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Forum du dialogue : l’ombre de Bouregâa et des atteintes aux libertés

Forum du dialogue : l’ombre de Bouregâa et des atteintes aux libertés

Treize partis politiques et de nombreuses organisations de la société civile se sont retrouvés ce samedi 6 juillet à l’école d’hôtellerie de Aïn Benian, sur la côte ouest d’Alger, pour le Forum du dialogue national.

La forte affluence sur les lieux dès les premières heures de la matinée renseigne sur l’importance de l’événement, du moins sur l’espoir qu’il suscite pour voir le pays prendre le chemin du règlement de la crise par le dialogue et la discussion.

Mais les apparences sont parfois trompeuses. Si les journalistes se sont bousculés comme rarement pour installer micros et caméras sur l’estrade réservée à cet effet et les représentants de la société civile, également nombreux, se sont chamaillés pour une place aux premières loges, une partie du gratin de la politique nationale n’y était pas. Du moins, il manquait du monde à l’appel.

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On savait déjà qu’au moins la moitié des poids lourds de l’opposition ne viendra pas. Le FFS, le RCD, le PT et les autres signataires de l’appel aux forces de l’alternative démocratique ont décliné l’invitation et émis des soupçons à peine voilés sur la démarche des Forces du changement. Il n’y aura non plus ni d’Ahmed Taleb Ibrahimi, ni de Mouloud Hamrouche, d’Ahmed Benbitour ou de Mustapha Bouchachi, encore moins de Liamine Zeroual.

Abdelaziz Rahabi, coordinateur du Forum, lit un message d’excuses du premier nommé, mais ne dit rien sur l’absence des autres. Les partis proches du pouvoir n’ont, eux, pas été invités comme tous ceux qui ont soutenu le cinquième mandat.

Les politiques ouvrent le bal

Ali Benflis est en revanche là. Abdallah Djaballah et Abderrazak Makri aussi. Ainsi que Mohamed Saïd, Ali Faouzi Rebaine, Noureddine Bahbouh, Tahar Benaïbèche…

Benflis, président de Talai al Houriyat, ancien chef de gouvernement et deux fois candidat malheureux à la présidentielle, est accueilli en guest star par les journalistes. Une première mouture de la plateforme qui sera soumise à débat est distribuée. Les principes, les objectifs et le cadre du dialogue sont énoncés, l’exclusion des partisans de l’ancien président réitérée et des mesures d’apaisement réclamées.

Dans la salle, Rahabi peut se consoler d’avoir à ses côtés deux académiciens de renom, l’historien Mohand Arezki Ferrad et la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Derrière lui, une immense affiche illustrant une marche populaire à Alger et floquée d’un slogan significatif : « Pour le triomphe du choix du peuple ». Les débats peuvent commencer. Le maître de cérémonie sollicite la patience de l’assistance. La liste des intervenants sera longue : dix-huit rien que dans la matinée. Tous, ou presque, des politiques.

Noureddine Bahbouh est le premier à avoir la parole. Il appelle à l’union et à rester à l’écoute du hirak. « Le dialogue est le chemin le plus court pour sortir du blocage politique hérité de la Issaba corrompue (…) Mais il faut réunir les conditions objectives pour concrétiser la volonté du peuple », dit le président de l’Union des forces démocratiques et sociales.

« Sans le hirak et la révolution pacifique du peuple algérien, on n’aurait même pas eu d’autorisation pour tenir ce forum », reconnaît de son côté Tahar Benaïbèche, du parti Fadjr al Djadid, qui salue en outre « la communion entre le peuple et son armée ».

« On ne peut pas dialoguer alors que des jeunes et des moudjahidine sont en prison »

Djilali Sofiane, de Jil Djadid, exige « des gages de bonne volonté », estimant que « si le pouvoir actuel est sincère dans sa volonté d’aider au changement exigé par le peuple, tel qu’il le proclame, il doit remettre en liberté tous les détenus d’opinion », car « il n’est pas possible de dialoguer alors que des jeunes et des moudjahidine sont en prison pour avoir participé à une manifestation, avoir arboré l’emblème amazigh ou même avoir critiqué les dirigeants du pays ».

Ali Faouzi Rebaïne arrache les applaudissements de la salle lorsqu’il évoque le cas du commandant Bouregâa, détenu à la prison d’El Harrach. « C’est une honte pour le régime. Les héros, leur place n’est pas en prison. Des fils de harkis nous ont gouvernés, ils étaient des ministres, vous les connaissez. Les héros ne se sont pas sacrifiés pour le régime, mais pour le peuple », dit le fils de chahid.

C’est aussi lui et non Rahabi qui répond  aux spéculations autour des motivations des participants à la conférence : « A ceux qui disent que c’est le pouvoir qui organise ce forum, je dis que ce forum est organisé par des hommes. » Le coordinateur, lui, se contente d’éclaircir l’aspect lié au financement, disant qu’il a été fait sur les fonds des partis et associations invités.

Le discours de Bensalah a séduit

Abderrazak Makri, du MSP, met en garde contre l’échec de la transition démocratique. « Si nous échouons, nous perdrons les acquis réalisés jusque-là. Le système Bouteflika restera ou laissera la place à un système similaire ou pire et la Issaba sera relâchée et innocentée comme cela s’est passé dans d’autres pays arabes. Ou alors la Issaba sera remplacée par une autre », avertit-il.

Le chef de l’autre parti islamiste, le FJD, Abdallah Djaballah, s’en prend au chef de l’Etat actuel qu’il qualifie d’« illégitime », même s’il trouve sa dernière proposition « intéressante » mais « pas suffisante ».

Ali Benflis estime lui aussi que tout n’est pas à jeter dans le discours de Bensalah et reconnait même qu’il a « introduit une certaine rupture avec le discours politique qui faisait la marque de fabrique du régime politique en place » et qu’il a « fait bouger quelques lignes dont il ne faut pas sous-estimer l’importance. Il a présenté une base certes encore incomplète, sur laquelle il est possible d’envisager une sortie de l’impasse actuelle ».

Benflis et tous les autres sont donc preneurs et partants pour « un grand débat national » qui « se mesure au grand compromis national qu’il est capable de produire ».

Les jeunes dénoncent la langue de bois

La sérénité des travaux de la matinée est perturbée pendant quelques minutes par un représentant qui dénonce la « marginalisation » de la société civile par les politiques qui ont « monopolisé » la parole.

Ce genre de grief, on l’entendra pendant tout l’après-midi pourtant presque entièrement consacré aux interventions de la société civile, au nombre bien plus élevé que celles des politiques dans la matinée. Tous ont réclamé une meilleure place pour les jeunes, comme cette femme qui note que « 90% des présents avaient plus de cinquante ans et que le taux des femmes parmi l’assistance ne dépasse pas 2% », ou encore ce jeune qui dit ne pas apprécier la « langue de bois » utilisée dans les débats et qui ne diffère en rien de celle du système.

On retiendra surtout cette magistrale intervention d’Arezki Ferrad qui sonne comme un reproche à certains chefs de partis de n’avoir pas trop insisté sur le net recul des libertés constaté depuis quelques semaines et de n’avoir presque rien dit sur les arrestations de manifestants et les pressions sur les médias.

« Personnellement, si cette situation perdure, je ne me sens pas concerné par le dialogue à venir », lâche l’universitaire.

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