Nouveau rebondissement dans l’affaire du film Ben M’hidi. L’écrivain Mourad Bourboune, scénariste du film interdit de projection par le ministère de Moujahidine, affirme avoir été tenu à l’écart de la fabrication du long métrage réalisé par Bachir Derrais et consacré au parcours d’un des chefs historiques de la Guerre de libération nationale.
« Je n’ai pas été averti du tournage du film. Mon scénario a été déposé et lu par les deux ministères concernés (Moujahidine et Culture). Maintenant, il s’agit de savoir ce qui a été tourné. Je crois qu’il y a des choses qui ont été faites qui ont, peut-être, dénaturé mon propos. Donc, je veux qu’on juge mon travail seul, mon scénario. Je n’ai pas vu le film, personne ne me l’a présenté ni le réalisateur ni le ministère. Je n’ai pas vu une seule image. Me présenter le film est la moindre des politesses. Le réalisateur m’a contacté hier ou avant-hier, je vais peut-être voir le film dans les jours qui suivent. À ce moment-là, j’aurai une idée sur l’adéquation entre mon scénario et la réalisation du film », a-t-il annoncé dans une déclaration à TSA, ce mercredi 5 septembre.
Le Matin d’Algérie a publié, lundi 3 septembre, un texte de Mourad Bourboune dans lequel il dénonce « la censure » du film et revient sur les circonstances de l’écriture du scénario. « Sur le fond : je connaissais l’enjeu : il s’agissait de ne rien travestir du parcours de cet homme, de ne rien lui attribuer d’inexact, de parfaitement restituer ses profondes motivations, de porter un éclairage sur sa stratégie de chef politique et militaire, de sorte que le film soit également une fenêtre pédagogique sur la Guerre de libération que les jeunes connaissent de moins en moins. Vous devinez la masse de travail qu’il a fallu déployer pour rester au plus juste de l’histoire », a écrit Mourad Bourboune.
« Je ne sais pas quoi penser du film »
À TSA, l’auteur confirme l’écriture de ce texte qui semble avoir provoqué la controverse sur les réseaux sociaux. « Oui, ce texte est de moi. Je le confirme », a-t-il répondu.
Mourad Bourboune a également annoncé n’avoir reçu aucun centime en contrepartie de l’écriture du scénario. « Non, je n’ai pas été payé pour le scénario du film Ben M’hidi. Ce n’est pas grave, peut-être qu’il y a eu un retard bureaucratique ou des choses comme ça. Je n’ai pas touché un seul sou et je n’ai pas vu une seule image du film. Donc, je ne sais pas quoi penser de ce film », a-t-il insisté.
Interrogé sur l’intervention d’autres scénaristes, comme Abdelkrim Bahloul et Olivier Gorce, sur le scénario de Ben’Mhidi, Mourad Bourboune a répondu : « Je ne suis pas au courant de tout cela ». « Moi, si je trouve que le film n’est pas conforme au scénario, à ce que j’ai écrit, je retire mon nom du générique simplement », a-t-il menacé.
« Je suis contre toute forme de censure »
Mourad Bourboune rappelle que le réalisateur était venu avec le beau-frère de Ben M’Hidi, un officier de l’ANP, lui demander d’écrire le scénario. Le scénariste a confié qu’il souhaitait que le long métrage soit réalisé par le britannique Ken Loach, auteur d’une trentaine de films dont certains primés au festival de Cannes (« Le vent se lève » et « Moi, Daniel Blake »).
« Ben M’hidi était très intéressé par la politique des années 1920. Il avait sur lui en permanence un livre sur l’Ireland. Il y a d’ailleurs une proximité entre la guerre de l’Ireland contre l’impérialisme britannique et la guerre de l’Algérie (contre la France). Il y a beaucoup de points communs », a-t-il expliqué.
Le scénariste s’interroge sur les raisons qui ont amené le ministère des Moujahidine à refuser la projection du film en Algérie. « Je me demande pourquoi, le film n’est pas autorisé à la projection. Il faut qu’on sache les raisons. Sur le principe, je suis contre toute forme de censure. Je crois que l’Histoire de l’Algérie appartient à tous les Algériens. Il ne faut pas interdire de la traiter », a-t-il réagi.
Bachir Derrais a déclaré à TSA que le ministère des Moujahidine lui a, entre autres, reproché d’avoir montré les divergences entre les chefs de la Guerre de libération nationale et de n’avoir pas montré les combats et les actes de torture.