L’Algérie devrait entamer la fabrication du vaccin russe anti-Covid-19, le Spoutnik V, en septembre prochain. Du moins c’est ce qu’avaient déclaré plusieurs responsables du secteur au printemps dernier.
Tout avait été réglé avec les Russes et le délai « raisonnable » de six mois avait été avancé pour la concrétisation du projet, selon eux. Mais à moins de deux mois de l’échéance, rien n’indique que le délai sera respecté ni même que le projet sera réalisé. On n’en parle plus.
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Le recours à la fabrication locale du vaccin a été envisagé dès janvier, puis l’idée s’est renforcée après les difficultés rencontrées dans l’acquisition des doses nécessaires pour vacciner la population.
Lorsque l’Algérie a annoncé avoir opté pour le vaccin Spoutnik V, début janvier, certains avaient expliqué ce choix par la possibilité qu’offrent les Russes pour le fabriquer localement. Une décision stratégique qui peut permettre à l’Algérie de sécuriser définitivement ses approvisionnements en vaccins anti-covid.
Le 7 février, le projet prend une tournure officielle avec son annonce par le président de la République. Dans un discours à la Nation, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé que « le vaccin russe anti-covid Spoutnik V sera fabriqué en Algérie dans 6 à 7 mois ».
« Il existe bien évidemment des sceptiques, mais nous avons convenu avec nos amis russes de fabriquer ce vaccin », a ajouté le président. Cinq mois après cette annonce, on n’en sait rien de l’avancement du projet. En tout cas, le délai fixé par Tebboune est sérieusement compromis. Le groupe public Saïdal, qui a été désigné pour le réaliser en partenariat avec les Russes, garde le silence.
Le 7 avril, le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmed, s’exprime sur le projet et livre ses détails : le vaccin Spoutnik V sera fabriqué à partir de septembre 2021 par le groupe Saïdal dans une de ses unités de Constantine.
Le ministre avait indiqué que les choses sérieuses ont commencé avec la mise en place de trois comités d’experts qui « travaillent d’arrache-pied sur le transfert de technologie ».
Le 28 avril, c’est le chef de l’État qui revient à la charge en ordonnant, au cours d’une réunion d’évaluation de la pandémie, de « procéder immédiatement et sans délai à la mise en œuvre du projet de fabrication du vaccin russe anti-Covid-19 Spoutnik V ».
Projet stratégique
À deux mois de l’échéance fixée par le gouvernement, on ne sait pas où en est le projet, s’il est abandonné ou toujours en cours. Pendant ce temps, le Fonds russe d’investissements directs (RFPI), qui a financé la fabrication du vaccin, garde le silence. Il n’a publié aucun communiqué sur un éventuel accord avec l’Algérie.
L’ambassadeur de la Russie en Algérie Igor Beliaev s’est refusé d’avancer un délai pour le lancement de la fabrication du Spoutnik V en Algérie. Ce projet « nécessite un matériel technologique précis, une logistique bien spécifique, des installations aux normes mondiales et une formation pointue du personnel, d’où la difficulté de résoudre toutes ces questions rapidement », a-t-il dit dans un entretien au journal L’Expression publié le 15 juin.
Il a toutefois assuré que la Russie était prête à effectuer le transfert de technologie nécessaire à la fabrication de Spoutnik V en Algérie.
On sait en revanche que d’autres pays de la région se sont lancés dans la fabrication du vaccin. Il s’agit notamment de l’Égypte et du Maroc.
Le voisin immédiat et rival de l’Algérie a lancé officiellement le processus de fabrication en procédant lundi 5 juillet à la signature avec les Chinois des conventions relatives au projet.
L’investissement s’élève à 500 millions d’euros et permettra de produire dans une première phase 5 millions de doses chaque mois.
L’Égypte a opté dans un premier temps pour la mise en flacon. En mai dernier, elle a reçu 1400 litres du sérum chinois (Sinovac) et fin juin, 300 000 vaccins sont sortis des usines de la compagnie locale Vacsera. L’Égypte a signé aussi un accord avec le Fonds russe d’investissements directs (RFPI) pour la fabrication locale du Spoutnik V.
L’accord a été signé entre la société pharmaceutique égyptienne “Mena Pharma” pour « la production de plus de 40 millions de doses du vaccin russe en Égypte chaque année dans la première phase », a annoncé le RFPI dans un communiqué publié le 21 avril dernier. C’est le premier contrat du genre conclu et annoncé par la Russie dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena).
Prudence et conditions contraignantes
L’Algérie trop prudente ?
L’Algérie devrait aussi commencer par la mise en flacon du vaccin russe, avaient assuré de nombreux responsables qui s’étaient exprimés sur la question au printemps dernier, assurant que le pays disposait de toute l’infrastructure nécessaire pour passer par la suite à la fabrication.
La partie russe étant en principe d’accord pour le lancement de la fabrication en Algérie, dont les dirigeants ont montré un réel enthousiasme, qu’est-ce qui a fait que le projet n’a pas encore abouti ?
Autre interrogation : pourquoi les Chinois, dont le pays est un grand partenaire économique de l’Algérie, ont choisi le Maroc pour un investissement aussi important ?
Des sources proches du dossier assurent que les Chinois étaient disponibles dès le début, tout autant que les Russes, pour un partenariat avec l’Algérie afin de lui permettre de fabriquer le vaccin localement, mais ils ont buté sur le refus de la partie algérienne d’accepter certaines de leurs conditions contraignantes, dont le paiement à l’avance.
Ce sont les conditions des laboratoires, ajoutent les mêmes sources, qui ont fait que l’Algérie n’a pas reçu des quantités importantes de vaccin pendant l’hiver et le printemps derniers. L’Algérie aurait refusé aussi d’effectuer sur sa population les tests de phase 3 des différents vaccins, ce que certains pays de la région comme le Maroc avaient accepté.
En mai dernier, le ministre de la Santé avait confirmé que l’Algérie a refusé des conditions financières et de sécurité d’un laboratoire étranger, l’Américain Pfizer en l’occurrence. « En novembre, nous avons convenu avec Pfizer, mais il nous a mis dans une situation que nous ne pouvions pas accepter dans la mesure où il nous a demandé d’acheter un certain nombre de vaccins, de payer en avance et d’exonérer totalement Pfizer de toutes poursuites dans le cas où le vaccin aurait des travers. Nous ne l’avons pas accepté, nous ne l’acceptons toujours pas », avait indiqué Abderrahmane Benbouzid.
En fait, selon nos sources, les conditions posées par Pfizer sont les mêmes des autres fabricants de vaccins anti-Covid. Certains pays ont anticipé l’ampleur de la pandémie mondiale, et ont acquis par anticipation les vaccins, d’autres, dont l’Algérie, ont préféré temporiser.
« L’acquisition du vaccin anti-Coronavirus prendra le temps qu’il faudra, et ce, au même titre que les autres pays. Il y a des pays qui avancent des dates avant d’en donner d’autres. Nous sommes dans une démarche très prudentielle face à la multitude des vaccins annoncés », affirmait le ministre de la Santé le 25 novembre dernier.
Le 12 décembre, l’ex-Premier ministre Abdelaziz Djerad assurait de son côté que l’Algérie « acquerra le vaccin anti-Coronavirus présentant des garanties certaines », d’où « l’impératif d’éviter toute précipitation ou décision aléatoire ».
Il aura fallu l’intervention du président de la République le 20 décembre pour accélérer la procédure d’acquisition des vaccins anti-Covid.