Société

Fennec, gazelle…Ces animaux menacés de disparition en Algérie

Dans cet entretien accordé à TSA, Redouane Tahri, chercheur en biodiversité, producteur et réalisateur de films documentaires sur la faune sauvage, tire la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèsent sur la faune sauvage en Algérie.

Tout en dénonçant le braconnage qui menace plusieurs espèces d’extinction, ce militant de la protection de la faune sauvage, appelle à la mise en place de réserves pour  protéger la biodiversité notamment au Sahara.

| Lire aussi : « Réapparition » du léopard de l’Atlas dans le désert algérien

Vous avez un long parcours dans la défense de la biodiversité en Algérie et notamment au Sahara. Vous êtes passés de la lutte sur le terrain au sein de plusieurs associations à la production de films documentaires. Votre militantisme a changé de forme dans un contexte marqué par l’émergence du numérique et des réseaux sociaux. Pourquoi ?     

Depuis que j’étais tout jeune, je m’intéressais à la nature et à la faune sauvage. J’ai milité au sein de plusieurs associations de protection de la biodiversité, mais ce combat n’a malheureusement pas abouti à des résultats escomptés.

Nous sommes à l’ère du numérique et des réseaux sociaux. Le militantisme digital est plus efficace. J’ai misé sur la production audiovisuelle pour mieux faire passer mes messages liés à la nécessité de la protection de la biodiversité. J’ai à mon actif, plusieurs productions dont un film documentaire produit récemment sur la nature sauvage dans la région de la Saoura.

Un documentaire réparti en sept épisodes, diffusé récemment sur la Télévision algérienne (ENTV).  D’autres projets sont en cours. J’ai un article publié dans la revue internationale ScienceDirect. J’ai aussi coécrit un article avec Louisa Derouich sur le mouflon à manchettes. Un autre article est en cours sur le léopard de l’Atlas.

Y a-t-il un inventaire officiel qui répertorie la faune sauvage en Algérie ?

Il n’y a malheureusement aucun inventaire officiel de la faune sauvage en Algérie. Pourtant, notre pays recèle une grande richesse faunique. Nous avons plusieurs espèces de gazelles (Rhim, dorcas…etc.), le guépard saharien, le léopard de l’Atlas, les mouflons à manchettes, la genette, le loup doré d’Afrique du Nord, le renard et une grande diversité d’oiseaux.

Nous avons aussi le fennec, un animal emblématique de l’Algérie…

Appelé aussi renard des sables, le fennec vit notamment dans la région de Béni Abbès où il est vraiment menacé. Malheureusement, il est en voie de disparition en Algérie. Cette menace est liée à la chaîne alimentaire de cet animal qui est en train d’être brisée.

Le fennec vit grâce à son alimentation basée sur le poisson de sable, un lézard qui vit dans les sables du désert. Le fennec est aussi victime de la chasse pour les besoins de la consommation humaine.

Il y a des régions où le fennec est consommé. Il y a aussi des fennecs en Libye et en Tunisie. Il fait malheureusement aussi l’objet de trafic car il est exporté à l’étranger, notamment en Europe où certains l’adoptent comme un animal de compagnie et de prestige.

Il y a aussi ceux qui le chassent pour utiliser sa queue comme objet de décoration à l’intérieur de la voiture. Tout cela doit absolument cesser.

Quelles sont les menaces qui pèsent sur la faune  sauvage en Algérie ?

Je tiens à tirer la sonnette d’alarme sur les menaces d’extinction qui pèsent sur quatre animaux : la Genette, le mouflon à manchettes saharien, trois espèces de gazelles et bien-sûr le léopard de l’Atlas. La situation de la faune sauvage se dégrade. Des massacres se perpétuent à ciel ouvert par le biais du braconnage.

Dans le Nord de l’Algérie, la gazelle a presque disparu. Le Sahara voit sa faune décliner dramatiquement. Les grands félins sont menacés, les mouflons, les gazelles. Il y a une nouvelle tendance qui sévit actuellement qui consiste en la chasse en utilisant des motos.

Plusieurs espèces d’animaux sont théoriquement protégées par la loi, mais dans la réalité ces espèces sont menacées d’extinction notamment dans les régions de Beni Abbès et Tabelbala. C’est très difficile, voire impossible, de contrôler cette vaste région désertique.

Quelles solutions préconisez-vous pour une meilleure gestion de la faune dans notre pays ? 

La première des solutions est d’abord d’interdire la circulation de motos dans l’erg. Une telle interdiction vise à freiner le braconnage notamment dans l’erg de Béni Abbès. Des chasseurs à bord de motos font des massacres en chassant la faune.

Le wali doit promulguer un arrêté interdisant la circulation de motos dans cette région. La deuxième solution est la mise en place de réserves protégées qui ne nécessite pas de grands moyens financiers. Officiellement, il y a la réserve du Tassili dans l’Ahaggar et une autre réserve à Taghit. Mais dans la réalité, celle de Taghit n’existe tout simplement pas.

L’Algérie a ratifié plusieurs conventions internationales pour la protection de la biodiversité. Quel impact ont eu ces ratifications ?

L’Algérie a effectivement ratifié plusieurs conventions internationales. J’aurais souhaité que l’Algérie ratifie l’accord conclu lors de la toute récente conférence sur la biodiversité (COP15) qui s’est tenue à Montréal (Canada).

Pas moins de 200 pays se sont engagés à « éviter une extinction massive d’espèces de la flore et de la faune, notamment en protégeant au moins 30 % des terres et des mers  à l’horizon 2030 ». J’espère que l’Algérie ratifiera cet accord.

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