La Cour suprême des États-Unis a validé, mardi 26 juin, un décret du président américain Donald Trump, datant de septembre 2017, qui vise à interdire l’entrée aux États-Unis des ressortissants de 6 pays (le Yémen, la Syrie, la Libye, l’Iran, la Somalie et la Corée du Nord) au nom de la sécurité nationale.
Un décret antimusulman…
Sur les 9 juges de la Cour suprême américaine, 4 juges progressistes ont rejeté le décret alors que 5 autres juges conservateurs l’ont validé.
Dans un avis s’opposant au décret, rédigé par la juge Sonia Sotomayor, et auquel se sont associé les 3 autres juges progressistes, il est dit qu’un « observateur raisonnable conclurait que le décret était motivé par un préjugé antimusulman ».
Le président de la Cour suprême, John Roberts, à l’instar des autres juges conservateurs, a quant à lui estimé que « l’État a mis en avant une justification suffisante en termes de sécurité nationale » et que le président américain, qui a mis en exergue le risque que présentaient les « terroristes étrangers » pour les États-Unis, avait seulement fait usage de ses prérogatives en matière d’immigration.
Le décret avait été fortement décrié par une partie de l’opinion publique, des médias et de la classe politique aux États-Unis comme étant islamophobe, en raison du fait que la majorité des pays visés soient à majorité musulmane. Afin de parer à cette critique, Donald Trump et son administration y ajouté la Corée du nord…
Ce décret correspond à une promesse de campagne, mainte fois réitérée par Donald Trump, d’interdire l’accès au territoire américain aux personnes de confession musulmane.
D’ailleurs dès son entrée en fonction comme président en 2016, Donald Trump avait signé un décret similaire qui avait été bloqué par plusieurs juges et tribunaux fédéraux américains, jugeant cette mesure inconstitutionnelle.
La seconde mouture de ce décret avait également connu le même sort avant que la troisième ne soit validée par la Cour suprême des États-Unis.
Au-delà de son caractère manifestement antimusulman, ce décret constitue une violation flagrante des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, notamment ceux des réfugiés.
… contraire aux droits de l’Homme
Le décret de Donald Trump est en violation flagrante des dispositions de plusieurs instruments internationaux des droits de l’Homme, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR) et la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUCH), pour ne citer que celles-ci.
Concernant la CEDR, celle-ci dispose dans l’alinéa 1 de son article premier : « (…) l’expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. »
Premièrement, le simple fait que ce décret vise des personnes en raison de leur origine nationale, est en soi, une discrimination au sens de cette Convention.
Deuxièmement, parmi les 150 millions de ressortissants des 6 pays visés par ce décret, il pourrait bien y avoir des hommes ou des femmes d’affaires, des touristes, des artistes, des sportifs, des étudiants ou autres qui ne puissent plus se rendre aux États-Unis pour les besoins de leurs activités professionnelles, artistiques ou de leurs études, du seul fait de leur nationalité.
Cela constitue une atteinte flagrante à l’exercice de leurs droits fondamentaux dans les domaines politique, économique, social et culturel, comme visés par la CEDR.
Ensuite, l’alinéa 1.a de l’article 2 de la CEDR dispose que « chaque État partie s’engage à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation. »
Aussi bien la présidence des États-Unis en émettant un tel décret, que la Cour suprême américaine en le validant, rendant légal et légitimant une pratique discriminatoire fondée sur l’origine nationale.
Le décret anti-immigration du président américain viole aussi la source même de tout le corpus du droit international des droits de l’Homme, à savoir la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui dispose dans l’alinéa 1 de son article 13 que : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État ».
…et attentatoire aux droits des réfugiés
Mais ce qui est peut-être encore plus grave dans ce décret, est le fait qu’il viole les droits d’une catégorie autrement plus vulnérable, celle des réfugiés.
L’alinéa 1 de l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »
Le fait que les États-Unis interdisent l’entrée aux ressortissants de pays (le Yémen, la Syrie, la Libye, l’Iran, la Somalie et la Corée du Nord) où des violations des droits de l’Homme sont régulièrement commises, soit en raison de la nature des régimes en place ou du fait qu’ils soient en proie à des conflits, pose de graves problèmes quant au droit à l’asile.
En faisant cela, les Etats-Unis interdisent à toute personne ayant subi des persécutions dans leurs pays d’origine, au sens de la Convention relative au statut de réfugié (CSR), de faire une demande d’asile aux États-Unis, ce qui est une violation d’un droit de l’Homme universel et fondamental.