Tribune. Il a encore parlé, il s’est encore exprimé. Le peuple algérien s’est fortement mobilisé pour réaffirmer sa quête de se libérer du joug dictatorial sous lequel on l’a plongé depuis qu’il a libéré le pays du joug colonial.
Face à la répression, le peuple répond par la mobilisation. Face à la manipulation, le peuple répond par l’organisation. Il déjoue aux manœuvres pouvant aboutir à l’Etat d’exception par la volonté inébranlable de bâtir un Etat exceptionnel, un Etat de droit, des libertés et de la démocratie.
En réponse aux revendications populaires, le pouvoir politique agit de la plus maladroite des manières, droit dans le mur, en se fixant une feuille de route sans raison ni horizon salvateur pour le pays et pour le peuple.
Le commandement militaire transforme la grande muette en la pie du moment. Les interventions répétitives du chef de l’état-major jonglent entre ce qui s’apparente à un ping-pong avec le peuple et le fait qu’en réalité, il ne s’agit que d’un poker menteur.
Le discours contradictoire, incohérent et surfant sur la menace parfois et sur le populisme d’autres fois donne au commandement militaire une image de plus en plus attaquable. Sans surprise aucune, l’armée semble bien s’accommoder du scénario égyptien, renvoyant les aspirations populaires aux calendres grecques.
Que l’armée s’incruste d’une manière aussi bruyante dans le champ politique est la première entorse à la constitution qui lui a bel et bien défini ses missions. Les tenants du pouvoir en Algérie sont dans leur logique, ce sont toujours les premiers à torpiller les lois qu’ils imposent au peuple.
Il est illusoire d’espérer que l’armée concède la primauté au politique, il est du devoir par contre, des partis et des personnalités politiques d’imposer la leur.
Il est illusoire de penser que l’armée compte laisser la justice fonctionner en toute indépendance. Il ne s’agit que d’une volonté de transférer l’adresse par laquelle parviennent les décisions finales. Il est du devoir des avocats, des magistrats, des procureurs et des militants des droits de l’Homme de poursuivre la lutte pour un Etat de droit et une justice indépendante.
Il est illusoire de croire que l’armée veille à accompagner la transition démocratique, elle dont les discours lus par les chefs d’état-major n’ont contenu en tout et pour tout, qu’une seule fois le mot démocratie. On nous a tellement habitués aux alternances claniques et aux mutations des personnels, que nous crions aujourd’hui haut et fort : « yetnahhaw ga3 », à comprendre par-là que le peuple exige un changement du système, et non un changement dans le système. Le peuple qui a compris au fil des jours que compter sur l’une ou l’autre des factions du système, c’est de permettre à ce dernier de se régénérer, ou pire, lui donner l’occasion de s’offrir une hégémonie sur le pouvoir.
Le peuple ne croit plus en les discours et en les messes basses des décideurs, il veut des actes, des signes d’apaisement au strict minimum.
Tout dialogue constructif est précédé d’actes de bonne volonté. La libération des détenus d’opinion, l’arrêt immédiat des pratiques répressives et liberticides, le respect du droit de manifestation, du droit de réunion, du droit d’association, la libération de l’espace public, l’ouverture du champ politique et médiatique…et d’autres mesures à même de permettre aux Algériens de débattre en toute sérénité et quiétude.
En ce 1er Mai fête internationale des travailleurs, il aurait été judicieux de restituer au peuple le syndicat créé par feu Aissat Idir aujourd’hui spolié par une clientèle affidée au système en place, il aurait été plus judicieux de reconnaitre la confédération des syndicats algériens dont la mobilisation et l’engagement aux côtés du peuple sont à saluer, comme sont à saluer les actions menées par les étudiants à l’échelle du territoire national, donnant une leçon de mobilisation et de pacifisme historique au régime.
Le peuple algérien n’espère plus rien du pouvoir, il poursuivra la mobilisation pendant et après le mois de Ramadhan, il organisera des débats publics dans toutes les contrées du pays, et continuera de dessiner l’Algérie de demain.
Le peuple a compris que les défis qu’il devra lever aujourd’hui sont la gestion du temps et de l’espace, deux facteurs clés de la révolution.
*Jugurtha Abbou est militant politique
Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.