Les exportations algériennes hors hydrocarbures ont longtemps patiné alors que le pays, fortement dépendant de ses ventes de pétrole et de gaz, a besoin de diversifier ses sources en devises.
Ce n’est qu’en 2021 qu’une nette amélioration a été enregistrée, avec près de 5 milliards de dollars de marchandises exportées pour la première fois. Pour l’exercice en cours, l’objectif tracé est d’atteindre 7 milliards de dollars.
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Dans le dernier rapport de la Cour des comptes, le doigt est mis sur une partie des entraves qui ont laissé marginales les exportations algériennes hors hydrocarbures pendant toutes ces années.
Il s’agit de la faible exécution des mesures prévues pour la prise en charge d’une partie des frais des opérations d’exportation par le biais du Fonds spécial pour la promotion des exportations (FSPE).
Les comptes de ce fonds ont été décortiqués par la Cour des comptes qui a constaté que les ressources sont disponibles mais non utilisées, à cause principalement de l’imprécision des textes, des retards de paiement et du manque d’outils et de procédures.
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L’évaluation a porté sur l’utilisation des ressources et les résultats obtenus. L’étude des opérations effectuée entre 2017 et 2020 fait ressortir que ce dispositif « n’a pas contribué substantiellement au développement des exportations ».
Le FSPE a été institué par la loi de finances 1996. Il est alimenté par le reversement systématique de 5% de la Taxe intérieure de consommation (TIC).
Les frais éligibles au remboursement du fonds ont été revues en 2014 pour concerner 9 rubriques, à savoir les études des marchés extérieurs et l’étude pour l’amélioration de la qualité des produits, la participation aux foires et forums à l’étranger, le diagnostic export, la prospection des marchés extérieurs, l’édition de supports promotionnels, la création de labels et protection de brevets, la formation, le transport et la participation aux manifestations spécifiques organisées au niveau national.
Or, constate la Cour des comptes, seules trois rubriques font concrètement l’objet d’une prise en charge par le fond. Il s’agit principalement des frais de participation aux foires et expositions à l’étranger et des frais de transport.
L’argent n’est pas dépensé
Le rapport fait ressortir en outre un gap entre les ressources disponibles et les montants remboursés. Les ressources dont dispose le fonds sont 30 fois supérieures aux dépenses.
A titre d’illustration, les recettes disponibles en 2020 représentaient 49 milliards de dinars qui n’ont été utilisés qu’à hauteur de 3%. Ce qui donne cette situation paradoxale : « Des excédents de recettes par rapport aux dépenses, toujours importants en fin d’année, et des aides de faible montant consacrées à la promotion des exportations. »
Peu d’entreprises en bénéficient « en dépit de la diversification des dépenses éligibles », est-il noté. « Les sommes qui sont consacrées au soutien des exportations apparaissent dérisoires par rapport à celles allouées au Fonds chaque année », ajoute la Cour des comptes qui souligne que « plupart de ces observations concernent des faiblesses déjà mises en évidence par la Cour des comptes dans ses rapports annuels antérieurs ».
Quand les paiements se font, c’est avec beaucoup de retard, relève encore le rapport, alors que ces retards « devraient être rares, étant donné les ressources disponibles ».
En 2020, 678 dossiers de remboursement ont été payés pour 1 059 dossiers engagés. Entre le 1er janvier et le 17 novembre 2021, le nombre total de demandes de remboursement reçues est de 374, mais aucune dépense n’a été engagée. Le règlement de 381 demandes des années antérieures était toujours en instance.
Depuis plusieurs années, les aides accordées au titre de la participation aux foires et expositions à l’étranger sont majoritairement accordées au profit de la SAFEX, « agissant en tant que prestataire de services exclusif » (61% des aides ces trois dernières années).
Là aussi le nombre de participants est faible, entre 2 et 20 entreprises dans la plupart des cas. Ce qui fait que ces dernières bénéficient donc chacune de montants importants, atteignant parfois des niveaux supérieurs à 6 millions de DA » pour une seule participation, comme c’était le cas pour la foire d’Istanbul en 2019.
Pendant la même année, le coût moyen était de 3,2 millions de dinars par entreprise et par foire.
Des cas de gaspillage
Dans ce registre, le rapport note aussi des cas de gaspillage avec la location de surfaces non utilisées, comme lors de la foire de Johannesburg où le stand algérien était de 340 m², mais la surface louée à cinq exposants était de seulement de 45 m².
Ou encore à Djeddah, la même année (huit exposants ont occupé 78 m² sur une surface louée de 288 m²).
Concernant le remboursement des frais de transport (destiné aux PME ayant moins de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires à l’export), 100 opérations ont été effectuées en 2018, sur un total de 1468 exportateurs. Elles ont bénéficié « presque exclusivement » aux exportateurs de dattes, dont le « montant des aides afférentes a augmenté d’un peu plus de 23% au cours de la période 2018/2019. »
Le rapport constate l’absence de programmes d’action annuels précisant les mesures à mettre en œuvre, les objectifs à atteindre et les échéances et le manque d’outils de gestion et de procédures formalisées.
Il pointe aussi l’ « imprécision » dans la définition des critères d’éligibilité qui entraîne des retards dans l’exécution des paiements et qui risque de donner lieu à des rejets et à des abus. Il y a aussi « l’absence ou l’insuffisance des contrôles requis sur les montants facturés ».
Tout cela représente « un facteur décourageant pour les opérateurs concernés et exercerait également une incidence négative sur les activités d’exportation », indique la Cour des comptes qui fustige aussi le peu d’informations contenues dans les rapports annuels.
« Outre le soutien de la promotion des exportations, il est nécessaire de mettre en place d’autres mesures pour aider les entreprises à produire des biens de qualité supérieure, éligibles à l’exportation », préconise la Cour, qui recommande également l’amélioration du dispositif d’aide « tant en termes d’organisation et de gestion administrative que de procédures de suivi » et la mise en place d’un programme de soutien en faveur des entreprises ayant un fort potentiel d’exportation « de manière à leur assurer l’accès aux marchés extérieurs ».