Le député canadien, qui a alerté son gouvernement en juin dernier sur la hausse des transferts de devises d’Algérie vers son pays, avait raison.
En sept mois, entre janvier et juillet derniers, plus de 78,6 millions de dollars ont été transférés au Canada depuis l’Algérie, rapporte ce vendredi 6 septembre le journal canadien Le Devoir, qui a obtenu ces chiffres du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Ce dernier surveille les télévirements de fonds de plus de 10 000 $ en provenance de l’étranger, selon la même source.
“Pour les sept premiers mois de l’année, il s’agit de 10 millions de plus que pour l’année 2018 complète, mais également d’une croissance de 50% des transferts par rapport à 2017. Cette année-là, 52 millions de dollars avaient été transférés au Canada depuis des institutions bancaires algériennes”, précise le journal canadien.
Plus inquiétant, “la valeur moyenne des transferts a également explosé en 2019, pour atteindre 405 195 dollars par transaction déclarée, contre 187 900 dollars et 157 857 dollars respectivement en 2018 et 2017”, ajoute encore Le Devoir, qui met en cause les grosses fortunes algériennes et la classe dirigeante du pays.
“Ce montant représente plus de 26 fois le PIB par habitant en Algérie en 2018, confirmant ainsi que ces transferts sont orchestrés principalement par les plus grosses fortunes du pays. Le Québec est le principal point d’entrée de cet argent. La diaspora algérienne au Canada y est particulièrement bien établie”, précise-t-il encore.
Le journal note aussi que “les mouvements d’argent depuis l’Algérie sont également en croissance depuis le début de l’année vers d’autres pays, dont la France, la Belgique et la Suisse, où le blanchiment de ces sommes issues possiblement de la corruption passerait principalement par des transactions immobilières.”
Le Devoir rappelle qu'”en 2015, alors que le pays faisait face à une crise économique et politique provoquée par la chute du prix du pétrole, un secteur vital de son économie, plus de 151 millions de dollars ont été transférés au Canada depuis l’Algérie. Le montant moyen des transactions était alors de 374 000 $, soit 30 000 $ de moins qu’en 2019.”
En juin dernier, le député canadien Luc Dusseault alertait son gouvernement sur la hausse des transferts de devises en provenance d’Algérie. « Il m’a été rapporté que depuis que des grands changements politiques, sociétaux et institutionnels sont réclamés par les soulèvements populaires du peuple algérien au cours des derniers mois, il y aurait d’importantes sommes d’argent qui seraient envoyées au Canada, particulièrement au Québec », indiquait Pierre-Luc Dusseault, député de Sherbrooke (Québec), dans une lettre au ministre des Finances Bill Morneau.
M. Dusseault avait également mis en cause la classe dirigeante algérienne. « Ces mouvements financiers sont majoritairement faits par la classe politique et dirigeante algérienne actuelle, qui se prépare à un exil imminent », avait-il affirmé.
En avril dernier, alors que la polémique enflait sur la hausse des transferts de devises vers l’étranger, le ministère des Finances reconnaissait implicitement des failles. Il avait annoncé la mise en place d’un comité de veille et de suivi, chargé de suivre l’évolution des transferts en devises vers l’étranger. L’Union nationale des avocats avait déjà demandé à la Banque d’Algérie de durcir les conditions de transfert des devises vers l’étranger, pour éviter une fuite massive des capitaux, dans un contexte de grave crise économique et politique.