Les exportations algériennes de ciment ont connu une très forte hausse de plus de 251% durant les neuf premiers mois de l’année en cours. Les nombreuses cimenteries en activité ont exporté pour 50 millions de dollars. Lors des sept premiers mois, la hausse par rapport à la même période de l’année 2018 étaient de 743%.
Des taux qui peuvent être perçus comme des prouesses de la filière, puisque, il n’y a pas longtemps, l’Algérie était un importateur net de ciment. Vu sous un autre angle, cette quantité est dérisoire par rapport aux volumes produits : plus de 40 millions de tonnes, quasiment le double des besoins du pays.
On est donc toujours loin des prévisions du gouvernement et des opérateurs qui tablent sur 400 millions de dollars d’exportations en 2021. C’est dans cette optique que le développement de la filière avait été décidé il y a quelques années.
La stratégie retenue par le ministère de l’Industrie alors dirigé par Abdeslam Bouchouareb (2014-2017) était de produire localement les marchandises qui alourdissaient la facture des importations, dont les véhicules et le ciment, avec l’objectif de couvrir les besoins du marché interne et d’exporter le surplus.
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Si le premier objectif de la stratégie a été atteint, du moins pour le ciment, le second, c’est-à-dire l’exportation de l’excédent de production, attend toujours.
Les besoins du marché étaient déjà couverts dès 2017 avec une production de 25 millions de tonnes. En mars de la même année, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait vu la saturation venir, décrétant la fin des autorisations pour l’ouverture des cimenteries. Mais l’entrée en service de celles déjà en construction allait mettre sur le marché des quantités supplémentaires que le circuit d’exportation aura de la peine à absorber.
En mars 2018, Lafarge-Holcim annonçait la réévaluation de la valeur réelle de ses activités en Algérie et d’autres pays. « La rentabilité en Algérie a diminué au second semestre (2017), en raison d’une demande de ciment plus faible et du passage d’un marché en rupture de stock à un environnement où l’offre est excédentaire », expliquait le groupe franco-suisse, l’un des acteurs majeurs de la production de ciment en Algérie aux côtés du groupe public GICA.
A l’époque, les prévisions annonçaient une production de 11,1 millions de tonnes/an en 2020 pour le seul Lafarge-Holcim. « Si l’un des leaders mondiaux de la filière, qui dispose naturellement d’un vaste réseau de distribution, ressent les effets néfastes de la forte concurrence, qu’en sera-t-il pour les cimenteries publiques lorsque toutes les unités en chantier déverseront des millions de tonnes supplémentaires sur le marché ? », s’étaient alors inquiétés les observateurs.
La conjoncture de crise économique, qui frappe particulièrement le secteur du BTPH, ne laisse d’autre choix aux cimentiers que de se tourner vers l’export.
La première opération d’exportation a été réalisée en décembre 2017 par Lafarge qui a expédié 16 000 tonnes vers l’Afrique de l’Ouest à partir du port d’Arzew, près d’Oran.
D’autres opérations d’exportation seront annoncées régulièrement, presque toutes vers la même destination. Mais les quantités exportées restent très en-deçà des capacités de la filière et les investissements consentis ne devraient pas être amortis à ce rythme.
En octobre dernier, plusieurs cimentiers avaient fait état de difficultés à exporter leur excédent de production. Il fallait le prévoir : le ciment est un produit difficilement exportable à cause principalement de la saturation des marchés qui entourent l’Algérie et des frais excessifs de logistique.
Dans le cas de l’Algérie, la tâche est davantage compliquée par l’inadéquation des infrastructures portuaires, et l’éloignement des cimenteries des ports. Le PDG de Serport avait promis d’engager les aménagements nécessaires, mais cela ne devrait pas se faire en quelques mois. L’inaction des autorités a un coût : l’Algérie perd chaque jour un million de dollars à l’exportation, alors que le pays a grandement besoin de diversifier ses exportations en raison de la baisse drastique des recettes en devises, conséquence de la chute des prix des hydrocarbures.
En attendant, les autorités songent à élargir les usages internes du ciment, comme sa substitution au bitume dans le revêtement des autoroutes. Quant à l’exportation, l’objectif de 400 millions de dollars annuels risque au moins d’être repoussé au-delà de 2021.
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