L’horreur de la Nakba racontée par le film “Farha”, cela ne peut pas plaire à Israël. De surcroît lorsque l’œuvre est diffusée sur une plateforme mondiale à large audience comme Netflix.
C’est ce qui vient de se passer avec le film « Farha », réalisé par la cinéaste palestino-jordanienne Darin Sallam.
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« La liberté d’expression s’arrête avec l’antisémitisme », décrète un manifestant venu protester devant un théâtre de Jaffa, au sud de Tel-Aviv, qui a programmé le film.
Cette phrase résume l’état d’esprit des Israéliens et de leurs soutiens à travers le monde : tout ce qui dénonce les injustices infligées aux Palestiniens depuis trois quarts de siècle, c’est de l’antisémitisme.
Pourtant, le film n’a rien de tel. Il s’agit d’une fiction racontant le sort terrible subi par les Palestiniens à la création d’Israël en 1948. Un épisode connu dans l’histoire sous le nom de Nakba, et au cours duquel au moins 760 000 Palestiniens ont été dépossédés de leurs terres et expulsés de leur pays.
De nombreux massacres ont été aussi perpétrés. Les Israéliens se sont emparés de 78 % des territoires de la Palestine historique.
Ces crimes sont connus de tous et reconnus par la communauté internationale. Plusieurs résolutions de l’ONU exigent ouvertement le retour sur leurs terres des Palestiniens expulsés, aujourd’hui éparpillées dans des camps de réfugiés dans les pays riverains ou installés dans d’autres pays aux quatre coins du monde. Israël a toujours refusé d’appliquer ces résolutions.
Le film Farha est venu en quelque sorte rappeler au monde ses responsabilités vis-à-vis de cette injustice et dénoncer l’impunité dont jouit Israël.
Farha, le film qui ne plait pas à Israël
Le calvaire du peuple palestinien est raconté à travers celui de Farha, une adolescente de 14 ans qui assiste à l’attaque de son village par les milices israéliennes.
Les images sont parfois insoutenables, comme cette scène de 15 minutes montrant des Israéliens en train d’exécuter froidement des civils palestiniens.
Depuis la seconde Guerre mondiale, les Israéliens ont le monopole de la victimisation et ne supportent pas qu’ils aient à le partager. À fortiori lorsque ce sont eux les bourreaux.
Ils l’ont encore démontré avec Farha. La diffusion du film sur Netflix, la plateforme aux 220 millions d’abonnés, est très mal accueillie en Israël, parmi les officiels et les milieux extrémistes.
La raison en est simple : non seulement le film rappelle les crimes imprescriptibles commis par leur armée, mais il permet de mieux comprendre le conflit actuel en retraçant sa genèse.
« Netflix a décidé de diffuser un film dont le seul objectif est d’inciter à la haine contre les soldats israéliens », a réagi le ministre des Finances Avigdor Lieberman, tandis que son collègue de la culture, Chili Tropper, a qualifié le film de « mensonger et diffamatoire ». Certains israéliens ont aussi décidé de résilier leur abonnement à la plateforme américaine.
Accusé d’antisémitisme, Netflix n’a pas réagi. Des appels sont aussi lancés pour priver de subventions étatiques le théâtre de Jaffa qui a « osé » programmer le film.
Si le film dérange tant, c’est parce qu’il est aussi d’une brûlante actualité. La spoliation des Palestiniens de ce qui reste de leurs terres se poursuit toujours, les massacres aussi.
Au moment où les Israéliens s’indignaient du contenu du film, un de leurs soldats est venu confirmer qu’il n’y a rien de « mensonger », en tuant vendredi dernier à Naplouse un Palestinien désarmé de quatre balles à bout portant. La scène a été filmée et a fait le tour du monde.