Rarement un championnat n’a brillé par autant d’approximation dans l’organisation et la programmation. Alors que sous d’autres latitudes, l’heure est aux préparatifs de la nouvelle saison, en Algérie, le championnat de football n’est toujours pas terminé.
Deux journées restent encore à disputer pour connaître enfin l’équipe qui va accompagner le HBCL en ligue 2, -le champion d’Algérie, le CRB en l’occurrence, étant déjà connu-, et les différents clubs appelés à représenter le pays dans les compétitions continentales.
Ce retard pour la clôture du championnat de Ligue 1 est d’autant paradoxal que des rencontres avaient été organisées durant la Coupe du monde 2022 qui s’est déroulé en novembre – décembre au moment où d’autres championnats étaient à l’arrêt !
L’Angleterre, à titre d’exemple, a clôturé dans les temps son championnat alors que le pays a participé à la Coupe du monde et ses clubs ont joué plusieurs compétitions européennes.
Résultat des courses : des matchs organisés sous la canicule et des joueurs évoluant alors que leurs contrats, pour certains du moins, ont expiré.
Pis encore, des voix s’élèvent ici et là dénonçant des magouilles et des arrangements de matchs sans que cela ne suscite des réactions auprès des instances dirigeantes du football, ni la commission d’éthique de la fédération, encore moins la justice.
Dans des propos rapportés par le journal spécialisé Compétition, le président de RC Larba, Hmida Boukhalfa, dont l’équipe est menacée de relégation, a jeté des soupçons sur l’attitude de certains responsables de clubs, accusés en termes voilés de se livrer à la combine.
Il pointe notamment du doigt le Paradou AC, menacé lui aussi de relégation mais qui a réussi l’exploit lors du dernier match en revenant avec une victoire précieuse de Bechar où souvent les équipes reviennent bredouilles en affrontant la JS Saoura locale.
« On joue le foot, on a fait un bon match (1 à 1 contre la JSK ; ndlr) et au final, on apprend que le PAC a marqué à Béchar à la 94`. Qu’est ce qui se passe ? Lors de la phase aller, ils pataugeaient dans le bas du tableau et maintenant, ils totalisent une trentaine d’unités, montrez-nous le secret, on veut faire de même », dit-il.
Hmida Boukhalfa accuse aussi l’arbitrage, comme l’ont fait avant lui des observateurs concernant la JSK, convaincus que l’équipe la plus titrée d’Algérie était la cible d’un « complot ».
Des accusations, au demeurant, sans preuves matérielles et sans qu’aucune action ne soit intentée contre les parties « accusées ».
« Si on mérite d’être en ligue 1, on doit l’être. Si on ne le mérite pas, on ne le sera pas. On a vu les désignations des arbitres, chaque club a placé l’arbitre qu’il voulait, sauf le RCA », dénonce Hmida Boukhalfa avant d’interpeller carrément les hautes autorités du pays. « Je ne vais pas, dit-il, faire appel à la FAF, ni à la ligue cette fois, mais au Président de la République. Notre club est un club d’une zone d’ombre, il est lésé (…) c’est honteux ! ».
Zekri accuse gravement Serrar
Les accusations de corruption et de matchs arrangés ne datent pas d’aujourd’hui. Le fléau gangrène le championnat algérien de football depuis plusieurs décennies.
Invité de la chaîne Echourouk News, l’ancien entraîneur du MC Alger et de l’Entente de Sétif, Noureddine Zekri, a jeté un pavé dans la mare racontant une anecdote sur un match arrangé durant la saison 2009/2010.
Alors qu’il dirigeait à l’époque l’Entente de Sétif, Noureddine Zekri connu pour ses déclarations fracassantes, affirme avoir été approché par son président Abdelhakim Serrar, ex-international algérien, qui lui a signifié de laisser filer les points de la rencontre face au Mouloudia d’Alger, décisive pour le titre de champion d’Algérie.
« Il m’a clairement dit que le Mouloudia allait être champion cette année et que les points de la rencontre étaient sans importance pour nous », a déclaré Noureddine Zekri. Cette année-là, le Mouloudia avait effectivement remporté le championnat national à trois points d’avance sur l’Entente de Sétif.
Cette déclaration qui rapporte des faits impossibles à vérifier jette encore plus le discrédit sur un championnat dont la crédibilité est entachée depuis plusieurs années déjà.
Football algérien : programmation défaillante
Gangréné par la corruption, infesté d’individus étrangers au métier, le football algérien qui cristallise toutes les frustrations de la jeunesse paye les errements d’une politique sportive appelée à être revue de fond en comble.
Improvisé et impréparé, le professionnalisme qu’on voulait asseoir s’est révélé comme une immense supercherie au regard des crises qui secouent beaucoup de clubs, asphyxiés financièrement, sans organisation managériale et ressources humaines qualifiées, gérés presque de façon artisanale.
Cela sans compter l’absence de formation aux normes exigées par le professionnalisme, si l’on excepte l’exemple de l’académie du Paradou.
Ce n’est pas sans raison que les clubs algériens peinent à s’imposer sur la scène continentale et que le sélectionneur national est contraint à recourir aux binationaux pour mettre sur pied une sélection capable de rivaliser avec les grandes nations du football.
En attendant une hypothétique réforme et un nécessaire assainissement dans ses rouages, le football algérien et par ricochet le championnat va s’abîmer sans nul doute dans une médiocratie mortifère.