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France – Algérie : ce qui pourrait changer avec l’extrême-droite au pouvoir

France – Algérie : ce qui pourrait changer avec l’extrême-droite au pouvoir

La France pourrait dans quatre semaines se doter d’un gouvernement d’extrême-droite pour la première fois de son histoire, ce qui pourrait peser lourdement sur la relation déjà difficile avec l’Algérie.

Par fatih / Adobe Stock

Après avoir remporté les élections européennes dimanche 9 juin, le Rassemblement national (RN) pourrait aussi gagner les législatives du 30 juin et 7 juillet. Les Algériens suivent avec intérêt ce qui se passe en ce moment en France.

La suite des événements pourrait avoir de lourdes répercussions sur les relations entre les deux pays, la délivrance des visas, l’accord de 1968, l’exécution des reconduites aux frontières, la gestion du dossier mémoriel, et même sur la politique maghrébine de la France.

Si le RN devrait contrôler le gouvernement, ce serait au prix d’une alliance avec deux autres formations politiques aux positions tout aussi tranchées sur l’Algérie, Les Républicains et Reconquête !. Les trois partis divergent souvent, mais sont d’accord quand il s’agit de l’Algérie.

Lors de la campagne pour la présidentielle de 2022, Marine Le Pen avait promis une politique à l’égard de l’Algérie « totalement inverse » de ce qui s’est fait ces dernières décennies.

Le 13 avril 2022, en conférence de presse, la fille de Jean-Marie Le Pen s’est attardée sur l’Algérie et les Algériens de France.

« Nous ne sommes pas dépendants économiquement de l’Algérie, ni de son gaz, et il est surtout dans l’intérêt de l’Algérie que les relations avec la France soient saines et apaisées », avait-elle dit, tout en laissant croire qu’elle voulait une « relation amicale » avec l’Algérie.

Politique des visas et laissez-passer consulaires

Pour les visas, les trois partis sont d’accord de les réduire pour les Algériens. En janvier 2023, Jordan Bardella, le successeur de marine Le Pen à la tête du RN, a accusé sur LCI le président Emmanuel Macron d’avoir « battu tous les records » en délivrant plus de 275.000 visas aux Algériens en 2019.

Dans la même sortie, il a exprimé un plan qui est partagé par tout le courant extrémiste : conditionner la délivrance des visas et les transferts de fonds par la reprise par l’Algérie de ses ressortissants indésirables.

« Les Algériens qui vivent déjà en France et se comportent conformément au droit français, respectent nos us et coutumes et aiment la France, n’ont pas de raison de ne pas rester. Les autres, certes minoritaires, devront partir », avait déclaré Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle de 2022.

Sur cette question des Algériens en situation irrégulière, Les Républicains et Marion Maréchal Le Pen (Reconquête) ont gravement dérapé juste avant le dernier scrutin en suggérant de rendre à l’Algérie ses « clandestins, fichés S, criminels et chômeurs longue durée », plutôt que les objets symboliques de la période coloniale qu’elle réclame.

En cas d’accession de l’extrême-droite au pouvoir en France : que restera-t-il de la relation avec l’Algérie ?

« Nous ne sommes pas la garderie de l’Algérie », avait déjà tonné en juillet 2023 la petite fille de Jean-Marie Le Pen qui a estimé sur X que « 42 % des Algériens n’ont aucune activité en France et ils représentent la première nationalité étrangère en prison ».

« Il est plus que temps de mettre fin au régime de faveur franco-algérien sur l’immigration », avait-elle exigé.

L’allusion est à l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, dont la droite et l’extrême-droite française réclament la révocation.

L’idée a été lancée en mai 2023 par Xavier Driencourt, deux fois ambassadeur de France à Alger. Les LR, le RN et Reconquête en font depuis une obsession.

Au lendemain du scrutin européen du 9 juin, Sébastien Chenu, vice-président du RN, est revenu à la charge. « Nous proposons d’abroger les accords qui nous lient à l’Algérie », a-t-il déclaré sur BFMTV lundi 10 juin.

Les députés de ce courant ont voté pour la proposition de révoquer l’accord, finalement rejetée par l’Assemblée en décembre dernier.

Quel avenir l’accord de 1968 ?

Xavier Driencourt avait lui-même souligné que la révocation de l’accord de 1968 pourrait provoquer la rupture des relations diplomatiques entre la France et l’Algérie.

Les retombées pourraient être plus sur la relation bilatérale que sur le séjour des Algériens en France, étant donné que les prétendus avantages accordés aux Algériens que dénoncent les pourfendeurs du traité ne sont pas déterminants.

Fondé autour des nostalgiques de l’Algérie française, le courant extrémiste français, dans toutes ses composantes, se retrouve aussi dans le refus de toute repentance et tout geste en faveur de l’apaisement mémoriel entre les deux pays.

Dans leur discours, les représentants de ce courant reprochent à Emmanuel Macron d’avoir fait beaucoup de concessions à l’Algérie.

En janvier 2023, Jordan Bardella a qualifié le FLN  d’« organisation terroriste qui a commis des attentats contre la France ».

Mémoire : les positions tranchées de l’extrême-droite

« L’Algérie n’entend et ne comprend que la force en matière diplomatique. Il faut se faire respecter de l’Algérie », avait-il dit.

« Alors que le communautarisme et l’islamisme progressent et se nourrissent de nos faiblesses, Macron continue d’envoyer des signaux désastreux de repentance, de division et de haine de soi », avait tweeté en mars 2021 Marine Le Pen lorsque Macron a reconnu la responsabilité de la France dans la mort du résistant algérien Ali Boumendjel.

Une année plus tard, elle a conditionné la « réconciliation des mémoires » par le « pardon » que l’Algérie doit, selon elle, demander aux Harkis.

« Rééquilibrage » en faveur du Maroc et au détriment de l’Algérie

Simultanément, Éric Zemmour a dénoncé l’attitude des politiques français qui ont battu « la coulpe » face à des dirigeants algériens « souvent arrogants ». En mars dernier, les députés RN ont voté contre une résolution condamnant les massacres du 17 octobre 1961 à Paris.

Autre sujet qui met d’accord toutes les têtes de la droite et de l’extrême-droite française, la « politique maghrébine » et la question du Sahara occidental. En avril 2022, lors de la conférence où elle a promis une politique « inverse » avec l’Algérie, Marine Le Pen a évoqué « le Maroc qui nous est cher ».

Le RN, LR et Reconquête ! trouvent la politique maghrébine d’Emmanuel Macron favorable à l’Algérie et plaident pour son « rééquilibrage » en faveur du Maroc.

En mai 2023, Éric Ciotti, président des LR, a appelé à partir de Rabat à ce rééquilibrage et à la reconnaissance par la France de la « souveraineté » marocaine sur le Sahara occidental. À ses côtés, il y avait Rachida Dati, l’actuelle ministre de la Culture d’origine marocaine.

Si toutes ces « promesses » venaient à être tenues dans le cas de l’accession au pouvoir du courant extrémiste, il faudrait se demander ce qu’il restera de la relation franco-algérienne.

Économie 

L’arrivée de l’extrême-droite en France pourrait aussi affecter les relations économiques entre les deux pays. Avec des échanges commerciaux qui ont atteint 12 milliards d’euros en 2023, l’Algérie est l’un des plus importants clients de la France en Afrique et l’un de ses principaux fournisseurs en gaz.

Si l’Algérie entretient des relations normales avec l’extrême-droite au pouvoir en Italie malgré ses dérapages sur les musulmans, la situation sera différente avec le Rassemblement national aux commandes du gouvernement en France en raison du poids de l’histoire de la colonisation.

Le Rassemblement national (RN) a remplacé le Front national qui a été fondé par Jean-Marie Le Pen sur les décombres de l’Algérie française. Dans ce contexte, il est difficile de prévoir un avenir radieux pour la présence économique française en Algérie.

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