Le Pr Mohamed Belhocine, membre du Comité scientifique de suivi du covid-19 revient sur la situation épidémiologique due au covid-19 en Algérie. Pour lui, il y a trois armes anti-covid qu’il faut déployer pour lutter contre la propagation de la pandémie dans le pays. Il lance un appel aux Algériens.
Comment qualifiez-vous la situation sanitaire due au covid-19 en Algérie ?
La situation est très préoccupante. Il y a beaucoup de cas dont des jeunes et moins jeunes et il y a même des adolescents qui sont parfois touchés.
Ce qui nous rappelle que les enfants même s’ils ne font pas de symptômes peuvent être contaminés et devenir contagieux. Cela revient à dire qu’il y a une circulation très active du virus dans la communauté.
Nous l’avons déjà dit, le variant Delta a une capacité à se transmettre beaucoup plus rapidement que le variant Alpha. Les services de santé sont sous une tension extrême.
Nous n’avons pas beaucoup de choix que de revenir aux fondamentaux à savoir les mesures barrières. Il faut rester chez soi quand on n’a rien à faire de très important à l’extérieur.
Avec les arrivages des vaccins et l’élargissement de l’offre vaccinale un peu partout, je ne peux qu’appeler les citoyens à aller se faire vacciner car lorsqu’on est vacciné, même si on attrape la maladie, on fait des formes plus légères.
La situation actuelle n’a pas été observée durant la 1e et la 2e vague qui ont frappé l’Algérie en 2020. Depuis dix jours, plus aucun service de réanimation ne dispose de places libres. En quoi cette 3e vague est-elle différente des deux précédentes ?
C’est une différence de nombres. On est submergé par le nombre de cas. Lorsque vous avez 5 % des cas qui doivent aller en réanimation, quand vous avez 100 cas cela vous fait 5 malades tandis qu’avec 1.000 cas le nombre est de 50 malades.
Avec le nombre de cas qui explosent, les capacités des hôpitaux ne sont pas illimitées pour répondre à la demande en services médicaux de réanimation.
Et ce quand bien même il y a des efforts très importants qui sont déployés actuellement pour limiter au maximum cette pression, et ce en utilisant toutes les capacités des hôpitaux.
Avec cette 3e vague, des malades meurent par faute d’oxygène dans les hôpitaux…
Vous savez, beaucoup d’autres pays sont passés par des situations pareilles. D’abord parce qu’il y a un nombre plus important de malades. Et là aussi, il y a des efforts à faire quant à la gestion de l’offre en oxygène.
La seule façon de réduire le nombre de nouveaux cas, c’est de se préserver soi-même par le respect des mesures barrières et de respecter aussi les mesures de confinement au maximum.
Il n’y a pas d’autre solution que celle de faire l’effort de réduire la transmission à l’intérieur de la communauté. En espérant que l’on ne sera pas amené à prendre des mesures plus strictes telles que le confinement.
Parlons du confinement. En 2020, le confinement a été décrété quand le nombre de cas quotidiens avait dépassé les 1000. Cette fois, le nombre de cas par jour a dépassé les 1300, et il y a eu juste un léger durcissement du couvre-feu nocturne. Qu’en pensez-vous ?
Lors des flambées précédentes, l’on a vu que la décision de confinement était politique. Ce n’est pas le Comité scientifique qui a pris ce genre de décision.
On peut faire des recommandations, mais il y a d’autres considérations qui sont prises en compte par le gouvernement pour décider du confinement. Ce sont des situations qui sont gérées au cas par cas.
Personnellement, je pense que si la situation continue de s’aggraver, tôt ou tard, il faudra reconsidérer les mesures de confinement en particulier dans les zones ou les contaminations sont très actives.
La situation sanitaire a tendance à s’aggraver mais l’Algérie garde ses frontières aériennes partiellement ouvertes. Il y a toujours des voyageurs qui arrivent de l’étranger. Quels sont les risques pour l’Algérie ?
Vous savez, lorsque l’épidémie est déjà activement installée dans la communauté, ce ne sont pas les quelques individus éventuellement porteurs du virus qui vont changer quelque chose quant à la physionomie générale.
Le seul risque potentiel, aujourd’hui, des voyageurs qui arrivent de l’étranger c’est qu’ils soient éventuellement porteurs d’un nouveau variant qui pourrait rendre la situation encore plus compliquée.
On ne sait pas pour l’instant si dans les semaines à venir, il n’y aura pas un nouveau variant qui échapperait à la vaccination. Ce qui serait un scénario catastrophe totale.
Comment l’Algérie peut-elle éviter le scénario indien ?
Vous savez, on a trois armes qu’il faut déployer pour lutte contre la propagation de la pandémie. Tout d’abord, le respect des mesures barrières à titre individuel, c’est-à-dire s’auto-confiner en particulier lorsqu’on sait qu’on a été en contact avec quelqu’un de malade. Porter le masque est extrêmement important.
Je note au passage qu’on voit de plus en plus de gens qui porte le masque, ce qui est une excellente chose. Cela veut dire qu’il y a une prise de conscience de la part de la population quant à la gravité de la situation sanitaire due au covid-19.
La deuxième ligne de défense consiste en la prise en charge des malades dans les hôpitaux en permettant aux patients qui ont besoin de soins intensifs d’être pris en charge convenablement, en particulier en matière d’oxygène.
Troisièmement, vacciner, vacciner, vacciner…Se faire vacciner devient un acte de protection individuelle et collective. Quand on en a l’occasion, il faut se faire vacciner.
Certes, on peut attraper la maladie en étant vacciné, on peut certes être contagieux, mais on a très peu de chances de faire une forme grave et encore moins de décéder.
Mon appel : s’il vous plaît respectez les mesures barrières, restez chez vous et vaccinez-vous !
Comment voyez-vous l’avenir ?
C’est une situation relativement inédite. Parce que nous avons affaire à un mutant. Ce n’est pas en fait le même virus qu’au début de la pandémie. On peut considérer que c’est une nouvelle épidémie qui est venue se greffer à la première. Nous sommes avec le Delta alors que nous étions avec le variant Alpha.