La chanteuse Fella Ababsa, connue aussi dans le Moyen-Orient et dans les pays du Golfe par Fella El Djazaria, a décidé de mettre un arrêt à sa carrière artistique.
« En toute conscience, j’ai pris une décision définitive. Et je présente mes excuses au public algérien, je me retire. Je ne vais plus jamais chanter. Je vais m’occuper de mes affaires. Je suis fatiguée. Cela m’a pris beaucoup de temps », a-t-elle annoncé, mardi 6 mars au soir, lors d’une émission d’Ennahar TV.
Elle a cité un passage de « Il faut savoir », célèbre chanson de Charles Aznavour : « Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi… ».
Incapable de retenir ses larmes, Fella, fille du chanteur, auteur et compositeur Abdelhamid Ababsa, a confié que rien ne l’encourage désormais à poursuivre sa carrière musicale en Algérie.
« Il n’y a plus de climat. Je suis enterrée vivante dans mon pays. Personne ne me donne de la valeur. J’ai crié dans tous les plateaux que j’étais la Sultane du chant arabe. J’ai chanté tout le patrimoine algérien. Ne regardez pas mon allure, mais je suis aussi rattrapée par l’âge. J’ai subi une opération chirurgicale dans la colonne vertébrale. Après l’opération, j’ai animé un concert le 8 mars devant une salle archicomble à la couple du 5-Juillet (à Alger). Les photos existent. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils se sont comportés avec moi comme si j’étais une fille de harki. Ils ont arraché les micros et menacé les musiciens (elle parlait des organisateurs). Pourquoi ? Je suis la fille de ce pays. Je n’ai pas pris mon droit, j’espère que mon cri sera entendu », a-t-elle détaillé.
Fella accuse Bentorki d’avoir détruit sa réputation
Elle a ouvertement accusé l’Office national de la culture et de l’information (ONCI) de la marginaliser. Elle s’est interrogée sur le secret de la longévité de Lakhdar Bentorki à la tête de cet organisme public qui relève du ministère de la Culture.
« Depuis l’époque de mon père (décédé en 1998), Bentorki est directeur de l’ONCI. Je jure que les ministres de la Culture n’ont aucun mot à dire devant cet homme qui semble avoir quelqu’un derrière lui. Cet homme a mangé mes droits et ceux de mes enfants. Il a touché à ma réputation. Il a détruit Fella El Djazaria. Ceux qui sont à l’ONCI sont les mêmes qui ont créé des sociétés privées. Ils sont partout. J’ai produit des albums et des clips, vécu à l’étranger, mangé le sable et les pierres pour revenir en Algérie avec le titre de la Sultane du chant arabe. J’ai produit plus de douze albums dans tous les styles. Et, en Algérie, je ne participe ni aux festivals ni aux missions culturelles (à l’étranger). J’ai fait plein de propositions, comme chanter à l’Opéra d’Alger. Je n’ai pas eu de réponses. J’adore mon public, mais je ne suis pas une mendiante. J’ai été obligée de vendre mes maisons pour vivre. On empêche même la vente de mes albums en Algérie. Je n’ai que ma voix pour vivre. Qu’est-ce que je leur ai fait ? Je n’ai plus le courage de continuer. Je suis encerclée de partout.», a-t-elle confié en appelant le ministre de la Culture Azzeddine Mihoubi à « nettoyer » la rue de la culture en Algérie. Fella Ababsa a vécu en Grande Bretagne, en France, en Égypte, au Koweït et au Liban.
« L’artiste algérien est le plus pauvre de tous »
Le 1er novembre 2014, elle a lancé, à partir de Beyrouth, un appel, à travers youtube, pour se plaindre de sa mise à l’écart en Algérie.
« Je parle aux responsables qui sont là depuis trente ans. Vous nous avez clochardisés à l’étranger. Quand je rentre au pays, je reste deux ans assise face à la télévision, personne ne me fait appel. Et quand, on me sollicite, c’est fait dans de mauvaises conditions. Ce n’est pas Bentorki qui me parle, mais ses serviteurs. Pourquoi vous me faites cela ? Vous attendez que je meure pour me rendre hommage ? Vous êtes des médiocres ! Si les chanteurs n’aiment pas les fêtes de mariage, ils ne trouveront rien à manger. Vous voulez que je mendie à mon âge. Laissez-nous travailler pour notre pays », a-t-elle déclaré en pleurant dans cette vidéo qui a fait le buzz.
« L’artiste algérien est le plus pauvre de tous. Nous n’avons pas de statuts », a-t-elle déclaré à Ennahar TV. « Malgré tout, je vous ai préparé un bel album, c’est mon dernier, que j’ai enregistré à Oran. Il y a trois duos avec Billel », a-t-elle annoncé. Le dernier album de Fella comptera une douzaine de chansons dans le style raï.