Une très forte explosion a secoué la capitale libanaise ce mardi 4 août. Une explosion d’une intensité comme Beyrouth n’en avait pas connu même au cours de la guerre civile qui l’avait déchirée pendant 15 ans, entre 1975 et 1989.
Elle aurait été ressentie même par les habitants de Chypre, à 230 kilomètres, selon le centre sismologique américain.
Plusieurs heures après le drame, on ne connait pas avec exactitude son origine ni son bilan. Des officiels libanais ont parlé de produits pyrotechniques qui ont pris feu dans l’enceinte du port de la ville, d’autres d’explosifs saisis depuis longtemps et entreposés sur les mêmes lieux.
Toute la zone du port a été touchée et, selon des témoignages, des milliers de logements ont été plus ou moins gravement touchés, avec des portes défoncés, des vitres brisées.
La ville est déclarée sinistrée immédiatement après et une journée de deuil national, demain mercredi, est décrétée. Pour les victimes, le chiffre de dix morts a été avancé environ deux heures après l’explosion, mais beaucoup devinent déjà que le bilan sera très lourd.
Petite indication, le gouvernement a donné l’ordre d’évacuer les blessés vers les hôpitaux des villes voisines, ceux de Beyrouth étant saturés. Un premier bilan officiel publié peut après 20h00 fait état de 30 morts et 2500 blessés.
La catastrophe frappe de plein fouet un pays déjà durement éprouvé par une grave crise économique, compliquée par la pandémie de Covid-19 et doublée d’une crise politique dont le pays a l’habitude.
Sur le plan économique, le pays est au bord du gouffre. Les réserves de change sont au plus bas, la monnaie locale, la Livre libanaise, a n’a presque plus de valeur sur le marché parallèle (1500 livres avant la crise, 8000 actuellement), le pouvoir d’achat a chuté et les Libanais ont plongé dans le chômage et la pauvreté.
La moitié de la population qui ne peut plus faire face aux dépenses quotidiennes de l’alimentation et 20 % de Libanais vivent sous le seuil d’extrême pauvreté, selon les données de la Banque mondiale.
Chaque jour, le Liban s’enfonce davantage dans la pauvreté. En mars dernier, le pays s’est déclaré en cessation de paiement en annonçant ne pas pouvoir payer ses dettes arrivées à échéances.
Au plan politique, la contestation de rue qui a fait tomber le Premier ministre Saâd Hariri en octobre 2019, a repris en juin après une pause imposée par la crise de Covid-19, qui n’a pas épargné le pays.
Les frictions politiques dans ce pays du Moyen-Orient n’en finissent pas. Pas plus tard qu’hier, soit la veille de cette énorme explosion, le ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, annonçait sa démission, déplorant « l’absence d’une réelle volonté pour entreprendre une réforme structurelle et totale » afin de juguler la crise économique et sociale.
L’explosion mystérieuse survient aussi à quelques jours d’un autre événement politique important : le verdict du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) sur l’affaire de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en 2005 devrait être rendu ce vendredi 7 août à La Haye (Pays-Bas).
Quatre suspects, présumés membres du Hezbollah, sont jugés par contumace, le parti ayant toujours refusé de les livrer. Aucun lien n’est établi pour l’heure entre l’explosion et les événements en cours dans le pays, mais s’agissant du Liban, un pays multiconfessionnel et aux équilibres politiques très précaires et aux tensions permanentes, aucune piste ne doit être écartée, même si, pour le moment, c’est celle de l’accident qui est privilégiée.