De Manama à Abou Dhabi, en passant par le Caire, des défenseurs arabes des droits humains ont connu une fin d’année sombre avec une série de condamnations à de lourdes peines de prison.
Dans le Golfe, deux opposants de premier plan, ont écopé lundi en l’espace de quelques heures des peines totalisant 15 ans de prison.
Dimanche, la justice égyptienne a transformé en prison ferme, une condamnation à deux ans avec sursis d’une militante de la cause des femmes.
Les protestations des ONG internationales des droits humains n’ont pas suffi à alléger ces peines dans des pays qui n’acceptent aucune dissidence.
La justice bahreinie a confirmé la condamnation à cinq ans de prison de Nabil Rajab pour des tweets dénonçant la guerre au Yémen, à laquelle participe son pays. Jugé aussi pour avoir dénoncé des cas de torture présumés à Bahreïn, ce défenseur des droits humains a épuisé tous les recours.
Le procès a été qualifié de “parodie de justice” par Amnesty International. The Bahrein Institute for Rights and Democracy, ONG basée à Londres, a estimé que le verdict traduit l’acharnement des autorités contre l’opposant. “En s’arrangeant pour que le verdict soit énoncé lors des fêtes de fin d’année, alors que l’attention de la communauté internationale est ailleurs, démontre clairement les intentions des dirigeants bahreinis”, a dit cette ONG.
Figure des manifestations de 2011 en faveur de réformes démocratiques et une véritable monarchie constitutionnelle, Nabil Rajab a été également condamné en juillet 2017 à deux ans de prison dans une autre affaire, pour “propagation de fausses nouvelles” lors d’interviews télévisées critiquant le pouvoir.
Le royaume de Bahreïn, siège de la Ve Flotte américaine, est secoué par des troubles sporadiques depuis la répression en 2011 de grandes manifestations animées par la majorité chiite réclamant à la dynastie sunnite au pouvoir une meilleure représentation politique.
Depuis, des mouvements d’opposition ont été dissous et des dizaines de dissidents emprisonnés et/ou déchus de leur nationalité. Les autorités nient toute discrimination envers les chiites et affirment faire face à des groupes violents aidés par l’Iran, ce que dément Téhéran.
Aucune dissidence
Dans un contexte différent, la cour suprême des Emirats arabes unis a confirmé en dernière instance une peine de dix ans de prison à l’encontre de l’opposant Ahmed Mansour jugé pour avoir critiqué le pouvoir et nui à l’image du pays sur les réseaux sociaux.
Ce verdict “confirme qu’il n’y a pas de place pour la liberté d’expression dans les Emirats arabes unis”, a souligné Amnesty dans un communiqué.
“La pression internationale a forcé les Émirats à libérer l’universitaire britannique Matthew Hedges, et ils devraient faire de même pour Ahmed Mansoor”, a souligné pour sa part Human Rights First, ONG basée aux Etats-Unis, en référence au doctorant qui a été accusé d’espionnage avant d’être gracié.
Arrêté en mars 2017, Ahmed Mansoor, 49 ans, a été condamné en première instance fin mai. Il avait toutefois été blanchi de l’accusation de complot avec une “organisation terroriste”.
L’opposant est le lauréat 2015 du prix Martin Ennals, du nom d’un ancien secrétaire général d’Amnesty. Il avait déjà été condamné à trois ans de prison en 2011 au début du Printemps arabe pour avoir “insulté” sur internet les dirigeants de son pays. M. Mansour avait été pardonné par le président émirati la même année, mais privé de son passeport et interdit de voyage à l’étranger.
Peine alourdie
Au Caire, la justice égyptienne a durci en appel une peine contre une militante dénonçant le harcèlement sexuel.
Amal Fathi, 34 ans, avait été arrêtée en mai après avoir posté une vidéo dans laquelle elle critiquait le manque d’action des autorités face à ce phénomène répandu en Egypte.
Elle avait été placée en détention avant d’être condamnée en septembre pour “diffusion de fausses informations” à deux ans de prison avec sursis, jugement contre lequel elle avait fait appel.
Elle est en outre poursuivie, dans une autre affaire, pour “appartenance à un groupe terroriste” et “diffusion de fausses informations”.
Son mari, de nationalités suisse et égyptienne, Lotfy Fathi, dirige au Caire la Commission égyptienne des droits et libertés, recensant notamment les disparitions forcées.
Les ONG égyptiennes et internationales accusent régulièrement l’Egypte d’utiliser la lutte antiterroriste pour réprimer les voix dissidentes.