Nouvelle flambée mondiale des prix des principaux produits alimentaires. Le blé a atteint jeudi 18 novembre la barre des 300 dollars la tonne, contre 250 dollars en août dernier, et 200 dollars en moyenne en 2020.
La hausse est vertigineuse pour l’ensemble des produits qui forment la base de calcul de l’indice de l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), soit les céréales, le lait, les viandes, les sucres. L’indice a atteint en octobre dernier des niveaux jamais vus depuis dix ans. En une année, il a enregistré une hausse de 30 %.
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L’Algérie est l’un des pays les plus impactés par la flambée des prix sur les marchés internationaux, étant un important importateur de tous les produits concernés, notamment les céréales pour lesquelles elle consacre chaque année environ 2,5 milliards de dollars.
Le pays importe annuellement aussi pour 1,2 milliard de poudre de lait. La facture alimentaire totale de l’Algérie oscille entre 8 et 10 milliards de dollars par an.
En avril dernier, Abdelhamid Hamdani, alors ministre de l’Agriculture, déclarait que le pays envisageait de réduire sa facture alimentaire de 2 milliards de dollars.
Sans doute qu’avec la flambée actuelle et la chute de la production céréalière nationale à cause de la sécheresse, l’objectif sera revu à la baisse, à moins que les efforts envisagés pour améliorer les performances de l’agriculture locale soient redoublés.
Grâce à une politique de fortes restrictions, le gouvernement a pu réduire la facture globale des importations à 30 milliards de dollars (prévisions pour l’année 2021), soit la moitié de la facture record atteinte en 2014 (60 milliards). Mais les économies faites l’ont été essentiellement sur les équipements, les véhicules, les produits manufacturés et les produits alimentaires non essentiels.
Pour les produits de base, les importations ont légèrement varié ces dernières années suivant les performances de l’agriculture locale.
Comme premier effet direct de la hausse actuelle des cours mondiaux, l’Algérie devra débourser plus pour son alimentation, à moins de réduire la consommation interne, ce qui n’est pas envisageable, ou de booster son agriculture pour lui faire atteindre en un temps record des performances jamais égalées. Ce qui n’est pas plausible non plus.
Dans l’immédiat, la seule solution qui s’offre devant les pouvoirs publics est de mettre la main à la poche pour éviter des pénuries et des tensions sur des produits aussi sensibles que le pain, le lait, le sucre ou les huiles, quitte à voir la courbe de la facture globale des importations repartir à la hausse.
La réforme de l’agriculture s’impose
Les effets de la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 n’avaient pas été ressentis en Algérie grâce à la manne pétrolière qui était alors à son apogée, avec un record absolu du prix du baril à 147 dollars en 2008.
Pour le moment, la hausse des prix alimentaires mondiaux est amortie en Algérie par le dispositif de subventions généralisées de produits de base (céréales, lait, etc), mais ce système est devenu trop coûteux pour l’État.
L’Algérie fait face aujourd’hui à une situation différente de celle des années 2000 avec la baisse des revenus des hydrocarbures causée par le recul simultané des cours et de la production nationale.
L’état actuel des revenus ne permet pas de supporter sur la durée une facture alimentaire plus élevée que ce qu’elle est. D’autant plus que nul ne sait jusqu’où ira la flambée actuelle. L’évolution des prix sur les marchés mondiaux obéit en tout cas à des facteurs sur lesquels l’Algérie n’a aucune emprise.
Trois éléments sont essentiellement mis en avant par les analystes pour expliquer la hausse des produits de base tout au long de l’année 2021 : les coûts de l’énergie, le changement climatique avec de longues périodes de sécheresse ou des inondations et l’augmentation dans la consommation mondiale de l’énergie de la part de l’éthanol, fabriqué à base de produits agricole, notamment le maïs.
Si l’Algérie ne peut pas agir sur ces facteurs pour influer l’évolution des prix à l’international, elle peut en revanche engager des actions en interne pour ne plus avoir à subir de plein fouet les fluctuations des marchés mondiaux, les chamboulements de la géostratégie internationale et les aléas du climat.
Continuer à compter sur l’étranger est assurément un choix hautement risqué pour la sécurité alimentaire du pays. L’Algérie peut tout au moins atténuer cette dépendance, d’autant plus qu’elle produit déjà 70 % de ce qu’elle consomme.
La révision du système des subventions généralisées, dont le processus a été lancé jeudi avec l’adoption par l’APN du projet de Loi de finances 2022 qui prévoit le démantèlement de ce dispositif, pourra peut-être limiter le gaspillage, mais la véritable solution est dans la réforme de l’agriculture.
L’agriculture algérienne a besoin d’actions concrètes pour parvenir dans quelques années à réduire sensiblement la dépendance vers l’étranger en certains produits déjà cultivés localement.
Elle couvre la totalité de la demande nationale de certains produits, et une partie des aliments de base que sont le lait et les céréales. Bon an mal an, l’Algérie a produit en moyenne 5 millions de tonnes de céréales ces trois dernières saisons, selon les chiffres officiels.
Certes, il s’agit d’un peu moins de la moitié des besoins nationaux, mais le potentiel de l’agriculture algérienne est immense, avec 30 millions d’hectares, dont 5 millions exploités, près d’une centaine de barrages, des dizaines de laboratoires et instituts agronomiques…
L’Algérie dispose de capacités infiniment plus importantes que celles de certains pays qui lui fournissent son blé. La semaine passée, le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a regretté que l’Algérie importe des céréales d’un pays à la superficie cent fois inférieure à la sienne. Il faisait allusion sans doute à la Lituanie, pays fournisseur de l’Algérie depuis quelques années. Rien ne justifie en effet un tel décalage.