Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), le Dr Lyes Merabet, a révélé samedi 5 février dernier que « 1200 médecins algériens s’apprêtent à quitter le pays pour s’installer en France ».
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Le professeur Reda Djidjik, chef du service d’immunologie au CHU de Beni Messous (Alger) se dit « surpris » par cette information. Pour lui, ces médecins « ont trouvé ailleurs ce qu’ils n’ont pas dans leur pays ». Entretien.
Quelle lecture faites-vous de la situation épidémiologique en Algérie ?
Actuellement, la situation épidémiologique est rassurante. Nous avons entamé la décrue de cette quatrième vague. J’espère que cela va se confirmer dans les prochains jours et qu’il y aura de moins en moins de cas.
Mais je dis qu’il faut rester prudent. On peut avoir des phénomènes rebonds, des redémarrages à la hausse ou une stabilisation des cas. Tout ceci est peut-être dû à ces nouveaux variants qui apparaissent chaque jour. L’Omicron a fait des petites, BA.2, BA.3, qui peuvent ralentir cette décrue et la faire redémarrer. Restons prudents. Ne lâchons pas les moyens de protection, les protocoles sanitaires et, surtout la vaccination. Il faut rester prudent en ce qui concerne la pandémie Covid-19.
Avec Omicron, pouvons-nous espérer atteindre l’immunité collective ?
Au vu de ses caractéristiques de transmission, nous avons vu son démarrage en Afrique du Sud et qui en quelques jours a atteint toute l’Europe, et avec le BA.2 qui prend le relais, aujourd’hui, quasiment toute la planète est touchée.
Il est moins virulent donc il y a moins de cas graves, de morts et de réanimation. Ceci, peut-être, va permettre d’immuniser une grande partie de la population sur cette planète et arriver à ce que l’on voulait depuis longtemps à savoir une certaine immunité collective, ralentir la transmission de virus, et probablement assister, espérons, à la fin de cette pandémie de Covid-19.
Faut-il continuer à se faire vacciner contre le Covid-19 ?
Bien sûr. C’est le seul garant de la stabilisation ou du contrôle de cette pandémie. Nous avons vu dans certains pays où la population est vaccinée à des taux importants, il y a eu un très bon contrôle de la pandémie. A titre d’exemple, en France, il y a eu 500.000 nouveaux cas chaque jour, mais il n’y a pas eu de catastrophe. Ils n’ont pas fermé les écoles. Ils n’ont rien fait. Ils ont continué à vivre. Il y a eu moins de pression sur les hôpitaux.
Je pense sincèrement que ce n’est pas juste la virulence du virus qui a joué un rôle et qui est impliquée dans cela, mais la vaccination aussi a joué un grand rôle pour ne pas avoir des formes graves de Covid-19.
Quel est le risque aujourd’hui de ne pas se faire vacciner?
Tous les travaux ont démontré, y compris des publications américaines, que les personnes vaccinées, surtout avec trois doses, ont une immunité protectrice surtout contre les variants, et particulièrement contre le variant Omicron.
Les malades qui sont hospitalisés ce sont des personnes qui ne se sont pas fait vacciner et qui n’ont pas fait la troisième dose. Les malades qui meurent et qui sont en réanimation sont les malades non vaccinées aussi.
J’ai vu des chiffres relatifs à l’Algérie. Sur cette dernière vague, sur 5000 malades hospitalisés dans les hôpitaux du pays, pratiquement 80% n’étaient pas vaccinés. 100% des personnes intubées n’étaient pas vaccinées et 96% des décès en Algérie durant cette quatrième vague n’étaient pas vaccinées. C’est une illustration démonstrative très claire qui permet de démontrer l’intérêt de la vaccination contre le Covid-19.
Au vu de la décrue de la 4e vague en Algérie, faut-il maintenir les dispositifs en vigueur au sein des structures de santé ?
Oui. Toutes les institutions et les ministères dans le pays ont établi des protocoles sanitaires, que ce soit le ministre de l’Education, de l’Enseignement supérieur ou de la Santé. Il faut respecter les protocoles sanitaires pour éviter la circulation du virus et essayer de contrôler un peu cette pandémie.
Le personnel de santé a été particulièrement touché par la dernière vague de contaminations. Pourquoi ?
Cela est dû à l’Omicron. Et ça ne concerne pas uniquement le personnel médical. Il y a eu des dizaines de milliers, voire même des centaines de milliers de personnes contaminées par ce variant, comme on l’a vu en Europe.
Ceci a paralysé le fonctionnement des institutions y compris les hôpitaux. Nous avons eu beaucoup de malades au niveau du personnel de la santé. Heureusement que ces malades étaient contaminés par vagues.
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C’est ce qui a permis de faire fonctionner les hôpitaux et les institutions. Il y avait un phénomène de vague. Chaque semaine, il y avait une vague de malades. Quand, un malade récupérait, un autre tombait malade. Heureusement que nous avons eu ce phénomène de vagues qui a permis de faire fonctionner les hôpitaux et les institutions.
1200 médecins algériens s’apprêtent à quitter l’Algérie pour s’installer en France. Quelles sont, selon vous, les raisons de cet exode ?
Le constat est amer. C’est malheureux. Je suis surpris, comme tous les Algériens, d’apprendre que 1200 spécialistes quittent le pays. Malheureusement, c’est un constat amer, c’est un constat d’échec. Ils ont trouvé ailleurs ce qu’ils n’ont pas dans leur pays.
Qu’est-ce que les médecins algériens trouvent à l’étranger qu’ils n’ont pas en Algérie ?
Il faut aller dans des analyses un peu profondes. Cela demanderait une analyse profonde pour pouvoir dire exactement pourquoi nos jeunes quittent notre pays pour aller faire le bonheur d’autre pays.
Quelle est la solution, selon vous, pour stopper cet exode et retenir nos médecins en Algérie ?
C’est une crise multidimensionnelle. Il n’y a pas qu’un seul ou deux éléments. Il faudrait revoir un peu tout notre système pour attirer et laisser nos spécialistes et nos universitaires dans notre pays. Il faudrait lancer une réflexion assez générale et globale pour pouvoir garder nos spécialistes, de manière générale, ainsi que nos universitaires et nos intellectuels dans le pays.