Politique

Flambée des prix : où est passé le gouvernement ?

Une flambée des prix est enregistrée en Algérie depuis le début du mois de Ramadhan. La hausse touche particulièrement les produits alimentaires, notamment les fruits et légumes et les viandes.

Des augmentations qui compliquent davantage une situation difficile faite de pénuries et de tensions sur plusieurs produits, comme l’huile de table, quasiment introuvable dans les magasins, le lait subventionné, non disponible en quantités suffisantes, la sardine, hors de portée depuis plusieurs mois… Cela, devant le silence incompréhensible des autorités.

Au cinquième jour du mois sacré, les prix des produits les plus demandés ont explosé. C’est le cas notamment de la pomme de terre, aliment de base des ménages algériens, qui a atteint dans certains marchés du pays la barre des 100 Da, de la tomate qui s’échange au prix record de 180 dinars ou encore de la viande de poulet qui a de nouveau atteint les 450 Da le kilogramme après une baisse de quelques semaines. Les viandes rouges sont encore plus inaccessibles à 1500/1800 Da le Kg, soit 9 % du salaire minimum garanti qui est de 20.000 DA.

En plus des tensions et flambées des prix, d’autres manquements et dysfonctionnements sont signalés, comme les coupures d’eau ou la grève des postiers qui a aggravé la crise de liquidités dans les bureaux de poste.

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Que se passe-t-il ? Pourquoi une telle conjonction d’épreuves pour le citoyen ? Celui qui est censé répondre à ces interrogations, le gouvernement, se mure dans le silence. Le premier ministre s’est envolé hier vendredi à Brazzaville pour assister à la cérémonie d’investiture du président congolais, Denis Sassou Nguesso, suite à sa réélection. Abdelaziz Djerad ne s’est jamais immiscé dans la problématique de la régulation des prix et de la lutte contre la spéculation sur les produits de consommation.

Pour les ministres censées être en première ligne dans cette bataille, ils brillent par leur absence en ce début de Ramadan. Celui de l’Agriculture ne dit rien sur la faiblesse de la production agricole, qui est le principal facteur du déséquilibre entre l’offre et la demande.

L’absence sur la scène de Kamel Rezig, ministre du Commerce, est particulièrement remarquée. Actif pendant toute l’année, multipliant les sorties médiatisées sur le terrain et les réunions avec les responsables locaux, il a paradoxalement déserté le terrain dans cette conjoncture de grave crise qui relève directement de sa responsabilité.

Évite-t-il d’être confronté publiquement à ses nombreuses promesses non tenues ou s’est-il éclipsé pour d’autres considérations ?

Kamel Rezig n’a pas cessé ces dernières semaines de promettre un ramadan calme sans tensions ni hausse des prix.

Le 25 mars dernier, il a assuré dans un entretien à l’APS qu’afin de parer à tout imprévu, l’État était disposé à intervenir pour assurer la disponibilité des produits alimentaires de large consommation (viandes, huile, céréales, légumes, etc.) en recourant à l’importation. Moins d’un mois après, on ne peut pas dire que Rezig a tenu sa promesse, même si l’importation de viandes fraîches a été autorisée exceptionnellement.

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Promesses non tenues

Il faut dire que le ministre du Commerce n’a pas été épargné par les critiques ces dernières semaines. On lui a par exemple reproché d’avoir provoqué la crise d’huile de table en voulant imposer brusquement la généralisation de la facturation aux grossistes et distributeurs.

Il a été aussi raillé lorsqu’il a annoncé la tenue de soldes pendant le Ramadan, une promesse d’ailleurs jamais tenue, car irréalisable dans un contexte de forte demande sur les produits de consommation et les vêtements pour enfants en prévision de l’Aïd-el-fitr.

En pleine crise d’huile de table et alors que les prix de certains produits avaient déjà atteint des cimes, Kamel Rezig avait annoncé un projet de loi pour imposer l’arabisation des enseignes des locaux commerciaux. Beaucoup de voix n’ont pas manqué de le soupçonner de populisme et de vouloir détourner le débat des questions essentielles.

Pour remonter plus loin, le ministre du Commerce a dès son entrée en fonction, en janvier 2020, promis monts et merveilles, mais il n’a pas toujours concrétisé ses promesses, comme celles de mettre fin à la crise du lait subventionné, de ramener le prix de la viande à 800 Da, de réguler définitivement le marché…

Il n’est toutefois pas le seul à se montrer impuissant pour la régulation du secteur du commerce en Algérie. Des promesses de produits disponibles et de prix accessibles, on en entend avant chaque mois de Ramadan.

Le secteur sera régulé un jour, c’est certain, mais seulement au prix d’une profonde réforme qui s’étalera sur plusieurs années, et non sur des mesures brusques et irréfléchies, aussi louables soient-elles.

Les prix atteints par la pomme de terre en ce début de Ramadan rappellent que même l’engagement solennel du président de la République est parfois insuffisant pour juguler les vieilles pratiques du marché algérien.

Le 22 janvier 2019, trois jours après sa prestation de serment, Abdelmadjid Tebboune inaugurait la Foire de la production nationale. Dans ses discussions avec les exposants, il avait décrété que «  la pomme de terre ne doit plus dépasser 60 Da ».

« Stockez ce que vous voulez, déstockez à chaque fois que le marché en a besoin, mais il faut que la pomme de terre soit consommée par l’Algérien à un niveau de 60 Da, pas plus. Je ne rentre pas dans les détails, c’est votre métier, mais pour retourner à la pomme de terre à 120 ou 130 dinars, c’est inacceptable », déclarait-il. Moins de 18 mois après, ce n’est pas le tubercule qui lui fait un pied-de-nez, mais bien un marché laissé pendant longtemps sans régulation sérieuse.

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