La Fédération française de football (FFF) a déclenché une vive polémique en décrétant cette année « zéro Ramadan » pour les joueurs sélectionnés dans les différentes catégories des Bleus.
Des clubs lui ont emboîté le pas, ce qui a suscité des réactions d’incompréhension dans les milieux du football, mais aussi de la sphère médiatique et politique.
L’affaire a éclaté mardi 19 mars, lorsqu’un joueur de l’Olympique lyonnais, le Franco-Malien Mahamadou Diawara, a décidé de renoncer au stage de l’équipe de France U19 pour pouvoir observer le jeûne du Ramadan.
Mahamadou Diawara venait de prendre connaissance d’une note ferme de la Fédération française de football ordonnant aux sélectionneurs des différentes sélections des Bleus d’interdire le jeûne du Ramadan pour les joueurs sélectionnés. Ce qui était l’an passé un simple avis de la FFF est devenu cette année un ordre ferme.
La Fédération française se distinguait déjà par son refus d’autoriser la rupture des matchs de l’élite pour permettre aux joueurs de confession musulmane de rompre le jeûne, une pratique généralisée depuis la saison passée dans certains pays d’Europe, comme l’Angleterre et l’Allemagne.
La FFF n’a pas donné d’instruction aux clubs concernant le Ramadan, mais il semble que certains d’entre eux interdisent à leurs joueurs de jeûner.
La saison passée, le joueur algérien Jaouen Hadjam a été écarté du groupe du FC Nantes par l’entraîneur Antoine Kombouaré à cause du jeûne. Cette année, des informations non confirmées font état de plusieurs clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 et même des divisions inférieures qui auraient pris des « mesures anti-ramadan », prévoyant notamment des sanctions en cas de jeûne.
La réaction la plus retentissante à la note de la Fédération française de football de décréter « zéro Ramadan » dans le football français est venue de l’ancien international sénégalais Habib Beye, aujourd’hui entraîneur du Red Star, en National.
Habib Beye considère comme discriminatoire la décision de la FFF puisque, selon lui, elle vise une seule religion sans les autres.
« Si on le fait sur une religion, il faut le faire sur toutes les religions, et ce n’est pas le cas aujourd’hui (…) On stigmatise cette religion et on met les gens dans des cases », a fustigé l’ancien marseillais.
Si de telles accusations accablent la Fédération française, c’est aussi à cause du contexte global fait de stigmatisation banalisée de l’islam et des musulmans en France. Ce Ramadan 2024 a débuté sur une rumeur annonçant justement l’interdiction du jeûne par le gouvernement.
Interdiction du Ramadan par la Fédération française de football : « Une décision discriminatoire »
Cette année, le Ramadan musulman coïncide avec le Carême chrétien, qui dure, lui, 46 jours, et il n’échappe à personne que seul le jeûne musulman pose problème.
Habib Beye a expliqué que lui, il ne voit que « les avantages » de laisser les joueurs pratiquer leur foi religieuse, quelle qu’elle soit. « Ça crée de la cohésion, des discussions, une solidarité que, peut-être, les gens ne voient pas sur un terrain de football », a expliqué le Sénégalais en conférence de presse. « Je suis très fier que mes joueurs se retrouvent dans leur foi, quelle qu’elle soit », a-t-il insisté.
Le magnifique discours d’Habib Beye à propos de la pratique du ramadan dans le football ! 🗣️🤲🏿 pic.twitter.com/75N8qwXLSh
— 𝗝𝗼𝘂𝗲𝘂𝗿𝘀 𝗦𝗲́𝗻𝗲́𝗴𝗮𝗹𝗮𝗶𝘀 🇸🇳 (@JoueursSN) March 22, 2024
Du côté de la classe politique, cette énième polémique à propos du Ramadan a beaucoup fait réagir à gauche. David Guiraud, député de La France Insoumise (LFI) y voit une « obsession antimusulmans » qui « ridiculise la France » et la « déshonore ».
Le parlementaire estime qu’il est « désespérant » de constater que des jeunes talents à la carrure internationale sont forcés de « choisir entre être musulman et être footballeur ».
La France est une nouvelle fois ridiculisée par son obsession anti-musulman. L’interdiction surprise du ramadan dans le football français, en mettant des jeunes joueurs au pied du mur, nous déshonore. On force maintenant des jeunes talents à la carrure internationale à choisir…
— David Guiraud (@GuiraudInd) March 22, 2024
Edwy Plenel, ancien directeur de Mediapart, a dénoncé pour sa part « une décision discriminatoire qui viole l’égalité des droits ».
Son journal y est allé de son commentaire, écrivant qu’en sommant de jeunes joueurs de choisir entre le maillot bleu et le jeûne du Ramadan, le football français inscrit un « nouveau but contre son camp (…), celui de l’égalité et de la lutte contre les discriminations ».
« L’équipe de France, tu manges ou tu la quittes », a tweeté le journaliste du même média, Ilyas Ramdani, rappelant que ce n’est pas la première fois que la Fédération française agit ainsi « au mépris des libertés individuelles et des « valeurs » qu’elle prône ». Le journaliste accuse la FFF de « montrer son obsession » pour l’Islam dès qu’elle le peut.
L'équipe de France, tu manges ou tu la quittes. Menus halal, voile, Ramadan : dès qu'elle le peut, la FFF montre son obsession pour la question de l'islam et de sa visibilité. Au mépris des libertés individuelles et des « valeurs » qu'elle prône.https://t.co/mpofIORsy6
— Ilyes Ramdani (@Ilyesramdani1) March 22, 2024
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