Le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, revient dans cet entretien sur les obstacles à l’exportation.
Un projet de révision de la réglementation des changes est en cours d’élaboration par la Banque d’Algérie. Est-ce la fin du calvaire des exportateurs ?
Pas du tout. Personne n’a compris ce dispositif, ce qui prouve qu’il a été élaboré dans la précipitation. On parle de services numériques mais on ne parle pas de prestataires de services.
On évoque les services numériques, c’est-à-dire la vente en ligne (ventes d’applications en ligne). Qui est ciblé par ce dispositif ? Vise-t-on les exportations de manière générale ou on les réduit seulement aux services numériques ? L’annonce de cette révision n’a pas été comprise même des spécialistes.
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Le PDG de la Caisse d’assurance des exportations (Cagex), Djilali Tariket, a critiqué le maintien du dispositif dans sa globalité. Quel est votre point de vue ?
Le nouveau dispositif prévoit une chose. À savoir accorder 100 % des devises pour l’exportateur pour l’achat des matières premières, tel que ça a été proposé dans le cadre de la stratégie nationale des exportations.
Je pense que cette proposition va être imposée. On revient carrément en arrière. Actuellement l’exportateur bénéficie d’une rétrocession de devise de 50 % dont 20 % laissés à sa libre discrétion. Où se situe l’avantage ? Les concepteurs de la réforme disent qu’il est dans la parité de change. C’est-à-dire qu’en donnant 100 % des devises pour acheter les matières premières, l’avantage est dans la parité de change.
Pour les exportateurs, c’est un retour en arrière. La rétrocession de 100 % est bénéfique pour les services, mais pas pour le reste, pourquoi cette discrimination ?
Un exportateur qui élabore un produit, le transforme, s’assure de la conformité aux normes en plus de la prise de risque, lui par contre ne reçoit presque rien. Un exportateur des dattes exporte et n’importe rien. Autrement dit, le dispositif ne répond pas à beaucoup de questionnements.
Quelle sont vos propositions dans ce cas ?
Nous avons fait des propositions dans le sens du partage de la valeur ajoutée. Si j’exporte un produit agricole, je partage à 50/50 les rentrées en devises avec l’État.
À condition qu’on laisse les exportateurs utiliser librement leurs devises. Pour utiliser son compte devises de 20 % on doit présenter un justificatif. Je n’ai pas en tant qu’exportateur à donner de justificatifs.
Par ailleurs, on voit des pays en train de se bousculer pour investir en Afrique sauf l’Algérie. Des pays sont en train de mettre en place des stratégies pour investir, mais pas chez nous. Or, soit on investit soit on disparaît…
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Pendant ce temps, l’épée de Damoclès que représente la criminalisation du retard dans le rapatriement des devises issues de l’exportation demeure suspendue au-dessus des exportateurs…
Bien entendu. Nous attendions qu’il y ait une modification dans ce sens pour mettre à l’abri les exportateurs assurés par la Cagex (Caisse de garantie à l’export), mais cet aspect n’a pas été pris en charge.
Les exportateurs ont une seule demande que je résume ainsi : « Faites-nous confiance et intéressez-nous ». Parce qu’il n’y a pas d’export sans les exportateurs.
On veut exporter 4 à 5 milliards de dollars par an, parlez avec l’exportateur et voyez sa demande ! Mettez de l’intelligence dans la prise des décisions. On criminalise le retard dans le rapatriement des devises, parce qu’on considère qu’un défaut de rapatriement de 2 000 dollars comme une fuite de capitaux.
Or, cela n’a aucun sens. En tant qu’exportateur je perds mon argent et ma marchandise, où est le préjudice pour l’État ? L’accessibilité à la devise pour l’import ne pose aucun problème.
Les exportateurs peuvent perdre de l’argent et en même temps ils risquent la prison. La Cagex c’est l’État qui l’a créée en 1996 pour assurer et rassurer l’exportateur algérien et œuvrer à le rétablir dans ses droits.
Or, on ne comprend pas pourquoi la Cagex n’est pas reconnue par la justice. Un exportateur assuré Cagex c’est la preuve de sa bonne foi. C’est un non-sens que de constater que l’État ne reconnaît pas une assurance qu’il a lui-même créée !
Et on est plombé par l’ordonnance 03/01 instituée suite à l’affaire Khalifa, stipulant que toute bonne foi ne saurait être retenue.
Si l’État a réellement cette intention d’aller vers l’exportation, elle est d’abord l’affaire des exportateurs. Ces derniers ont des problèmes et des contraintes et c’est à l’État de les lever.