La France a, depuis le 11 janvier, un nouveau gouvernement dirigé par Gabriel Attal et dominé par la droite. Alors que la relation avec l’Algérie alterne les hauts et les bas, beaucoup s’interrogent de part et d’autre sur ce qu’elle sera avec le retour aux affaires de figures proches de l’ancien président Nicolas Sarkozy.
L’interrogation est légitime puisque l’ancien chef de l’État (2007-2012) et son entourage ont des avis tranchés sur au moins trois sujets clés qui font ou défont la bonne entente entre Paris et Alger : la mobilité (visas), la mémoire et la politique maghrébine de la France.
Ces derniers mois, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de réclamer la nomination d’un « gouvernement de droite » pour suivre la tendance de « droitisation » de la société et on ne peut pas dire qu’il n’a pas été servi.
Dans le gouvernement resserré que dirige Gabriel Attal, au moins huit ministres sur quatorze sont issus de la droite ou carrément de l’entourage de Nicolas Sarkozy, comme son ancienne ministre de la Justice Rachida Dati, nommée à la Culture, ou son ancienne porte-parole Catherine Vautrin, désormais ministre du Travail. Marie Lebec, Aurore Berger, Bruno Lemaire, Sébastien Lecornu et même Gérard Darmanin ont tous un passé à droite.
Sur la question de la mobilité, particulièrement avec l’Algérie, la droite s’est montrée très agressive ces derniers mois, d’abord en réclamant (en vain) la révocation de l’accord franco-algérien de 1968 puis en imposant à Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin une loi sur l’immigration très restrictive, largement inspirée par l’extrême droite.
Le deal qui a entouré le texte, voté le 19 décembre dernier grâce aux voix des députés de la droite et de l’extrême-droite, a marqué un tournant dans la présidence Macron.
Il reste maintenant à savoir si le président français cédera aussi, dans ce qu’il reste de son mandat, devant le forcing du même courant politique sur les deux autres dossiers sensibles pour l’Algérie.
Sur la mémoire, la droite refuse toute idée de « repentance » et l’a réitéré à chacun des gestes effectués ces six dernières années dans ce sens par le président Macron. Sarkozy disait en 2012, juste avant de quitter le pouvoir, que « la France ne peut se repentir d’avoir conduit la guerre d’Algérie ». En 2021, il a réitéré son opposition à la « repentance systématique ».
France : interrogations sur le futur de la relation avec l’Algérie
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui entretient de bons rapports avec son homologue français, a maintes fois dénoncé l’action néfaste de certains lobbies qui ne veulent pas d’un rapprochement entre la France et l’Algérie.
Ces lobbies sont constitués de nostalgiques de l’Algérie française qui s’affichent dans l’extrême-droite et la droite traditionnelle, des pro-marocains et des pro-israéliens qui sont puissants et influents en France.
« Aujourd’hui, l’Algérie a peu d’amis en France, constate un spécialiste des relations franco-algériennes. La diaspora est dispersée et les réseaux qui faisaient la relation autrefois sont en panne et sont parfois victimes de l’action néfaste des lobbies hostiles à une bonne relation entre les deux pays ».
Des figures de ces deux familles politiques ont publiquement dénoncé le rapprochement avec l’Algérie voulu par Emmanuel Macron. Alors que la relation avec Rabat n’est pas au beau fixe à cause de l’affaire Pegasus et le refus de Macron de céder sur le dossier du Sahara occidental, les appels du même courant politique se sont multipliés ces derniers mois pour « rééquilibrer » la politique maghrébine d’Emmanuel Macron, jugée favorable à l’Algérie au détriment de « l’allié historique » marocain.
Une telle orientation est défendue par de nombreuses voix de droite, dont justement Rachida Dati. L’ancienne ministre de la Justice a accompagné le président des Républicains Éric Ciotti dans une visite dans le pays de ses origines en mai dernier.
À Rabat, ils ont plaidé publiquement pour la reconnaissance par la France de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental, comme l’avaient fait les États-Unis, puis plus tard Israël. Une revendication assumée également sans ambages par Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais fait mystère de sa préférence pour le Maroc. « La marocanité du Sahara a toujours été une constante de ma part », a-t-il réitéré en décembre dernier au cours d’un séjour à Rabat.
Il reste cependant la constante française qui veut que la politique étrangère soit un domaine réservé du président de la République. La nomination de Stéphane Séjourné aux Affaires étrangères a d’ailleurs été autant décriée à Rabat que le retour de Rachida Dati a été applaudi.
Séjourné est toujours vu au Maroc comme l’architecte des deux résolutions défavorables du Parlement européen en décembre 2022 et janvier 2023. Mais les observateurs notent le retour en force du lobby marocain et le dégel des relations entre la France et le Maroc n’est qu’une question de temps.
« Tout est réuni pour un retour à la normale des relations entre la France et le Maroc, mais avec l’Algérie, c’est à nouveau l’incertitude », explique un autre spécialiste des relations entre les deux pays.
Emmanuel Macron a aussi gardé en Gérald Darmanin un des poids lourds de son gouvernement qui partagent son envie d’ouvrir une nouvelle page avec l’Algérie. Gérald Darmanin a des origines algériennes par son grand-père.
Il a effectué plusieurs visites en Algérie et s’est rendu une seule fois au Maroc en octobre 2020. Au gouvernement, il ne fait pas partie de ceux qui ne croient plus à une relation forte avec l’Algérie. Même si, faut-il le dire, le ministre de l’Intérieur est sorti affaibli de l’épisode de l’élaboration de la loi Immigration.
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