Aux grands maux, les grands remèdes. Au FLN, on a décidé de faire table rase du passé et de se lancer dans une opération exceptionnelle de renouvellement des instances du parti aux conséquences imprévisibles.
Ainsi, le fantasque Ould Abbès a été débarqué sans ménagement du poste de SG du parti, et un fringant quinquagénaire a été désigné pour piloter l’opération de reconstruction du parti. Une prime au « jeunisme » dans un pays gouverné par la gérontocratie.
Une première au plan organique
Les décisions annoncées par le nouvel homme fort du parti, Moad Bouchareb, lors de l’installation de l’instance dirigeante, dimanche 25 novembre, constituent une première au plan organique.
La dissolution de toutes les structures du FLN et leur remplacement par une instance dirigeante et une autre exécutive est unique dans les annales de la première formation politique du pays.
Même, la tenue du 8e congrès bis de réunification en 2005, après l’annulation par la justice des résultats de celui organisé par Ali Benflis alors SG du parti, n’avait pas provoqué un tel séisme. Et pourtant, à l’époque, la guerre entre les partisans de Benflis et les pro Bouteflika faisait rage.
« Les défis paraissent tellement grands que je suis vraiment sceptique », concède un sénateur du parti. Et il a raison de douter. Il faut dire qu’au FLN, on a l’habitude des effets d’annonce. Chaque nouveau chef arrive avec son lot de réformes et de promesses qui tiennent le temps d’une conférence de presse. Une fois les projecteurs éteints et les caméras rangées, les réformes promises finissent au fond d’un tiroir.
Quoi qu’il en soit, il est difficile de croire que les annonces faites dimanche par Bouchareb puissent remettre sur pied, dans un laps de temps aussi court, un parti dévoré par une grave crise structurelle et de leadership.
D’autant plus qu’au FLN, on ne croit plus aux miracles, ni à l’homme providentiel. Et que les promesses de Moad Bouchareb interviennent dans un contexte particulier marqué par l’approche de la présidentielle d’avril 2019, et après par la péripétie houleuse et controversée du « limogeage » de Said Bouhadja du poste de président de l’APN. Sans « comptabiliser » le flou qui a entouré le départ de Ould Abbès et les déclarations rocambolesques de l’ancien membre du BP, Ahmed Boumehdi, affirmant que le secrétaire général banni était toujours en poste.
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Face à l’inconnu, certains cadres du parti regrettent déjà le statu quo du passé. « Aujourd’hui personne ne sait où cette avalanche de décisions va nous mener », s’inquiète un sénateur sous couvert de l’anonymat.
Parole galvaudée
Pour faire avaler la pilule du changement aux militants, Mouad Bouchareb s’est drapé sous la bannière présidentielle. « Sur décision du président Bouteflika et président du parti », a-t-il insisté dimanche au moment de l’annonce des réformes qu’il comptait menées. Et d’avertir : « La décision du président doit être suivie par tous les militants ».
Problème : la parole présidentielle, relayée par le nouvel homme fort du FLN, peut-elle encore fédérer les militants de ce parti ?
Rien n’est moins sûr. Cette parole a tellement été galvaudée, qu’on peut se poser désormais la question de son influence réelle au sein du FLN. L’ancien président de l’APN, Abdelaziz Ziari avait tiré la sonnette d’alarme, à juste titre, en dénonçant les multiples références au président de la République. Il n’a pas été entendu.
Pendant deux ans, Djamel Ould Abbès n’a pas cessé d’instrumentaliser cette parole, sans qu’il ne soit contredit ou rappelé à l’ordre par la présidence, avant son limogeage brutal, le 14 novembre dernier.
« Quand je parle, je le fais au nom du président », répétait souvent Ould Abbès à l’adresse de ses adversaires. « Comment croire que le président est impliqué dans ses décisions, alors que par expérience on sait qu’il n’intervient pas dans ce genre d’initiative », se demande un sénateur.
En répétant à chaque fois qu’il parlait au nom du président de la République, le désormais ex-SG du FLN, a pris le grand risque de discréditer la parole présidentielle. En plus, il n’a non seulement échoué à réunifier le parti, mais il est parti en laissant le FLN encore plus divisé.
« Il suffirait d’un mouvement de refus au sein du parti pour que la position du président en sorte affaiblie », averti un ancien membre du BP.
Un congrès extraordinaire avant ou après la présidentielle ?
Du coup, Moad Bouchareb a du pain sur la planche pour reconstruire un parti, en lambeaux. « On n’est pas pressés, ce qui nous intéresse c’est de bien préparer le congrès extraordinaire duquel émanera une nouvelle direction qui incarnera un FLN rénové. On va reprendre notre travail de zéro et on n’exclura personne. Les portes seront ouvertes à tout le monde », a indiqué une source au FLN à TSA Arabi, hier lundi.
À l’issue de la première réunion de l’instance dirigeante du parti hier lundi, Moad Bouchareb s’est engagé à organiser un congrès extraordinaire réunificateur, sans avancer de date précise.
En réalité pour les cadres du parti, la date du congrès extraordinaire dépendra de la candidature du président Bouteflika pour un 5e mandat. « Si le président Bouteflika décide de se représenter, le congrès extraordinaire aura lieu avant la présidentielle et le FLN le désignera comme son candidat. Dans le cas contraire, le congrès aura lieu après l’élection », explique Aissi Kassa, ancien membre du BP.
Mais au parti, des voix commencent à douter de la volonté de Bouchareb de convoquer un congrès extraordinaire. « Pour nous, en décidant de dissoudre le CC et le BP, c’est une reconnaissance de fait de l’illégitimité du 10e congrès. Mais il faut qu’on sache qu’est-ce qu’on va faire durant ce congrès, comment le faire et avec qui ? », averti Aissa Kassa.
Association de Bedda
C’est face aux nombreux défis qui attendent le nouveau patron du FLN, qu’on mesure mieux le rôle dévolu à l’association des anciens élus du parti. Le « bébé » du ministre des relations avec le Parlement, Mahdjoub Bedda, doit à terme constituer une force d’appoint au FLN au moment où le chantier de renouvellement du parti est lancé. Le rappel des anciens cadres marginalisés mais encore très actifs est un atout pour mener campagne pour le 5e mandat et consolider le pouvoir du futur SG du FLN ou alors devenir une machine électorale entre les mains du candidat du parti à la présidentielle.