Politique

Foire d’Alger : la vitrine qui a dévoilé le marasme économique

Rendez-vous incontournable des consommateurs et producteurs nationaux et étrangers depuis plus d’un demi-siècle, la Foire internationale d’Alger n’emballe plus. Du moins en cette année de hirak où les Algériens ont la tête ailleurs.

L’affluence enregistrée depuis l’inauguration de la 52e édition, mardi dernier, n’est en rien comparable à la grande foule qui déferlait les années précédentes à chaque début d’été sur le Palais des expositions, sur la baie d’Alger.

Une désaffection que même les organisateurs et les autorités ont sans doute vu venir puisque la durée même de l’événement a été inhabituellement rétrécie à cinq petits jours.

Cette sorte de service minium est dictée par un autre désintéressement, celui des exposants, notamment étrangers. Seuls quinze pays y sont représentés par un total de 140 entreprises. On est très loin des 34 pays et leurs 494 représentants qui ont pris part à la 50e édition en 2017.

Pour revenir au peu d’intérêt accordé par les Algériens à l’événement, on ne peut ne pas pointer du doigt les conséquences du mouvement populaire enclenché le 22 février dernier et qui a tout relégué au second plan. Le 22 mars dernier, le public avait boycotté un match entre l’équipe nationale de football et celle de la Gambie, à Blida. Une semaine auparavant, c’est le grand derby algérois entre l’USMA et le MCA qui avait connu une désaffection similaire.

Néanmoins, la solidarité avec le hirak n’explique qu’en partie ce faible engouement et certains y voient déjà des signes pas très rassurants pour l’économie nationale. Ce sont en effet plusieurs indicateurs principaux qui se mettent à clignoter, sans atteindre la côte d’alerte, certes.

Il s’agit de la confiance des investisseurs étrangers, le pouvoir d’achat, le moral des hommes d’affaires nationaux et celui des consommateurs. Les chiffres clés de cette 52e FIA publiés par les organisateurs permettent de relever que beaucoup d’habitués manquent à l’appel. L’Europe est représentée par deux pays seulement, la France et l’Allemagne. Si les deux premières grandes économies de la planète, les États-Unis et la Chine, sont présentes, beaucoup de « dragons » n’y sont pas. Le gros des bannières qui flottent à l’entrée du Palais des expositions est constitué de celles de pays africains et du monde arabe qui ne sont ni des économies émergentes ni de gros clients ou fournisseurs de l’Algérie.

Un malheur n’arrive jamais seul…

Il est trop tôt pour parler d’un désintérêt pour le marché algérien, mais il y a au moins de la prudence. L’instabilité et l’incertitude politiques qui durent depuis quatre mois ne sont pas propices à la prospection, au partenariat et encore moins à l’engagement de capitaux, voire même au commerce tout court.

Les investisseurs étrangers sont dans l’expectative, en attendant une meilleure visibilité. Dès les premières semaines du mouvement, on a vu au moins un géant de l’industrie pétrolière mettre en suspens ses discussions avec Sonatrach à propos d’un projet d’envergure.

Cela dit, la désaffection ne se limite pas aux étrangers. Les opérateurs nationaux ne se bousculent pas non plus. Ils sont à peine 360 à occuper des stands au Palais des expositions. Beaucoup d’entreprises privées algériennes sont en effet dans la tourmente depuis quelques mois. Certaines ont vu leurs propriétaires ou leurs gérants écroués ou placés sous contrôle judiciaire, d’autres leurs comptes bloqués, d’autres encore leur part de la commande publique réduite à néant.

Beaucoup d’opérateurs parmi ceux qui n’ont pas été inquiétés par l’opération main propres enclenchée par la justice se tiennent le ventre, au même titre que leurs employés, broyés par le stress des lendemains incertains.

Pour résumer, le moral est en berne et il est illusoire de croire que l’investissement et la croissance peuvent ne pas en être affectés. Certains exposants ont révélé que les clients dépensent moins, notamment par rapport à la dernière foire de la production nationale tenue en décembre sur les mêmes lieux. Un autre signe que la crise n’est pas très loin ?

Les chiffres des organismes habilités sur les principaux indicateurs (taux de chômage, inflation, croissance…) ne permettent pas (encore ?) de l’avancer avec certitude, mais le marasme économique est bien perceptible à travers cette vitrine qu’est la foire d’Alger.

Tout cela arrive au plus mauvais moment pour le pays qui assiste impuissant à la baisse de ses revenus pétroliers et à l’érosion de son matelas des réserves de change…

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