De nouveaux éléments sur le piratage par le Maroc du téléphone du chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez et de plusieurs de ses ministres ont été révélés par le journal El Confidencial ce mardi 11 juillet.
Dans un article signé par le journaliste Ignacio Cembrero, de graves défaillances du système de sécurité espagnol sont mises en avant.
El Confidencial cite une ordonnance du juge espagnol chargé d’enquêter sur l’affaire Pegasus qui a archivé ce lundi le dossier faute de pouvoir identifier formellement les auteurs des piratages.
Néanmoins, l’ordonnance d’une dizaine de pages contient des révélations incroyables sur les failles de sécurité.
On y apprend notamment que le téléphone mobile du chef du gouvernement espagnol a été piraté à cinq reprises entre octobre 2020 et décembre 2021.
Celui de la ministre de la Défense Margarita Robles a été piraté quatre fois entre mai et octobre 2021 tandis que celui du ministre de l’Intérieur Fernando Grande Marlaska l’a été à deux reprises en juin de la même année.
L’ordonnance révèle également que le mobile du ministre de l’Agriculture Luis Planas a été victime de piratage une fois lui aussi, selon le même média.
Les cas n’ont été décelés qu’au mois d’avril 2022 selon la même source alors que les révélations de Forbidden Stories sur l’affaire Pegasus ont été faites en juillet 2021.
El Confidencial s’interroge sur le fait que les téléphones des membres du gouvernement espagnol n’aient pas été révisés malgré les informations sur le piratage de 200 mobiles en Espagne.
Pourtant, l’ex-ministre de la Défense Arrancha Gonzalez Laya avait assuré en juin 2022 qu’elle avait été victime d’écoutes téléphoniques de la part du Maroc.
Selon ses collaborateurs, les écoutes ont eu lieu une année auparavant. C’est ce qui est ressorti d’une révision de son téléphone faite au printemps 2021.
Scandale Pegasus : le Maroc accablé par les investigations
Si le juge espagnol responsable de l’enquête sur l’affaire Pegasus n’a pu identifier les auteurs des piratages, tous les indices mènent à une implication du Maroc.
En mai 2021, au même moment où quelques 2,57 GB de données étaient soustraites du mobile du chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, des milliers de migrants traversaient avec une facilité déconcertante les frontières entre le Maroc et l’enclave espagnole de Sebta, indique El Confidencial.
Le centre national d’intelligence a révélé, dans un rapport établi en mai 2021 divulgué par El País, que les autorités marocaines ont instruit les chauffeurs de taxis et propriétaires de moyen de transport de faciliter le déplacement des migrants vers la région de Sebta.
Les piratages de mobiles de responsables gouvernementaux espagnols ont servi à anticiper la réaction des autorités ibériques à l’affluence massive des migrants vers l’enclave de Sebta, selon El Confidencial.
Un autre indice favorise une implication du Maroc. Le piratage des téléphones des ministres Grande Marlaska et de Robles ont été effectués par le courrier électronique linakeller2023@gmail.com, un compte qui a été utilisé pour espionner des activistes pro-Polisario dont la Française Claude Mangin, épouse du militant sahraoui Naâma Safari qui purge une peine de prison de 30 ans dans les geôles du makhzen.
El Confidencial s’étonne de l’absence de réaction ferme de la part du gouvernement espagnol envers le Maroc.
Non seulement, l’Exécutif dirigé par Sánchez n’a pas le Maroc mais il a même tenté de le disculper par le biais de son ministre des Affaires étrangères Manuel Albares qui mène avec Sanchez une politique de rapprochement avec Rabat.
Madrid n’a également pas montré une fermeté vis-à-vis d’Israël, fabriquant du logiciel ayant servi au piratage de plusieurs membres de son gouvernement, dont le chef de l’Exécutif.
Ce n’est pas le cas de la France qui a exprimé son mécontentement vis-à-vis du Maroc. L’écrivain Tahar Benjelloun a révélé dernièrement l’échange téléphonique tendu entre le président français Emmanuel Macron et le Roi du Maroc Mohamed VI.
Le président Macron n’a pas également reçu le souverain marocain durant son long séjour en France, note El Confidencial. Paris a également mis fin à la collaboration entre les services secrets français et israéliens, selon la même source.
Le juge espagnole chargée de l’affaire Pegasus n’a pas reçu de réponses favorables à ses demandes de commission rogatoires en Israël qui a invité le gouvernement espagnol à s’y prendre par la voie diplomatique.
Cependant, les autorités espagnoles n’ont à aucun moment protesté devant leurs homologues israéliennes, ajoute El Confidencial citant des sources diplomatiques.
Si Israël n’est pas l’auteur de l’espionnage, la société israélienne NSO, fabricante du logiciel Pegasus, a été autorisée à exporter son produit au Maroc par le ministère de la Défense israélien, rappelle la même source.
Les révélations du journal El Confidencial ne manqueront pas d’alimenter les débats alors que la campagne électorale bat son plein en Espagne.
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