Société

Exode des médecins algériens : « Il y a un « canal » principal vers la France »

L’Algérie envisage de recourir à l’importation de médecins pour réduire la facture des transferts de malades pour des soins dans les hôpitaux étrangers. C’est le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid qui l’a dit mardi 2 mars.

Cette annonce relance le débat sur l’exode des médecins algériens, faute de mesures incitatives dans leur pays. Il aurait été plus raisonnable pour le gouvernement d’annoncer un vaste plan afin d’inciter les compétences algériennes à ne pas quitter le pays.

« On ne peut pas empêcher ces médecins de partir en l’absence de mesures incitatives, les médecins algériens sont plus mal payés que leurs homologues marocains et tunisiens. Dans de telles conditions, c’est très difficile de les retenir », regrette le Pr Mostefa Khiati, président de la Fondation pour la recherche médicale (Forem), dans une déclaration à TSA.

« On a vu la gestion des revendications des médecins résidents et comment ils ont été tabassés (en 2018, les protestations des médecins résidents ont été violemment réprimées, ndlr). Il y a eu presque un millier de médecins qui sont partis (à l’étranger) », rappelle le Pr Khiati qui fait un constat cinglant sur l’envie de départ à la moindre occasion pour les praticiens fraîchement diplômés.

« Il y a un « canal » principal vers la France »

« Aujourd’hui, la seule idée dans la tête d’un médecin qui termine son cursus, c’est de partir », relève le président de la Forem qui appelle à entreprendre des mesures incitatives et d’encouragement en vue de maintenir ces compétences. « Cela passe notamment par l’amélioration des conditions de travail », explique Mostefa Khiati.

Du coup, l’on se pose la question de savoir s’il n’est pas plus économique pour l’État d’importer des médecins ou d’encourager les médecins algériens à rester en Algérie ?

Pour le Pr Khiati les deux mesures sont « complémentaires ». Il considère qu’il faut améliorer les conditions de travail des praticiens et leur permettre de s’épanouir, et d’un autre côté, faire appel à des compétences y compris algériennes basées à l’étranger, qui maîtrisent des techniques qui ne sont pas accessibles dans le pays.

« On sait aujourd’hui qu’il y a un grand problème de transfert de technologie, peut-être que les compétences algériennes à l’étranger sont-elles habilitées à transmettre ce savoir-là », interroge le professeur en pédiatrie.

« Le problème de l’émigration des « cerveaux » (…) s’apparente chez nous à une véritable hémorragie de médecins. Je peux personnellement témoigner qu’il y a un « canal » principal vers la France, pays francophone, mais aussi vers les pays du Golfe et anglo-saxons notamment les États-Unis », souligne à TSA, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil de l’ordre des médecins.

Selon lui, ils seraient entre 500 à 1 000 médecins algériens à s’exiler annuellement, notamment en France où le Conseil de l’ordre des médecins français recense 15 000 médecins algériens.

Face à ces chiffres alarmants, le Dr Bekkat Berkani appelle « à prendre à bras le corps » ce fléau qui fait de l’Algérie un pays pourvoyeur de compétences pour le compte des pays étrangers.

Pour autant, tout n’est pas perdu, semble suggérer le Dr Bekkat Berkani. Il formule le souhait de voir les autorités entreprendre des démarches en vue d’intéresser les compétences médicales parmi la diaspora et les encourager à venir prêter main forte à leurs compatriotes.

Et pourquoi pas avec un transfert de savoir. « Pour faire évoluer le niveau médical en Algérie, il est intéressant de faire appel aux médecins algériens établis à l’étranger ou des étrangers pour des opérations spot (missions médicales de courte durée), mais il serait plus intéressant de garder nos jeunes médecins », estime le Dr Bekkat Berkani.

| Lire aussi : Soins à l’étranger et importation de médecins : les critiques du Pr Bouzid

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