Le projet de réforme des subventions a été adopté par le Parlement à l’occasion du vote du projet de loi de finance (PLF) 2022. Ce vote devait consacrer la volonté du gouvernement de supprimer le système des subventions généralisées et le remplacer par des aides pécuniaires.
Les membres de la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN) ont notamment apporté un amendement à l’article 187 du PLF 2022.
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Lequel stipule dans son énoncé qu’il est prévu de mettre en place d’un mécanisme national de subventions touchant les produits essentiels et orientées aux couches les plus démunies à travers des aides pécuniaires. La commission des finances a fait siennes les propositions du comité de pilotage installé, il y a un peu moins d’un an, par le ministre des Finances afin de proposer un mécanisme d’aides plus équitable et orienté exclusivement vers les couches moins aisées, suivant un barème évolutif.
Le comité a proposé un seuil de revenus mensuels par ménage de 120 000 DA pour bénéficier des subventions. Le comité a fixé une liste de 12 produits essentiels sur lesquels s’appliqueront les aides : le pain, la semoule, la farine, le lait en sachet, l’huile alimentaire de soja, l’eau potable, l’essence, le diesel, le GPL, le gaz butane, l’électricité et le gaz de ville.
À l’annonce du vote par les députés de la nouvelle réforme, des voix du monde syndical se sont élevées pour faire part de leur inquiétude à ce sujet, jugeant la démarche trop précipitée. « Dans le contexte difficile que traverse aujourd’hui le pays, que ce soit au plan politique, économique, financier et social, je pense que ce n’est pas le moment d’aller vers ce genre de décision », a plaidé le 25 novembre sur TSA, le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) et membre de la Confédération des syndicats algériens (CSA). Préfigurant un risque d’une « explosion sociale », le Dr Merabet a estimé que l’Exécutif devait temporiser avant d’adopter cette loi.
Vendredi soir, le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé que la révision de l’aide sociale passera par « un débat national» élargi, ajoutant que les mécanismes de cette révision « ne sont pas encore arrêtés, ni encore ses modalités, ses objectifs et les concernés ».
« Le comité de pilotage devait d’abord terminer son travail de A à Z »
D’après le chef de l’Etat, qui s’exprimait lors de sa rencontre avec la presse nationale, cette réforme « nécessite un certain niveau de numérisation et des statistiques précises sur les revenus en vue de classer les catégories pauvres, moyennes et riches ».
Il a fait valoir que « ces statistiques ne sont pas minutieuses à ce sujet » à l’heure actuelle. Il a déploré les débats dominant la scène médiatique au sujet de la révision de la politique sociale du pays, qui, a-t-il dit, «ont peut-être exploité un dérapage verbal d’un ou plusieurs responsables», affirmant qu’il était encore tôt de débattre de ce sujet. « La levée des subventions sociales concernera seulement un tiers des citoyens parmi ceux ayant des revenus très élevés », a-t-il dit.
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Peut-on conclure que la réforme de Benabderrahmane sera mise en veilleuse ? Le sénateur Abdelouhab Benzaim, qui a pris part au comité de pilotage pour la réforme du système des subventions donne raison au président « lorsqu’il dit que le débat sur ce sujet est encore prématuré ».
« Le comité de pilotage devait d’abord terminer son travail de A à Z, a-t-il fait valoir. Il s’agit d’une commission de réflexion. Elle doit faire son travail et le présenter au gouvernement ». Selon Benzaim, il appartient aux hautes autorités d’engager un débat national à propos de la copie finale en faisant participer le Conseil économique et social (CNES), et les syndicats. L’intervention du chef de l’Etat rassure le président du SNPSP. « On est quelque peu rassuré de voir le débat (sur les subventions) recadré par le chef de l’Etat. »
« Le citoyen doit donner son avis »
« Beaucoup d’acteurs syndicaux, politiques et même des députés n’étaient pas d’accord avec la démarche. Malheureusement, le texte de la réforme a été adopté à la majorité », a déclaré le Dr Merabet à TSA, dimanche 28 novembre.
La déclaration du chef de l’Etat « va dans le sens de la démarche que nous avons expliquée, à savoir qu’au préalable il fallait assainir des situations et discuter avec les concernés directement », a ajouté le président du SNPSP.
« Le président a parlé d’un débat national, je pense que c’est le mot. Il faut ouvrir un débat qui concerne tous les Algériens. Et ça concerne aussi la collectivité car lorsqu’on parle de subventionner des prix on est dans une démarche de solidarité nationale. Tout le monde contribue. Le citoyen doit donner son avis et avoir un droit de regard sur les objectifs et les dépenses qui sont affectés à n’importe quelle prestation », a développé Lyes Merabet.