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Faut-il réactiver l’Onafla, les Galeries algériennes et les Aswak el Fellah ?

Faut-il réactiver l’Onafla, les Galeries algériennes et les Aswak el Fellah ?

Sans être une catastrophe de grande ampleur sur le plan des pertes humaines (deux décès jusque-là) ou du nombre de personnes atteintes (74 cas confirmés), la résurgence du choléra révèle néanmoins que l’Algérie demeure à la traîne en matière de prévention, d’amélioration du cadre de vie et de contrôle des produits de consommation. Sur ce dernier aspect, beaucoup reste à faire, notamment pour les produits agricoles.

Sur le plan de la quantité, l’agriculture algérienne a fait un bond en avant depuis quelques années, produisant environ 70% de ce que consomment les Algériens. Coïncidence ou pas, c’est en pleine polémique sur l’origine des cas de choléra enregistrés, avec des soupçons portés sur certains produits agricoles, que le ministre de l’Agriculture a décidé de dévoiler les performances réalisées par le secteur, avec à la clé un record inédit : 60 millions de quintaux de céréales récoltés au terme de la campagne de moisson qui vient de s’achever.

Le pays est déjà autosuffisant en légumes frais et l’est presque pour ce qui est des fruits. Ne subsiste qu’un déficit partiel en céréales, viandes et poudre de lait.

Outre donc la satisfaction totale des besoins du marché national en ces produits stratégiques, l’autre défi qui se pose au secteur primaire algérien c’est celui de la qualité, de la traçabilité des produits et d’un meilleur approvisionnement du marché. Car en dépit d’une production parfois abondante, le label algérien ne fait toujours pas recette sur les marchés internationaux, comme l’avait rappelé le refoulement de cargaisons de tomates et de pomme de terre par le Qatar, la Russie et le Canada au printemps dernier.

Aussi, des dysfonctionnements et des perturbations surviennent sporadiquement dans la disponibilité de certains produits ainsi qu’une volatilité des prix. La faute sans doute à l’absence d’organismes de régulation qui auraient pu se substituer à la faiblesse de la grande distribution. Cette dernière est certes en train de se mettre en place avec la création de chaînes algériennes et l’entrée sur le marché de grandes enseignes étrangères, mais elle n’affiche encore aucun intérêt pour la filière des fruits et légumes frais.

À travers ses centrales d’achat, le rôle de la grande distribution est primordial dans la détermination des prix, négociés directement avec les producteurs et les associations de consommateurs, tout comme elle permet la régulation des quantités de marchandises mises sur le marché ainsi qu’une meilleure traçabilité des produits.

Hélas, plus de vingt ans après la dissolution des principaux pôles de distribution et de commercialisation des biens de consommation, notamment l’Office national des fruits et légumes (Onafla), l’Entreprise de distribution des produits alimentaires (Edipal, ex-Onaco), les Galeries algériennes et les Aswak El Fellah, le privé national ou étranger n’a pas su (ou pu) mettre en place un tissu de grande distribution à même de remplir les fonctions de ces organismes étatiques à l’ère de l’économie du marché.

Certes, beaucoup de choses peuvent aujourd’hui être dites à propos du fonctionnement de ces offices, des pénuries mémorables de certains produits de première nécessité et des longues files d’attente qui se formaient dans toutes les villes du pays, ou encore sur les prix des fruits et légumes fixés unilatéralement par l’Onafla, ce qui aurait causé la faillite de nombreux agriculteurs et le recul de la production. Néanmoins, tous ces offices avaient au moins le mérite de permettre d’avoir des prix fixes sur toute l’année pour l’ensemble des produits et surtout de permettre une traçabilité sans faille, y compris des fruits et légumes.

Pour endiguer les pénuries sporadiques de certains produits, l’État a songé dès 2008 à mettre en place un mécanisme de régulation, le Svrpalac (Système de régulation des produits agricoles de large consommation), consistant à stocker en chambres froides de grandes quantités de pomme de terre notamment, pour les mettre sur le marché au gré de la demande. Les organismes appropriés étant tous dissous, le mécanisme avait dû être piloté par la SGP-PRODA, la Société de gestion des participations – Productions animales. Reconduit en 2009, le Syrpalac finira par être abandonné, n’ayant sans doute plus lieu d’être avec les performances de la filière de la pomme de terre dont certaines régions, comme El Oued, se sont imposées en pôles d’excellence, parvenant même à placer le tubercule algérien sur les marchés internationaux.

Cela dit, la problématique demeure entière concernant la régulation du marché, la maîtrise des prix ainsi que le contrôle et la traçabilité des produits. Faut-il par conséquent réactiver, même sous une autre forme, les différents offices dissous dans les années 1990 ? Quoi qu’il en soit, le modèle actuel de distribution est condamné.

En aval, c’est-à-dire en matière d’écoulement de son produit, l’agriculture algérienne est toujours caractérisée par une telle opacité que, à chaque flambée des prix notamment à l’approche du ramadan ou des fêtes religieuses, agriculteurs, intermédiaires et commerçants de détail se rejettent la balle sans jamais savoir qui dit vrai. Comme corollaire à cette opacité, l’anarchie a fini par s’installer durablement jusqu’à voir des marchands occasionnels proposer sur les bords des autoroutes des produits d’une extrême sensibilité sous le soleil de juillet et d’août. Le choléra est peut-être un moindre mal dans ces conditions…

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