Le réalisateur Bachir Derrais a signé un film impressionnant, intense et politique sur Larbi Ben M’hidi, l’un des héros de la révolution algérienne.
Après sa projection réussie en avant-première, lundi 4 mars, à l’Opéra d’Alger, en présence de 1.600 personnes, ce biopic a été projeté, vendredi 5 avril, à Club 13, à Paris.
Le film raconte la vie de Larbi Ben M’hidi qui a été torturé à mort par le général Paul Aussaresses pendant la Bataille d’Alger.
Mort par pendaison à 34 ans dans la nuit du 3 au 4 mars, Larbi Ben M’hidi, est resté fidèle à ses principes et à ses convictions. Il n’a pas flanché. Il a choisi de mourir que de trahir parce qu’il était convaincu que la défaite du colonialisme était inéluctable et le processus de l’indépendance de l’Algérie irréversible. Et il le disait avec une conviction inébranlable à ses tortionnaires.
Larbi Ben M’hidi a fait partie des Six historiques, avec Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem, Rabah Bitat, Didouche Mourad et Mostefa Ben Boulaïd, à l’origine du déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 1ᵉʳ novembre 1954.
Grand visionnaire, il a jeté avec ses compagnons de combat les bases de la Révolution et conçu la stratégie de lutte pour l’indépendance. Le film signé par Bachir Derrais est aussi intense qu’impressionnant.
« Je viens juste de sortir de la projection restreinte du film de Bachir Derrais ‘Ben M’hidi’ au Club 13, dans le 8ᵉ arrondissement de Paris. Franchement, j’ai été BLUFFÉ ! Je ne m’attendais pas à une telle maîtrise du sujet. Bachir nous offre un formidable produit », a écrit l’écrivain Yasmina Khadra qui était parmi la soixantaine d’invités du Conseil mondial de la diaspora algérienne pour cette première projection du film à Paris.
Parmi les invités figurent aussi le musicien Safy Boutella, l’architecte et neveu de Ben M’hidi, Larbi Merhoum, Anissa Boumédiène, la veuve du président Houari Boumédiène, la nièce du héros de la révolution et d’autres personnalités.
Malgré les moyens financiers limités pour raconter l’histoire d’un tel personnage, Bachir Derrais a réussi un film de qualité, en reconstituant le décor colonial qui plonge le spectateur dans cette période cruciale de la lutte des Algériens pour leur indépendance.
Le jeu d’acteurs est magnifique et les dialogues bien choisis, sachant qu’il n’est pas facile de reconstituer la personnalité et l’œuvre d’un monument de la révolution algérienne. Chaque mot, chaque action, chaque regard ont leur importance.
Un film aussi impressionnant qu’intense qui raconte Ben M’hidi sous l’angle politique
Le film plonge, avec émotion parfois, le spectateur dans cette période cruciale qui a précédé le déclenchement de la guerre de libération nationale et qui a vu l’émergence un peu partout en Algérie, les futurs leaders de la révolution, même si la collégialité, ce modèle ancestral de démocratie spécifique à l’Algérie, a pris le dessus sur le leadership.
Ben M’hidi n’est pas un film de guerre classique, même si la guerre y est omniprésente. C’est un film qui retrace le combat politique d’un homme qui a donné sa vie pour que l’Algérie devienne indépendante.
Le film commence par une scène où Ben M’hidi, qui est incarné à la perfection par l’acteur Khaled Ben Aïssa, se fait pendre froidement par Paul Aussaresses et se termine par la même scène qui résume, à elle seule, le caractère abominable du colonialisme français en Algérie.
Puis, le biopic retrace la vie de l’enfant de Aïn M’lila, à l’Est du pays, qui a été forgé par la misère et l’injustice qu’imposait le système colonial aux Algériens. Puis ses premiers pas dans le militantisme qui l’ont révélé à l’Organisation secrète (OS) qui préparait le déclenchement de la révolution du 1ᵉʳ novembre 1954.
Le réalisateur, Bachir Derrais, a préféré raconter l’histoire de Ben M’hidi sous l’angle politique, ce qui rend le film particulier et explique pourquoi cette production, un vrai chef-d’œuvre cinématographique, est restée bloquée pendant des années avant d’être libérée.
Présente lors de cette projection, Anissa Boumédiène a dit qu’elle aurait aimé voir une scène de l’attentat de la rue de Thèbes à la Casbah dans le film, pour son importance dans la Bataille d’Alger.
À TSA, Bachir Derrais explique les raisons : « Notre production a opté pour la réalisation d’une œuvre cinématographique à caractère politique. Historiquement, l’industrie cinématographique algérienne s’est illustrée par la fréquence de films de guerre depuis 1965. Cependant, la mise en scène de conflits armés exige un investissement financier conséquent. Avec un budget restreint ne dépassant pas trois millions d’euros, non-convertible en devises étrangères, il était inconcevable de produire des séquences d’action d’une qualité comparable à celles des productions américaines sans risquer la dérision. »
En plus de la contrainte budgétaire, le film Ben M’hidi a souffert aussi de blocages.
« Mon ambition était de concrétiser deux séquences de guerre majeures : la reconstitution de l’explosion sur la rue de Thèbes en studio et la scène au Milk bar. Nous avions conclu des arrangements avec des artificiers italiens, prêts à intervenir avec leur équipement. Malheureusement, à l’ultime instant, les autorisations nécessaires nous furent refusées et les transactions financières bloquées. », relate Bachir Derrais.
Le film Ben M’hidi retrace une partie des débats au congrès de la Soummam en août 1956 où la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur a donné lieu à des échanges parfois vifs entre les participants.
Avec son intelligence et sa vision, Larbi Ben M’hidi, que Krim Belkacem surnommait le sage, était toujours là pour arbitrer ou donner un avis tranché, permettant ainsi à la collégialité de fonctionner.
Le film évoque la primauté de l’intérieur sur l’extérieur durant la guerre de Libération et raconte une altercation entre Larbi Ben M’hidi et Ahmed Ben Bella, au Caire, sur cette question.
Membre du Conseil de coordination et d’exécution (CEE) et du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), Larbi Ben M’hidi s’est vu confier la direction de la Zone autonome d’Alger, laissant le commandement de la wilaya V à Abdelhafid Boussouf.
Lors de la Bataille d’Alger, et alors que les parachutistes du général Massu quadrillent la capitale à l’issue de la grève des 8 jours en janvier-février 1957, Larbi Ben M’hidi refuse le « retrait stratégique » proposé par Abane Ramdane.
Il reste à Alger et le paiera de sa vie. Il sera arrêté le 23 février et exécuté dans la nuit du 3 au 4 mars par une unité commandée par Paul Aussaresses.
Larbi Ben M’hidi avait une vision et une capacité à fédérer hors du commun. Son combat et ses phrases comme « donnez-nous vous bombardiers, on vous donnera nos couffins » restent d’actualité pour tous les peuples qui luttent pour leur liberté.
Casting, durée, genre, réalisateur
Film : Larbi Ben M’hidi
Durée : 1 h 55
Réalisateur : Bachir Derrais
Genre : Drame biographique et historique
Acteurs
Khaled Benaissa : Larbi Ben M’hidi
Nidal Mellouhi : Abane Ramdane
Idir Benaibouche : Krim Belkacem
Fethi Nouri : Didouche Mourad
Samir El Hakim : Mohamed Boudiaf
Mourad Oudjit : Mostefa Ben Boulaïd
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