International

France : appel à déboulonner Bugeaud, « l’enfumeur d’Algérie »

Les feux de l’actualité sont braqués depuis deux semaines sur la guerre entre Israël et la Palestine, mais le débat revient en France sur le colonialisme à la faveur d’une tribune publiée dans le journal Le Monde par un journaliste et un politologue anticolonialiste.

Jean-Michel Aphatie et Olivier Le Cour Grandmaison appellent à ce que cesse la glorification du maréchal Bugeaud dans les villes françaises.

Leur tribune est intitulée : « À Paris, comme dans les autres villes concernées, la glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré ».

Bugeaud est l’un des personnages les plus controversés de l’histoire coloniale de la France en Algérie à cause des crimes commis par les troupes sous son commandement entre 1836 et 1847.

Cette période de la conquête de l’Algérie fut la plus sanglante. Chargé d’abord en tant que lieutenant-général de réprimer la résistance de l’Émir Abdelkader, en 1836, Bugeaud sera nommé gouverneur de l’Algérie en 1841.

Ses « méthodes » pour pacifier le pays lui valent d’être promu maréchal de France en 1843. Il est connu pour avoir pratiqué la politique de « la terre brûlée » afin d’affamer les habitants et d’avoir ordonné les enfumades qui consistaient à asphyxier les autochtones qui se réfugiaient dans des grottes. L’enfumade du Dahra, près de Mostaganem, le 18 juin 1845, a fait entre 700 et 1200 morts.

En 1853, 4 ans après le décès de Bugeaud, Napoléon III a fait ériger une statue à sa mémoire au centre de Paris, en présence de 30 000 personnes.

La statue y est toujours, en plus de nombreuses autres à travers la France et des rues qui portent le nom du personnage controversé. Son rôle dans la « pacification » de l’Algérie est souligné sur piédestal.

Bugeaud, l’enfumeur d’Algérie ne doit plus être honoré en France

Les auteurs de la tribune estiment que les mots « apologétiques et abstraits » gravés sur le piédestal de la statue, couvrent « de terribles réalités constitutives d’une guerre totale » que le maréchal Bugeaud, en sa qualité de gouverneur général de l’Algérie, a « conçue et appliquée ».

Ils rappellent que la guerre de Bugeaud en Algérie a été « particulièrement destructrice et meurtrière », car elle n’a pas connu de distinction entre champs de bataille et sanctuaires, ni entre combattants et civils.

Des oasis et villages anéantis, massacres, torture, déportations en masse, enfumades, la liste des griefs à l’encontre du maréchal de France est longue. Celui-ci est également décrit dans la tribune comme un « ennemi redoutable de la République » pour ses prises de position en politique interne.

Avant de s’ « illustrer » en Algérie, Bugeaud avait d’abord fait ses « preuves » en France en massacrant des insurgés parisiens.

« À sa mort en 1849, les députés républicains avaient pourtant porté des toasts à la mort du massacreur de Transnonain, de l’enfumeur d’Algérie », renchérit une autre, Mathilde Larrere.

L’un des auteurs de la tribune, Jean-Michel Aphatie, a insisté sur les réseaux sociaux que « aujourd’hui plus que jamais, l’humanisme doit commander les choix de notre mémoire publique ». « Finies les places, rues, écoles statues Bugeaud et Lamoriciere », a-t-il tweeté.

Une initiative qui risque de faire tache d’huile. Un élu de la Loire du parti Renaissance, Samir Djellab, a plaidé pour que la ville renomme la rue Bugeaud dans le 6e arrondissement de Lyon.

« Il est essentiel de reconnaître et de rectifier la célébration d’un général impliqué dans les meurtres de masse lors de la colonisation de l’Algérie », a-t-il indiqué.

Les plus lus