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Europe : les raisons de la « tourismophobie »

Europe : les raisons de la « tourismophobie »

En juin, à l’approche de la saison estivale, la presse espagnole rapportait que plusieurs villes du pays voyaient de nouveau fleurir leur lot de manifestations « anti-touristes ».

Très médiatisée ces dernières semaines, cette « tourismophobie », qui concerne d’autres destinations très prisées comme la Croatie, l’Italie ou la France, n’est toutefois pas nouvelle. La maire de Barcelone, Ada Colau, a d’ailleurs été élue en 2015 grâce à l’une des mesures phares de son programme visant à freiner les dérives liées au tourisme de masse.

Car, si depuis la fin des années 1960, l’Espagne, et en particulier la Catalogne, a tout fait pour attirer les touristes, les habitants en subissent aujourd’hui le revers de la médaille. En 2014, les riverains de la Barceloneta, jadis quartier de pêcheurs désormais pris d’assaut l’été, s’indignaient du comportement des touristes et de ses conséquences : rues et plages sales, nuisances sonores.

Dans ce contexte déjà tendu, la menace terroriste en Tunisie (attentats du Bardo et de Sousse) et la situation sécuritaire et politique en Turquie (attentats à Istanbul, coup d’État manqué en juillet 2015), ont poussé un grand nombre de vacanciers à se rabattre sur le sud de l’Europe. Depuis deux ans, l’Espagne bat des records de fréquentation : 68,1 millions de touristes étrangers en 2015, puis 75 millions en 2016, selon les chiffres officiels.

Certes, cette attractivité touristique a permis de doper l’emploi saisonnier et de réduire le chômage, mais elle a aussi engendré une spéculation sur les prix des loyers dans les villes. Barcelone, qui totalise 8 millions de touristes, a par exemple vu les prix de l’immobilier grimper au point de rendre certains quartiers inaccessibles aux Barcelonais.

Pire : le nombre de logements destinés à la location estivale a rendu des quartiers entiers indisponibles, obligeant les locaux à se loger en périphérie, et provoquant dans le même temps la disparition progressive des commerces de proximité dans la deuxième ville d’Espagne.

Contrairement à ce que certains médias rapportent, la révolte contre ce tourisme de masse n’est pas uniquement le fait de militants anticapitalistes mais bien celle de simples riverains qui s’inquiètent du devenir de leur centre-ville.

La municipalité de Barcelone, qui estime que cette situation provoque une hémorragie dans le centre historique (il perdrait une centaine d’habitants par mois) a pris des mesures pour freiner cette fréquentation touristique et la spéculation. Elle a notamment interdit la construction de nouveaux hôtels dans le centre et traque les plateformes internet qui proposent des logements sans licences de tourisme.

Ce phénomène de désertification des centres-villes touche également Venise en Italie. « Nous sommes en train de devenir une ville que les gens viennent visiter, dont ils disent qu’elle est magnifique mais où personne ne vit », confiait en février dernier à l’AFP, Matteo Secchi, président d’une association qui s’inquiète des conséquences du tourisme de masse sur le quotidien des habitants. « Les Vénitiens ne sont pas contre les touristes. Il est juste que les touristes puissent visiter Venise mais il est aussi juste que ses habitants puissent y vivre. Le défi est de réussir à concilier ces deux mondes différents », tenait-il à préciser.

Encore peu relayée, cette même inquiétude gagne petit à petit l’Islande. Quasi inconnue il y a une dizaine d’années, l’île aux 340 000 habitants, située au nord de l’Europe, est désormais une destination à la mode, prisée des touristes. « En 2009, on en comptait un peu moins de 500 000. L’an dernier, 1,8 million. Et 2017 devrait connaître un nouveau record, évalué à plus de 2,2 millions », détaillait en juin un article du quotidien économique français Les Échos.

Il faut dire que l’île a bénéficié d’une conjonction de facteurs favorables : attractivité pour les touristes de la zone euro en raison de la dévaluation de sa monnaie après la crise de 2008, attentats en Europe obligeant les touristes à trouver une destination refuge, médiatisation par la série « Games of Thrones ». À cela, il faut également ajouter des tarifs aériens très attractifs.

Ce boom touristique n’est évidemment pas étranger à l’excellente santé économique qu’affiche l’Islande (7,2% de croissance en 2016) mais il engendre déjà ses effets pervers : hausse des prix des loyers dans la capitale, impact sur l’environnement. « Loin de Reykjavik, des hôtels sont construits à l’intérieur ou juste à côté de zones protégées. Le cas le plus discuté ces temps-ci concerne le lac Myvatn, dans le Nord, dont l’écosystème est endommagé par les eaux usées provenant d’hôtels bâtis là, en infraction de la loi », rapportait Les Échos en juin.

Dans un tel contexte, le gouvernement cherche à reprendre le contrôle sur cette vague touristique. En mars, il a annoncé une hausse de la TVA touristique (appliqué aux chambres d’hôtel, emplacements de camping, transports touristiques, etc) passant ainsi de 11% aujourd’hui à 22,5% à l’été 2018. De quoi freiner l’engouement des touristes et des professionnels du secteur.

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