L’Irak reçoit mercredi à Bassora (sud) une équipe qualifiée pour le Mondial-2018 de football, l’Arabie saoudite, pour un match amical dont les enjeux dépassent largement le simple cadre du sport.
En accueillant son puissant et riche voisin saoudien, Bagdad entend en effet convaincre la Fédération internationale (Fifa) de lever l’interdiction d’organiser en Irak des matches internationaux dans le cadre de compétitions officielles.
Pour ce pays déchiré par les conflits depuis les années 1980, il s’agit de prouver que la guerre contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) est bien « finie », comme l’ont déclaré les autorités il y a deux mois.
Pour Ryad, ce match s’inscrit dans un processus de réchauffement diplomatique et économique avec Bagdad.
L’Arabie saoudite est désireuse de prendre pied dans ce pays notamment pour y contrer l’influence de son grand rival iranien, alors que ces deux poids lourds du Moyen-Orient s’affrontent par procuration dans plusieurs conflits régionaux.
Les Irakiens assurent que Ryad va mettre tout son poids dans la balance pour convaincre la Fifa, qui doit se décider le mois prochain sur la levée ou non de l’interdiction.
Prononcée après l’invasion du Koweït en 1990, cette interdiction avait été brièvement levée en 2012 avant d’être réimposée à cause d’une coupure d’électricité lors d’un match Irak-Jordanie à Erbil (nord).
Elle a été récemment allégée et trois stades –à Bassora, Erbil et Kerbala (sud)– peuvent désormais accueillir des équipes étrangères mais uniquement pour des matches amicaux.
– Rivalités dans le Golfe –
« La présence des Saoudiens en Irak représente beaucoup pour nous car ils ont un vrai poids politique et vont encourager les autres équipes à se rendre en Irak et à soutenir notre demande » auprès de la Fifa, explique à l’AFP le ministre irakien des Sports Abdel Hussein Abtane.
Selon lui, « il n’existe aucun domaine dont la politique soit absente », pas même le football.
Bagdad fait le pari que Ryad, chef de file des pays du Golfe, entraînera dans son sillage ses voisins, dont certains sont encore timides, à l’image du Koweït qui vient de se retirer d’un tournoi entre quatre nations prévu en mars à Kerbala.
Le Qatar, lui, ne s’est pas défilé.
En crise diplomatique ouverte avec Ryad depuis l’an dernier, le petit émirat gazier est aussi en compétition avec son puissant voisin en Irak.
Si Bagdad compte sur l’Arabie saoudite pour l’appuyer face à la Fifa, le Qatar avait récemment envoyé en grandes pompes une délégation pour signer des accords avec les autorités sportives irakiennes.
Ce déplacement lui avait valu un tacle des Saoudiens le jour même: « Alors maintenant, on aide l’Irak?! L’Irak est devenu important, impressionnant… », tweetait un responsable saoudien, sous la photo du chef de la fédération qatarie en Irak.
– Infantino invité –
L’Irak a également invité le président de la Fifa, Gianni Infantino, à assister à la rencontre de mercredi, indique à l’AFP un porte-parole de l’instance internationale. « Il n’a pas encore répondu et n’a toujours pas pris la décision », ajoute-t-il toutefois.
Si le patron du foot mondial faisait le déplacement, veulent croire responsables et commentateurs irakiens, ce serait un signe positif envoyé au sujet de la levée des sanctions.
Une telle visite « serait importante », concède James Dorsey, spécialiste du football et de la politique au Moyen-Orient, « mais pour des raisons symboliques ».
« Le plus important, c’est de savoir si la Fifa va ou non lever l’interdiction, car si elle le fait, alors elle décrètera l’Irak comme un pays sûr », explique cet expert de la Rajaratnam School of International Studies de Singapour. Et « il est très important pour l’Irak, après la défaite territoriale de l’EI, d’être vu comme un pays sûr », poursuit-il.
En fait, résume à l’AFP l’entraîneur de l’équipe nationale d’Irak Bassem Qassem, le match de mercredi « est plus protocolaire que technique pour nous, mais son impact sur le foot irakien sera énorme ».