euros. Le prix étant jugé « trop élevé », une expertise technique a été sollicitée. « L’expert judiciaire désigné par le tribunal compétent a conclu que la valeur de l’équipement importé est estimée à 1.010.000 euros, soit une différence de 1.905.000 euros », explique la DGD.
Cevital dénonce un acharnement
De son côté, Cevital, qui a rendu publics tous les documents inhérents à cette affaire et qui sont d’ailleurs consultables sur TSA, se demande sur quelle base l’expert a conclu à la surfacturation puisque la machine est un prototype, qui n’existe nulle part ailleurs.
En tout cas, la justice a été saisie par la Douane pour infraction de change. Parallèlement, l’opérateur Cevital a introduit une procédure en référé, mettant en avant le caractère sensible de l’équipement en question qui pourrait subir des dommages s’il n’est pas libéré immédiatement. EvCon a aussi demandé une contre-expertise qui a conclu que le prix de l’équipement est conforme à celui déclaré. Le 27 novembre, le tribunal de Boudouaou lui a donné gain de cause en rendant un jugement ordonnant le dédouanement et l’enlèvement de la marchandise importée. Un jugement exécutoire. « La direction des Douanes est donc tenue d’abord d’exécuter la décision de justice avant de faire appel si elle le souhaite », avait réagi le groupe Cevital.
Mais la Douane affirme avoir introduit un appel. « Usant des droits de recours accordés en vertu des dispositions du Code de procédure civile et administrative, nous avons, en date du 29 novembre, interjeté appel auprès de la Cour de Boumerdes et demandé de surseoir à l’exécution du jugement du 27 novembre 2018 étant en première instance sujet à recours », explique la DGD, ajoutant qu’« il s’agit d’un équipement bien gardé et entreposé au sein d’un port sec agréé et il n’y a aucune raison de considérer l’urgence de son enlèvement ».
Acharnement ?
« Le jugement a été rendu en référé car il y a urgence en ce sens que s’il ne sort pas dans les délais, le matériel en question risque une sérieuse détérioration », estime de son côté le groupe Cevital qui présente un document attestant la sensibilité de l’équipement.
Mais pourquoi la Douane a-t-elle décidé de faire appel alors que la justice a tranché en faveur de l’opérateur ? Une forme d’acharnement ?
« Non, rétorque-t-elle. Si le receveur n’avait pas interjeté appel, ce serait un manquement à ses obligations professionnelles, et cela est valable pour tous les receveurs sur le territoire national. Nous comprenons qu’il est difficile pour certains opérateurs de comprendre le travail du douanier », explique la direction des Douanes.
La Cour de Boumerdes devait statuer sur l’appel le 3 décembre, mais elle a reporté l’audience au 10 décembre. De même que, le 5 décembre, elle a décidé de reporter au 10 son verdict dans la plainte liée à l’infraction de change.
Dans une déclaration à TSA le 2 décembre, le groupe Cevital, expliquait pourquoi la justice avait tranché en sa faveur en première instance : « Le jugement dit qu’il y a deux experts indépendants qui ont prouvé qu’il s’agit d’un prototype, un équipement fabriqué exclusivement pour Cevital et que son prix déclaré correspond à sa valeur réelle. C’est une machine unique au monde. C’est une machine qui n’a pas de point de comparaison, comme le prouvent deux experts judiciaires. Sur quels éléments donc se base la Douane pour dire qu’il y a une possible surfacturation ? Le tribunal a d’ailleurs écarté la première expertise demandée par la Douane parce qu’elle était superficielle et imprécise ».
« Des accusations infondées »
Une troisième expertise devrait être ordonnée par la justice et c’est sur la base de ses conclusions qu’elle devrait trancher.
Le groupe Cevital avait dénoncé sur TSA « une main invisible ». « Pourquoi, c’était interrogé le groupe privé, ils ne veulent pas les libérer même avec une décision de justice, si ce n’est effectivement une main invisible qui est en train d’instrumentaliser la Douane pour saboter ce projet unique ? ».
« Ce sont des accusations infondées », réplique la Douane. « Il ne s’agit pas d’une affaire exceptionnelle, puisque le même bureau (la direction de Boumerdes) a traité plusieurs cas similaires en appliquant la même procédure. Nos services n’ont fait qu’appliquer la loi, abstraction faite de la qualité et du nom de l’opérateur. Pour ceux qui nous accusent de sabotage, nous disons que le sabotage c’est dans le transfert de capitaux qui nuit aux réserves de change du pays. L’administration des douanes ayant constaté plusieurs infractions de change au courant de l’année 2018. Le corps du délit en la matière en relation avec le commerce extérieur s’élève à 6.588.713.804,93 DA. D’ailleurs, la même société a fait l’objet de plusieurs contentieux auparavant ayant reconnu ses infractions et procédé à leur règlement par voie transactionnelle. La Douane a le devoir de faire face à de tels agissements. Dans tous les cas, c’est la justice qui tranchera », conclut la DGD.