Donald Trump a annoncé, jeudi 22 mars, la nomination de John Bolton, ancien représentant des États-Unis à l’ONU sous George W. Bush, au poste de conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche en remplacement de H. R. McMaster. Il doit prendre ses fonctions début avril.
Si cette nomination inquiète à Washington et dans plusieurs capitales occidentales (Bolton défend une vision militariste de la politique étrangère américaine et s’est dit notamment favorable à l’usage de la force militaire contre la Corée du Nord et l’Iran), le retour aux affaires de ce diplomate conservateur pourrait provoquer des grincements de dents au Maroc.
Inquiétude au Maroc
John Bolton, le diplomate à la moustache, est loin d’être un inconnu pour Rabat. Bon connaisseur du dossier sahraoui, il a travaillé aux côtés d’un certain James Baker, ancien envoyé spécial de l’ex-secrétaire général des Nations unies (Koffi Annan) au Sahara occidental entre 2005 et 2006, à l’origine d’un plan de résolution du conflit avec le Maroc, accepté par le Front Polisario et l’Algérie comme base de négociations. L’initiative prévoyait la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, après une période d’auto-gouvernance sahraouie de cinq années.
« L’ancien diplomate n’a jamais caché sa proximité avec l’Algérie et le Polisario. Cet ancien représentant des États-Unis à l’ONU, du 1er août 2005 au 9 décembre 2006, s’était montré hostile aux intérêts du royaume. Il avait notamment défendu un élargissement du mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental et l’organisation d’un référendum d’autodétermination », réagit, à cette nomination, le site marocain Yabiladi.
L’année dernière, le nom de John Bolton avait circulé pour occuper le poste d’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara Occidental. « Le Polisario a toujours considéré la candidature de Bolton à l’ONU comme une lueur d’espoir pour leur cause. Ils ont été à ce titre déçus que le choix d’Antonio Guterres se fasse en faveur de l’Allemand Horst Köhler », note de son côté Le Desk. Pour rappel, Horst Köhler, ancien président allemand, a été nommé en août 2017 envoyé spécial pour le Sahara occidental par Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.
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Selon la revue américaine Foreign Policy, John Bolton partage, avec l’actuel président des États-Unis, « un mépris pour les accords internationaux » et « un dédain pour les organisations multilatérales telles que les Nations unies et l’Union européenne ».
Le Maroc avait d’abord accepté…
À la lecture d’un chapitre consacré au sujet dans son autobiographie (“La reddition n’est pas une option” parue en 2008), John Bolton décrit l’inertie de l’administration américaine et des Nations unies dans la gestion de la résolution du conflit au Sahara occidental.
« Un de mes objectifs, je l’ai suggéré, pouvait être finalement de mettre fin à l’opération de maintien de la paix de longue date en organisant le référendum sur le futur statut du Sahara occidental”, écrit le diplomate. À cette proposition, “il y eut des rires dans la pièce” qui “se révélèrent justifiés » puisqu’aucune issue favorable ne fut trouvée à son départ seize mois plus tard, confie John Bolton.
Dans cet ouvrage, le diplomate rappelle que le Maroc avait d’abord accepté un référendum avant de bloquer « les mesures nécessaires pour le mener, comme l’identification et l’inscription des électeurs ». « C’était un exemple clair des limites des opérations de maintien de la paix de l’ONU (…), à savoir qu’il n’y avait aucune chance de trouver une issue favorable si l’une des parties se refusait à coopérer ». Dans un tel cadre, « la Minurso semblait bien partie pour acquérir un statut éternel parce que personne n’était en mesure de savoir quoi en faire », écrit John Bolton.
“La bureaucratie du département d’État soutenue par le Conseil de sécurité nationale avec Elliot Abrams”, et convertie aux intérêts de Rabat, l’empêchera de mener à bien sa mission. « Ils ont accepté la ligne défendue par le Maroc selon laquelle l’indépendance du Sahara occidental – pour laquelle quasiment tout le monde pensait que les Sahraouis opteraient lors d’un référendum libre et équitable – déstabiliserait le Maroc et risquerait une prise de contrôle par des islamistes extrémistes », écrit John Bolton dans cet ouvrage.
« Je m’interrogeais sur ce qu’il était advenu du soutien de l’administration Bush à la “démocratie” dans l’ensemble du Moyen-Orient, mais il n’y avait aucun mystère sur le fait que la stabilité du roi Mohammed IV prédominait sur l’autodétermination », tance le diplomate.