Économie

Export de bovins : les éleveurs français guettent la réouverture du marché algérien

Traditionnellement l’activité d’exportation de jeunes bovins du port de Sète est assurée pour 80 % par des expéditions vers l’Algérie. Suite à l’arrêt par l’Algérie des importations d’animaux pour des considérations sanitaires en septembre 2023, les professionnels français sont désespérés.

Depuis l’apparition en France de nombreux cas de la maladie hémorragique épizootique (MHE), les services vétérinaires algériens ont demandé en septembre dernier l’arrêt de l’entrée en Algérie de bovins français.

Or, le marché algérien représente une part considérable des expéditions d’animaux français hors de l’Union européenne (UE). En 2022, ce sont 100.000 bovins qui ont transité par le port de Sète.

« Nos amis Algériens font le maximum »

Une lueur d’espoir est récemment venue de Tunisie. En ce début juin, 800 jeunes bovins ont été expédiés vers ce pays à partir du port de Sète. Des animaux dont le prix varie entre 1.200 et 1.400 euros et déclarés indemnes de MHE. Afin de parer à tout risque d’apparition de la maladie, les animaux ont été désinfectés afin d’éviter d’éventuelles piqûres de la part des moucherons piqueurs qui transmettent la maladie.

La MHE est rarement mortelle mais elle réduit la croissance des animaux ainsi que la production de lait.

Avec le premier cheptel au niveau de l’UE, le nombre de veaux nés en France est important et les éleveurs français ne peuvent garder tous les veaux. Une fois sevrés et mis au pâturage à l’herbe, les animaux appelés « broutards » atteignant 340 kilos sont vendus pour l’engraissement en Italie, en Espagne ou en Algérie.

Pour parer à la perte du marché algérien, les éleveurs français se sont retournés vers leurs clients italiens. Mais comme l’affirme un professionnel français : « Les pays hors-UE achètent généralement les bêtes plus cher ».

L’arrêt des importations algériennes a porté un coup dur à la filière française qui s’est tournée vers d’autres débouchés : Turquie, Israël et Liban. Mais ces ventes ne peuvent pas remplacer celles à destination du marché algérien.

Laurent Trémoulet le directeur de cette Société d’exploitation du parc à bestiaux (Sepab) confie qu’auparavant « ce sont 2 à 3 bateaux qui partaient chaque semaine du port de Sète contre un tous les dix jours actuellement », a rapporté le journal Le Marin lundi. Le bâtiment, qui peut accueillir jusqu’à 1.300 animaux, est le plus souvent vide.

« Les importateurs algériens sont très demandeurs »

Philippe Malagola, le directeur du port de Sète confie au même média : « Nos amis Algériens font le maximum ». Il s’agit selon lui de régler des « questions administratives, d’organisation interne ». « Les importateurs algériens sont très demandeurs », selon lui.

C’est qu’en effet, si les bâtiments de la Sepab sont le plus souvent déserts, c’est également le cas en Algérie chez les propriétaires de lazarets et les éleveurs spécialisés dans l’engraissement.

En décembre 2023, Miloud Bouadis, le patron du Conseil professionnel commun de la filière viande rouge et éleveur spécialisé dans l’engraissement de veaux, ne décolérait pas.

« D’habitude nous nous préparons au Ramadan en anticipant le démarrage de l’engraissement de jeunes veaux pour qu’ils soient prêts à cette date-là et que la viande soit disponible », disait-il à Ennahar TV en montrant des étables vides.

Il indiquait qu’il y avait un danger pour une filière qui avait investi dans ce type d’activité et qui se voyait fragilisée.

Il avertissait à l’époque : « Nous le déclarons officiellement : il n’y aura pas de veaux engraissés pour le Ramadan » et expliquait le pourquoi : « Il reste 4 mois avant le ramadan, or pour engraisser un veau il faut 5 à 6 mois ».

C’est la viande en provenance du Brésil, qui a permis l’approvisionnement du marché algérien durant le mois de Ramadan 2024.

Côté français, les professionnels espèrent la réouverture des frontières algériennes pour leurs bovins et tablent sur le Ramadan de 2025.

C’est le cas de Maximin Bonnet de l’Institut français de l’élevage, qui explique à l’AFP que les envois vers l’Algérie « sont assez dynamiques en fin d’année ».

Une réouverture du marché algérien au quatrième trimestre 2024 pourrait laisser le temps pour engraisser les broutards importés et les faire passer de 340 kg à plus de 500 kg pour le prochain mois de Ramadan prévu en février-mars 2025.

Le cheptel algérien ne produit pas assez de veaux mâles à engraisser. En 2023, la sécheresse a même provoqué une décapitalisation. Face à la hausse du prix des fourrages, certains éleveurs ont mené leurs vaches à l’abattoir. Une pratique formellement interdite par les services du ministère de l’Agriculture et du Développement rural.

Le développement de l’insémination artificielle au niveau du Centre national d’insémination artificielle et d’amélioration génétique (Ceniag) et le développement prévu en matière de transfert d’embryons avec des partenaires américains pourraient permettre de choisir le sexe des animaux à naître. Mais face au déficit en matière de génisses, ce pourrait être les animaux de sexes femelles qui aient la priorité.

En Algérie, l’alternative pourrait être alors de recourir à l’importation de jeunes veaux non encore sevrés comme cela se pratique en Espagne. Une pratique qui réduit les coûts mais qui nécessite des élevages spécialisés ainsi que les fourrages nécessaires à la croissance des animaux.

Or comme le notent des spécialistes français à propos des broutards : « L’Espagne s’est distinguée par ses achats de broutards lourds français début 2023 ». Sur le premier trimestre, ce sont surtout des animaux de plus de 300 kg qui ont été importés par l’Espagne.

En cause, la sécheresse qui a frappé ce pays et le manque de fourrage qui s’en est suivi. Pour l’Espagne, importer des animaux plus lourds permet de profiter des fourrages produits par le pays d’origine : la France qui n’a pas été affectée par la sécheresse.

Export de bovins : le bien-être animal risque d’alourdir la facture

Un autre aspect concerne le « bien-être animal ». Des associations françaises demandent l’interdiction du transport d’animaux par bateaux pour cause de maltraitance.

Aussi, comme le note Le Marin, une publication spécialisée dans le domaine du transport maritime : « La Commission européenne propose de durcir les exigences à l’égard des navires et de prévoir la présence à bord d’un responsable du bien-être animal ».

Une telle décision pourrait renchérir considérablement le coût du transport qui se fait actuellement sur des bateaux âgés et ne répondant pas aux normes.

Les interrogations concernant l’arrêt provisoire des importations par l’Algérie de jeunes bovins à engraisser mettent en lumière les énormes défis que doit relever la filière bovine locale.

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