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Exode des médecins algériens : « C’est une véritable hémorragie »

Exode des médecins algériens : « C’est une véritable hémorragie »

Mohamed Bekkat Berkani tire la sonnette d’alarme sur l’exode des médecins algériens vers l’étranger. Le président de l’Ordre national des médecins parle d’une « véritable hémorragie ».

«Nous assistons, actuellement, à une situation déplorable marquée par une véritable hémorragie. Le nombre de nos collègues jeunes médecins spécialistes qui partent pour s’installer à l’étranger, en particulier en Europe occidentale est énorme», a déclaré Le Dr Bekkat Berkani dans un entretien à la Chaîne III de la Radio algérienne ce dimanche 18 décembre.

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«Il y a énormément de départs. Il faut essayer d’offrir à ces médecins qui partent les conditions nécessaires afin de les garder dans notre pays. C’est dommage de former des médecins pour les autres pays», a déploré l’invité de la rédaction de la Chaîne 3.

«A l’ordre des médecins, nous sommes sollicités par des institutions étrangères pour délivrer des documents en tous genres pour qu’ils puissent intégrer un nombre énorme de nos confrères dans leur système de santé», révèle le Dr Berkani.

«Pour la seule région d’Alger, nous enregistrons une trentaine de demandes par semaine. C’est une véritable hémorragie à laquelle il faut absolument y mettre fin. Sinon, nous allons nous retrouver comme des arrières boutiques de ces pays étrangers qui auront des médecins à moindre coût, et qui vivront sur les formations dispensées dans nos universités. Les médecins algériens reçoivent une formation assez solide», poursuit-il.

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«La meilleure solution est de leur offrir des conditions socio-professionnelles acceptables. Il faut qu’ils aient des moyens de diagnostic modernes et performants. Les jeunes fraîchement diplômés doivent avoir des assurances concernant leur parcours professionnel», plaide-t-il.

L’Algérie, un pays exportateur de médecins

Dans la foulée, le président de l’Ordre national des médecins praticiens s’exprime sur les difficultés que vivent certains patients algériens qui «sont contraints de s’endetter et de vendre leurs biens pour aller se faire soigner à l’étranger, notamment en Tunisie et en Turquie».

«Paradoxalement, l’Algérie est un pays exportateur de médecins. C’est une situation absolument anormale», critique-t-il.

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Comment l’Algérie est-elle passée d’une position de leader des pays arabes, à une régression du système de santé avec des malades algériens qui se retrouvent contraints de voyager à l’étranger pour se faire soigner ?

À cette question posée par la journaliste Souhila Lhachemi , le Dr Bekkat Berkani a donné cette réponse : «C’est une situation de médiocrité collective. On a laissé faire les choses depuis des années. On n’a pas donné d’importance à l’hôpital public. Le problème de fond est lié à la mauvaise gestion. Il ne faut pas jeter la pierre sur les pouvoirs publics qui ont toujours mis les moyens financiers nécessaires. On n’a pas intéressé le personnel au moment où il le fallait. Ceci a donné une situation de médiocrité avec comme conséquence une fuite de cerveaux vers l’étranger».

Invité à donner son avis sur la réalisation d’hôpitaux en Algérie avec des partenaires étrangers notamment qataris et allemands, l’invité de la rédaction a estimé que «l’État algérien doit trouver une solution nationale pour une meilleure offre de soins. »

« Il faut construire des hôpitaux dignes de ce nom, en particulier dans les zones d’ombres, et garantir une répartition équitable du personnel médical et paramédical à travers tout le territoire national et équiper les structures de soins en matériel moderne», a-t-il ajouté.

«Ensuite, poursuit-il, la coopération internationale est la cerise sur le gâteau. Il faut aussi conférer un statut à ces établissements réalisés en partenariat avec les étrangers. S’ils seront dotés d’un statut privé, les dépenses seront lourdes pour les ménages. Est-ce que les frais médicaux dans ces hôpitaux seront remboursés par la sécurité sociale ? C’est intéressant d’avoir de telles structures internationales, mais pas à n’importe quel prix. Il faut avant tout, compter sur les ressources nationales», développe le Dr Berkani.

L’état des hôpitaux algériens laisse à désirer

Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune a commandé un rapport au ministre de la Santé, qui devra établir l’état des lieux qui prévaut dans le secteur public.

«Force est de constater que les hôpitaux ne donnent pas les résultats escomptés et ne satisfont pas en général les citoyens, et ce, malgré les grands moyens budgétaires mobilisés par les autorités. L’état des hôpitaux laisse à désirer. Il faut aussi accélérer la réalisation des nouveaux projets d’hôpitaux et rénover ce qui peut l’être comme infrastructures qu’il faut équiper et moderniser», souligne l’invité de la rédaction.

Sur sa lancée, ce dernier déplore le fait qu’«il y ait des hôpitaux construits dans les années 1980 et des équipements qui tombent souvent en panne». «Il faut ouvrir une large concertation pour trouver des solutions à court, à moyen et à long terme», propose-t-il.

Le président de l’Ordre national des médecins praticiens évoque un volet qui constitue à ses yeux «une importance capitale» : «Il y a des efforts à faire en matière de formation de personnel à travers le territoire national».

Le Dr Bekkat Berkani a abordé également des disparités en matière de l’accès aux soins en Algérie : «Tous les moyens sont concentrés dans les grandes villes au détriment des zones d’ombre. Il faut établir un équilibre d’accès aux soins pour la population à travers tout le territoire national».

«Les polycliniques implantées dans les quartiers et les villages doivent prendre en charge les pathologies communes pour éviter de surcharger les hôpitaux en particulier les CHU. Cela passe par la nécessité de doter ces polycliniques des moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Il y a des hôpitaux qui reçoivent des malades de tout le territoire national. Il faut soulager les grands hôpitaux d’Annaba, d’Alger et d’Oran», poursuit-il.

Et d’ajouter : «un hôpital ne doit pas être un fourre-tout. Il faut aller vers la spécialisation des établissements pour une meilleure prise en charge.»

Interrogé sur la nécessité de la révision du service civil, le Dr Bekkat Berkani a estimé que «depuis sa création, ce système n’a pas donné les résultats escomptés. »

« Il faudra trouver d’autres moyens pour pouvoir doter les zones d’ombre en personnel médical. Etant donné que la contrainte n’a jamais rien donné, les postes à pourvoir doivent être bien acceptés par les médecins qui devront être volontaires pour qu’ils soient pleinement productifs».

Une nomenclature de remboursement obsolète 

L’invité de la rédaction a évoqué le volet de la sécurité sociale. «La nomenclature de remboursement des prestations de soins et des médicaments n’a pas évolué depuis une dizaine d’années. Le privé assure des prestations à des tarifs prohibitifs qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale», regrette-t-il.

«La sécurité sociale doit être placée sous la tutelle du ministère de la santé pour éviter des conflits de compétences. Il est temps d’arrêter cette dualité», tranche-t-il.

Qu’est-ce qui freine le vieux projet de la contractualisation ? «On en parle depuis des années, mais ce dispositif n’est pas appliqué. Il faut discuter avec les cliniques privées pour réussir à mettre en place la contractualisation. Les tarifs dans le privé sont prohibitifs. On ne peut pas rembourser une intervention chirurgicale qui coûte des dizaines de millions de dinars», répond-il.

«La sécurité sociale a un équilibre à respecter. À chaque fois qu’il y a un changement de titulaire d’un poste sensible, il y a une remise en question de la réflexion. Il faut s’attaquer à tous ces dossiers par la discussion», précise le Dr Bekkat Berkani.

Autre volet abordé par le Dr Bekkat Berkani : l’industrie pharmaceutique algérienne. «La production nationale est à près de 70% de satisfaction des besoins du pays en médicaments. Il y a toujours des lobbies qui freinent les choses pour leurs propres intérêts. Il y a des manques en médicaments sur le marché national. C’est une réalité. Nous avons, par exemple, des difficultés à fabriquer des médicaments dédiés à l’oncologie. Ce sont des molécules qui coûtent cher et qui ont des process techniques que nous n’avons pas. Il faut encourager les producteurs à acquérir des process innovants», propose le Dr Berkani.

Invité à expliquer la réticence de certains médecins à prescrire des médicaments génériques produits en Algérie, le président de l’Ordre national des médecins praticiens a expliqué qu’«il y a actuellement un manque de communication concernant la pharmacopée. »

« La sécurité sociale doit encourager les praticiens à pratiquer une prescription économe. Ceci passe par des rabattements et des incitations». Enfin, le Dr Bekkat Berkani a approuvé la décision des autorités de «déclarer la guerre aux compléments alimentaires, secteur marqué par une publicité mensongère». «C’est un grand chantier qu’il faut aborder avec l’implication de tous», conclut-il.

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